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Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/562 | regards se détournaient avec horreur du spectacle hideux de plus de 300 cadavres jetés sans sépulture au fond d’un abîme. Peu de jours auparavant, Théodoros avait fait massacrer ces malheureux et précipiter leurs corps du haut du rocher. La dépouille du négus fut recueillie et gardée par une sentinelle anglaise ; mais, parmi les quelques serviteurs fidèles restés au dernier moment près de lui, aucun ne la réclama pour lui rendre les honneurs funèbres. Il fut enterré le lendemain dans l’église de Magdala, et la présence de quelques habits rouges fut la seule pompe qui accompagna ces tristes funérailles. La veuve de Théodoros et son héritier reçurent l’hospitalité au camp anglais et furent emmenés par l’armée dans sa retraite ; la reine mourut en route, son fils seul fut embarqué et conduit en Angleterre.
Une explosion de joie accueillit dans l’armée anglaise la nouvelle de la mort du négus ; il semblait que chacun redoutait l’embarras qu’eût causé à l’Angleterre Théodoros prisonnier. Les captifs étaient libres, leur ennemi abattu et sa citadelle au pouvoir des Anglais ; quatre jours leur avaient suffi pour terminer la campagne. Le 10 avril, les armes britanniques avaient été victorieuses ; le 13, la politique de l’Angleterre obtenait un triomphe éclatant et complet. Le but de l’expédition d’Abyssinie était atteint peut-être au-delà même des espérances ; mais ce n’était pas trop d’un pareil succès pour compenser les frais énormes de cette guerre et surtout pour payer les épreuves si pénibles qu’elle avait imposées au corps expéditionnaire.
La prise de Magdala livrait aux mains des Anglais tout le matériel de guerre de l’armée du négus : il consistait principalement en une quarantaine de canons de bronze de tous modèles et de tous calibres ; quelques-uns avaient été fondus dans le pays ; les affûts, les caissons, grossièrement construits, rappelaient par de minutieux détails les types de nos modèles français. On trouva en outre une certaine quantité de fusils doubles à percussion d’importation européenne, un nombre très considérable de sabres, de piques et de boucliers du pays et une grande quantité de poudre de guerre. De tout cela, rien ne méritait l’honneur d’être rapporté comme trophée. Ce matériel fut donc détruit ; puis, voulant accomplir un dernier acte de vengeance, l’armée anglaise incendia Magdala, ce lieu témoin de la captivité et des tortures de tant d’infortunés.
Le 18 avril, l’armée quittait le camp de Magdala, traînant à sa suite les Européens avec leurs familles arrachés à leur captivité. Après une longue étape et une ascension pénible sur les rives
<references/> |
Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/327 | faire la charité, à aller voir des pauvres, à visiter des églises, et elle ne nous gênera pas.
— Du reste, ajouta le notaire, on ne lui laisse voir personne ; les gens de la maison ne la voient même jamais ; elle vit seule avec une bonne qui l’a élevée ; elle ne sort que pour aller à l’église, chez les pauvres et chez les sœurs de charité. »
L’appartement était prêt et charmant ; le tapissier n’avait rien oublié ; il se composait d’une pièce d’entrée formant antichambre, d’un salon, de deux chambres à coucher avec dégagements, cabinets de toilette avec armoires, etc., et, au bout de l’appartement, une chambre de femme de chambre avec lingerie et escalier de service.
Le jour du mariage, M. Frölichein et sa fille arrivèrent après dîner seulement. Un de leurs témoins vint prévenir M. Féréor et Gaspard qu’ils se rendraient directement à la mairie, ensuite à l’église, et qu’on n’eût pas à s’inquiéter d’eux, qu’on ne se dérangeât pas pour venir les voir, parce que {{Mlle|Mina}} serait à sa toilette et ne recevrait pas. Cet avertissement ne fut pas perdu pour M. Féréor. Gaspard envoya demander à quelle heure Mademoiselle voulait avoir sa voiture ; qu’on devait être à la mairie à onze heures et demie.
« À l’heure qu’on voudra », fit-elle répondre.
Dans la soirée elle fit demander à M. Féréor s’il voulait bien permettre à sa bonne qui lui servait de femme de chambre, de porter ses effets dans l’appartement qu’elle devait occuper.
<references/> |
Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/503 | __NOTOC__
51 m. — 11{{e}} arrondissement, quartier de l’École-de-Médecine.
<section begin="s1"/>« 19 août 1672. — Arrêt du conseil. — Le roy estant en son conseil, s’estant faict représenter le plan arresté entre les prévost des marchands et eschevins de sa bonne ville de Paris, et le sieur président de Alesmes, scindicq apostolique et protecteur général des Cordeliers de France, et en particulier, du grand couvent de la d. ville, pour la construction d’une place de 9 thoises de large, au-devant du grand portail de leur église, sur 18 thoises de long, et ''d’une rue de 6 thoises de large, qui traversera la d. place'' jusques à la rue des Fossés, vis-à-vis l’hostel de Condé, etc... Sa majesté estant en son conseil a ordonné et ordonne que le d. plan sera exécuté selon sa forme et teneur, etc... » — La rue qui nous occupé fut ouverte peu de temps après sur une largeur de 11 m. 80 c., et la dénomination qu’elle reçut alors rappelle la maison religieuse des Cordeliers, dite le ''grand couvent de l’Observance''. Un arrêté de la Commune, du 25 juillet 1793, donna à cette voie publique le nom de ''place de l’Ami-du-Peuple''. En l’an IV, elle fut appelée ''place de l’École-de-Santé'', et quelque temps après, elle reprit sa dénomination primitive. — Une décision ministérielle du 23 frimaire an IX, signée Chaptal, a maintenu la largeur de 11 m. 80 c. Les constructions riveraines ne sont pas soumises à retranchement. — Égout.
<section begin="observatoire_l-"/>{{ancre|Observatoire}}{{LazareRue|observatoire_l-|Observatoire|l’|
Situé à l’extrémité de l’{{LazareLien|Observatoire (avenue de l’)|avenue du même nom}}. — {{LazareLien|Arrondissement/12|12{{e}} arrondissement}}, quartier de l’Observatoire.}}
Lorsqu’il plait à Dieu de donner à un souverain la puissance et le génie, il dépose abondamment autour du prince les germes de tous les genres de supériorité, et lui transmet le pouvoir de leur fécondation. Aucune époque de notre histoire n’est comparable au siècle de Louis XIV. Nous avons analysé un à un, dans le cours de cet ouvrage, tous les établissements créés sous ce règne, pour favoriser le développement des sciences et des arts. On sentit également, à cette époque, la nécessité de construire un ''Observatoire'' pour l’astronomie. Le ministre Colbert chargea Claude Perrault de fournir les dessins de cet édifice qui, commencé en 1667, fut terminé en 1672. Jean-Dominique ''Cassini'', célèbre astronome que Colbert avait mandé d’Italie pour diriger les travaux, ne put arriver à Paris qu’au moment où les constructions de cet édifice étaient presqu’achevées. Cassini trouva les dispositions peu convenables aux observations astronomiques, et demanda plusieurs changements. Les modifications réclamées par Cassini ne furent pas du goût de Claude Perrault, qui persista dans ses idées. L’édifice terminé, Cassini fut obligé de faire construire sur la terrasse supérieure une petite tourelle qui servit longtemps aux observations.
L’Observatoire a la forme d’un rectangle dont les quatre façades correspondent aux points cardinaux du monde. Aux deux angles de la façade méridionale sont deux tours ou pavillons octogones. Une troisième tour carrée occupe le milieu de la façade du nord où se trouve l’entrée. La ligne de sa face méridionale se confond avec la latitude de Paris. La méridienne est tracée dans la grande salle du second étage. Elle divise cet édifice en deux parties ; et, se prolongeant au sud et au nord, s’étend d’un côté jusqu’à Collioure, et de l’autre jusqu’à Dunkerque. Ces deux lignes, qui se coupent au centre de la façade, ont servi de bases aux nombreux triangles d’après lesquels on a levé la carte générale de France, appelée ''Carte de Cassini'' ou de l’''Observatoire''. Les planchers et les escaliers sont voûtés. La hauteur de la plate-forme, au-dessus du pavé, est de 27 m. Malgré tout le luxe extérieur de cet édifice, il ne s’y trouvait pas un seul endroit convenable où l’on pût faire, avec exactitude, une série d’observations. Cet état de dénûment a cessé, l’intérieur de l’Observatoire est devenu habitable. Sur la plate forme ont été construits des cabinets qui servent aux observations et à conserver les instruments. Au second étage se trouve la grande salle qui contient des globes, des instruments de physique, et la statue en marbre du célèbre Cassini, mort en 1712. La ligne méridienne est tracée sur le pavé de cette salle. Sur le comble de l’édifice, recouvert d’épaisses dalles en pierre, a été élevée, vers 1810, un bâtiment carré flanqué de deux tourelles. Dans une de ces tourelles, on a établi une lunette achromatique, dont le pivot est incliné comme l’axe de la terre. Cette lunette sert à observer et à décrire la marche des comètes. Un aéromètre sert à constater la puissance des vents, sur un cadran placé sous la voûte de la salle du nord. Une cave de jauge indique la mesure d’eau pluviale dans un temps déterminé. Le bâtiment contigu, construit à l’est de l’édifice principal, est sans contredit le plus utile ; on y fait presque toutes les observations astronomiques et météorologiques. On y voit, entre autres instruments, la lunette méridienne de Gambey et le cercle mural de Frontin. La construction de ce bâtiment date de 1834. L’Observatoire possède une bibliothèque précieuse en livres d’astronomie. Pendant les années 1811 et 1813, on a démoli les constructions et les clôtures qui masquaient une partie de l’édifice. L’Observatoire et le palais du Luxembourg correspondent aujourd’hui par une magnifique avenue, qui donne à cette partie de la capitale un caractère grandiose. — Le bureau des longitudes tient ses séances dans le bâtiment de l’Observatoire, qui est ouvert au public tous les jours non fériés, de neuf à quatre heures.
<section end="observatoire_l-"/>
<section begin="observatoire_avenue-de-l-"/>{{ancre|Observatoire, avenue}}{{LazareRue|observatoire_avenue-de-l-|Observatoire|avenue de l’|
Commence au {{LazareLien|Mont-Parnasse (boulevart du)|boulevart du Mont-Parnasse}} ; finit à la grille de l’{{LazareLien|Observatoire (l’)|Observatoire}}. Pas de numéro. Sa longueur est de 272 m. — {{LazareLien|Arrondissement/12|12{{e}} arrondissement}}, quartier de l’Observatoire.}}
Une loi du 27 germinal an VI, relative à l’emploi des terrains formant l’enclos des ci-devant Chartreux, et que nous avons citée à la rue de l’''Est'', porte :<section end="observatoire_avenue-de-l-"/>
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/393 | Enfin, ajoutai-je, j’en suis là, mes amis : il est donc clair que je ne puis plus vivre.
C’était clair en effet, attendu que la vie n’a d’autre fin, évidemment, que de cueillir les fleurs et d’aimer les dames... Un peu de sucre, monsieur de Comminges ?... et au bout de tout cela, vous ne vous tuâtes point, décidément ?
{{PersonnageD|Le Comte|c|se récriant vivement, avec beaucoup de sérieux.}}
Pardon ! c’est-à-dire, je demeurai inébranlable dans ma résolution, et je l’aurais exécutée dès le lendemain, si cette soirée n’eût eu des suites tout à fait imprévues...
Ah !
Dans cette suprême expansion des adieux, j’avais osé confier à mes amis une bizarre pensée qui tourmentait parfois mon esprit, et qui touchait à la démence... Je songeais souvent en effet que j’aurais voulu vivre au temps de ces heureuses superstitions qui permettaient aux hommes l’espoir d’un amour surnaturel,... au temps des dieux et des nymphes,... des génies et des fées. {{di|(Il s’exalte.)}} Je sentais qu’alors je me serais rattaché à l’existence par l’ardente ambition d’une de ces rencontres mystérieuses,... d’une de ces liaisons enchantées qui charmèrent tour à tour les jeunes bergers de la Fable et les jeunes chasseurs des légendes... Oui,... une fée seule eût été capable encore de me faire espérer, aimer et vivre ! Je sentais que mon cœur, assouvi d’amour terrestre, pouvait se ranimer et palpiter encore sous un de ces regards étranges et plus qu’humains, au froissement de ces robes de vapeur, au contact de ces mains immortelles.
Mais c’est de la folie !
{{PersonnageD|Le Comte|c|froidement.}}
Je vous l’ai dit. — Le lendemain, dans la matinée, comme j’achevais d’écrire mes dernières dispositions, un inconnu remettait chez moi ce billet parfumé. {{di|(Il tire de son sein un billet qu’il donne à mademoiselle de Kerdic. — François est rentré en scène, et écoute.)}}
Voyons donc. {{di|(Elle lit.)}} « Mortel, tu te crois un fou parmi les sages, et tu es un sage parmi les fous. Entre la terre et le ciel, il est une région intermédiaire peuplée d’êtres supérieurs à l’homme, inférieurs à la divinité. Je suis un de ces êtres. Je suis une fée. Tes secrets hommages m’ont touchée. Mon destin m’appelle loin d’ici. Mais de ce jour en trois mois, à la naissance du crépuscule, trouve-toi seul, si tu en as le courage, dans la vieille forêt armoricaine de
<references/> |
Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/127 | l’âtre, et colorant les murs vieux et blêmes d’une clarté vive et gaie. Nelly exerça activement son aiguille ; elle répara les rideaux de croisée en lambeaux, rajusta les déchirures que le temps avait faites dans les morceaux usés de tapis qu’elle réunit pour leur donner un air décent. Le maître d’école nettoya et aplanit le terrain devant la porte, coupa l’herbe haute, arracha le lierre et les plantes rampantes qui laissaient pendre en désordre leurs tiges languissantes ; il donna à l’extérieur des murs un air de propreté et presque de parure. Le vieillard, tantôt seul, tantôt avec l’enfant, les aidait tous deux, rendait patiemment quelques petits services, et se trouvait heureux. Les voisins aussi, au sortir du travail, vinrent les assister, ou bien leur envoyèrent par leurs enfants de petits présents et des objets de nécessité
première pour des étrangers. La journée avait été bien remplie :
quand la nuit arriva, elle les trouva tout étonnés qu’il y eût
encore tant à faire et que l’ombre descendit sitôt.
Ils soupèrent ensemble dans la maison que nous appellerons
désormais « la maison de l’enfant », et, le repas terminé, ils
s’assirent en cercle devant l’âtre. Là, à demi-voix, car leur
cœur était trop plein et trop satisfait pour leur permettre de
parler à voix haute, ils s’entretinrent de leurs plans d’avenir.
Avant qu’ils se séparassent, le maître d’école fit lecture de
quelques prières ; puis, remplis de bonheur et de reconnaissance
envers Dieu, ils se quittèrent pour le reste de la nuit.
À cette heure silencieuse, tandis que le grand-père dormait
paisiblement dans son lit et que tout se taisait, l’enfant demeura devant les cendres mourantes à évoquer le souvenir de ses aventures passées, comme si ce n’était qu’un rêve dont elle aimait à ranimer l’image confuse. La clarté du feu qui s’affaissait, réfléchie par les panneaux de chêne dont les saillies sculptées se découpaient en lignes sinistres sur l’obscurité du plafond ; les murailles antiques, où d’étranges ombres allaient et venaient, suivant les vacillations de la flamme ; l’aspect solennel du dépérissement qui finit par ronger aussi les objets inanimés et invisibles ; partout enfin, autour d’elle, l’image de la mort ; cet ensemble portait dans l’âme de Nelly de graves pensées, mais aucun sentiment de terreur ni d’alarme. Peu à peu une métamorphose s’était opérée en elle dans les jours de solitude et de chagrin : sa force avait diminué, mais son courage {{Tiret|s’é|tait}}
<references/> |
Contenson - Chine et Extrême-Orient.djvu/283 | précipice, un défilé, un champ ouvert, enfin tout ce
qui peut servir ou nuire aux troupes que vous commandez.
S’il arrive que vous soyez hors d’état de pouvoir
être instruit par vous-même de l’avantagé ou du
désavantage du terrain, ayez au moins des guides sur
lesquels vous puissiez compter sûrement. » (''Ibid.'', art.
{{rom-maj|VII}}, p. 94-96.)
DES NEUF CHANGEMENTS.
« Ne négligez pas, dit Sun-tse, de courir après un
petit avantage, lorsque vous pourrez vous le procurer
sûrement et sans aucune perte de votre part. Plusieurs
de ces petits avantages qu’on pourrait acquérir et qu’on
néglige, occasionnent souvent de grandes pertes et des
dommages irréparables.
« Avant que de songer à vous procurer quelque
avantage, comparez-le avec le travail, la peine, les
dépenses et les pertes d’hommes et de munitions qu’il
pourra vous occasionner. Sachez à peu près si vous
pourrez le conserver aisément ; après cela vous vous
déterminerez à le prendre ou à le laisser, suivant les
lois d’une saine prudence.
« Dans les occasions où il faudra prendre promptement
son parti, n’allez pas vouloir attendre les ordres
du prince. S’il est des cas où il faille agir contre des
ordres reçus, n’hésitez pas, agissez sans crainte. La
première et principale intention de celui qui vous met
à la tête de ses troupes, c’est que vous soyez vainqueur
des ennemis. S’il avait prévu la circonstance où
<references/> |
Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/313 | n’existent plus, et jamais femme n’a oublié un tel lien, lors même
qu’il avait été rompu par le destin. Permettez-moi seulement d’espérer
que ce malheureux coupable trouvera l’occasion de réparer
ses erreurs ; et, croyez-moi, ce ne sera point ma faute s’il recommence
les manœuvres dénaturées qui mettent en ce moment sa vie
en danger. — Suivez-moi donc, ma fille, et sachez que c’est à vous
seule que je vais confier un secret dont dépend la sûreté de ma vie
et de ma couronne, et dont peut dépendre aussi le pardon qui soustraira
mon gendre à la mort. »
Il prit alors en toute hâte le costume d’un esclave du sérail, et
ordonna à sa fille de serrer sa robe autour d’elle, et de prendre en
main une lampe allumée,
« Où allons-nous donc, mon père ? demanda Anne Comnène. — Qu’importe,
puisque mon destin m’appelle et que le vôtre vous
commande d’éclairer mes pas. Croyez, et mentionnez dans votre histoire,
si vous l’osez, qu’Alexis Comnène ne descend pas sans crainte
dans ces terribles cachots construits par ses prédécesseurs pour
renfermer des coupables, même quand ses intentions sont innocentes
et dégagées de haine. Gardez le silence, et si nous rencontrions
quelque habitant de ces régions souterraines, ne prononcez pas un
mot, ne faites aucune observation sur sa présence. »
Traversant les nombreux appartements du palais, ils arrivèrent
dans ce vaste vestibule par où avait passé Hereward le soir de sa
première introduction dans la salle où Anne faisait ses lectures. Il
était, comme nous l’avons dit, construit en marbre noir et faiblement
éclairé. À l’extrémité de la pièce était un petit autel où brûlait
quelque encens, et au dessus de la fumée qu’il produisait, étaient
suspendues, comme sortant du mur, deux imitations de mains et de
bras d’homme qu’on ne voyait qu’indistinctement.
À l’autre bout de ce vestibule, une petite porte en fer ouvrait sur
un escalier étroit et tournant, qui ressemblait à un puits pour la
forme et le diamètre, et dont les marches étaient extrêmement
roides. L’empereur, après un geste solennel pour commander à sa
fille de le suivre, se mit à descendre à l’aide de la faible lumière les
degrés difficiles sur lesquels ceux qui visitaient les cachots du palais
de Blaquernal disaient adieu à la lueur du jour. En descendant,
ils passèrent devant un nombre infini de portes qui conduisaient
probablement à divers étages de cachots, d’où partait ce
bruit étouffé de soupirs et de sanglots qui attira l’attention d’Hereward
dans une première occasion. L’empereur ne remarquait {{tiret|nul|lement}}
<references/> |
Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/69 | un feu qu’on ne s’y voit pas... Ah ! Et puis j’ai un doigt emporté par un biscaïen. Tenez, maître Durand...
— Veux-tu pas que je perde mon temps à regarder ton égratignure, gredin, chien !
— Merci, monsieur Durand ; le fait est qu’il vaut mieux ça qu’un bras de moins, dit Grain-de-Sel en tortillant à la hâte son tronçon de doigt dans de l’étoupe. Mais tenez, ajouta-t-il, voilà une pratique qui vous arrive, maître. » C’était un blessé qu’on descendait dans le faux pont ; comme il était mal attaché, il tomba et s’acheva sur le panneau.
« Encore un de guéri, dit maître Durand, qui était absorbé, pensant à remédier au manque de boulets.
— Des gargousses !.., en haut des gargousses ! crièrent plusieurs voix avec un accent de terreur.
— Sacrebleu ! quand on devrait charger les caronades avec des mousses, on fera feu sur l’Anglais ! » s’écria maître Durand en montant rapidement sur le pont.
Grain-de-Sel le suivait, ne sachant pas si l’intention que le maître avait manifestée, de l’employer comme projectile, était une plaisanterie ou non. Mais, fidèle à son système de consolation, il se dit :
« J’aimerais encore mieux ça que d’être pendu par les Anglais. »
===<center>CHAPITRE |
Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/426 | {{nr|420|REVUE DES DEUX MONDES.}}avait eue de lui et qui allait se marier. L’Impératrice racontait l’événement à sa mère et en même temps qu’elle témoignait, dans son récit, de sa constante sollicitude pour l’Empereur, elle lui confiait la preuve d’amitié que venait de lui donner la grande-duchesse Hélène. Dès le commencement de la maladie de {{Mlle}} Narychkine, l’Empereur avait fait part de ses inquiétudes à sa femme. « Il m’avait toujours parlé avec confiance à ce sujet et je lui en ai su gré. » La jeune fille morte, il ne cacha pas à Élisabeth la peine qu’il ressentait. Mais la grande-duchesse Hélène ignorait cette confidence.
« Le jour suivant, raconte l’Impératrice, je reçois d’elle une lettre touchante, remplie de combats, de crainte de perdre mon amitié, mais disant ''qu’elle s’y expose volontiers pour mes intérêts, quelle voit que j’ignore la perte que l’Empereur a faite, qu’il y va de mes intérêts les plus chers'', et cela entremêlé de mille excuses et finissant par dire que si je trouve mauvais ce qu’elle me dit et lui retire mon amitié, elle perd tout au monde. Cette lettre me toucha vivement et cette démarche me donna la mesure de son jugement et de la rectitude de son cœur. Je lui répondis avec toute la sensibilité du mien et lui dis que je savais tout par l’Empereur lui-même. Mais n’est-ce pas bien joli, maman, et à dix-sept ans ? Jamais, jamais, je n’oublierai cela. Je le dis à l’Empereur qui en a aussi été touché... Voilà mon historiette, j’ai été charmée de pouvoir vous la conter en l’honneur de ma bonne petite Hélène. Je voudrais bien n’en jamais avoir que de pareilles à conter de la part de la famille impériale ; mais, hélas ! c’est la première preuve d’amitié que je reçois d’un des membres de la famille. »
Quel aveu que celui que contiennent ces dernières lignes et quel jour il jette sur la vie de l’impératrice Élisabeth ! Quand elle pousse ce cri où l’on sent tant d’amertume et en même temps tant d’indulgence et de regrets, il y a vingt-trois ans qu’elle porte la couronne et elle en est encore à attendre de ses parens par alliance une preuve d’amitié ! Il est juste de dire qu’à cette heure, elle n’en souhaitait plus. L’état précaire de la santé de son mari, non moins menacée que la sienne, venait de plus en plus l’unique objet de ses préoccupations. On sait qu’il mourut, le 19 novembre 1825, à Taganrog où il était venu rejoindre l’Impératrice qu’on y avait envoyée pour lui faire respirer un air plus vivifiant et plus réconfortant que celui de Pétersbourg.
<references/> |
Fauche - Le Mahâbhârata, tome 1.djvu/138 |
» Ainsi, efforce-toi, mon fils, d’appliquer suivant nos
ordres ta pensée au mariage et à la propagation de ta famille : c’est le plus grand bien, que tu puisses nous
faire. » 1041.
« Je ne veux pas, reprit Djaratkârou, acquérir une
épouse ni des richesses pour l’agrément de ma vie ; c’est
en vue de votre bien seul que j’épouserai une femme.
» Je le ferai à une condition, en suivant les règles données, si j’obtiens l’approbation de vos révérences : je n’agirai pas autrement. 1042-1043.
» J’épouserai, en me conformant aux rites, une jeune
fille, que ses parents voudront bien me donner comme
une aumône, et qui est appelée du même nom que moi.
» Pauvre comme je suis, qui voudra me donner personnellement une épouse ? Mais, si quelqu’un m’en donne une, je la recevrai comme une aumône. 1044-1045.
» Ces points établis relativement au mariage, j’épouserai, mes aïeux, à cette condition toujours ; autrement, je n’épouserai pas. 1046.
» Ainsi naîtra un fils pour le salut de vos révérences :
puissent, arrivés dans les palais éternels, mes aïeux savourer la félicité ! » 1047.
Ensuite, pour se marier, le brahme, ferme dans ses
vœux, continua le Soûtide, parcourut la terre, en mendiant une femme ; mais il ne trouva point d’épouse. 1048.
Un jour le deux fois né entra dans une forêt et, se rappelant les paroles de ses aïeux, il se mit à crier lentement ces dix mots : « Faites-moi l’aumône d’une jeune fille pour être mon épouse ! » 1049.
Vâsouki, ''le roi des serpents'', l’entendit et lui offrit sa sœur ; mais le pénitent ne voulut point l’accepter ; car,
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/192 | de bateaux à vapeur capables de doubler le cap du Cambodge, il
demandait à les envoyer par les voies intérieures, par le canal d’Hatien. L’illusion n’était plus possible; il fallait aviser au moyen de
déjouer ces manœuvres, dont l’habileté mal déguisée trahissait une
influence européenne. Homme d’esprit et de résolution, dévoué de
cœur à son œuvre, l’amiral La Grandière, entre différentes combinaisons qui pouvaient assurer l’avenir de notre établissement, adopta
la suivante : reconnaître l’indépendance du Cambodge, rétablir son
autonomie, le traiter en allié, et l’amener, par l’appui efficace que
nous lui prêterions, à se placer de lui-même sous notre protection.
L’occasion de pratiquer cette politique ne se fit pas attendre.
Un habitant du Cambodge qui avait commis un délit contre les
autorités de ce royaume s’était réfugié sur notre territoire. Le ministre du roi de Siam, qui n’avait aucun droit de se mêler de cette
affaire, réclama l’extradition du coupable : elle lui fut refusée par
la raison que nous ne reconnaissions pas la tutelle sur le Cambodge que s’arrogeait le royaume de Siam. Loin de là, nous entendions que le Cambodge, touchant à nos frontières, restât indépendant et continuât à s’interposer entre notre propre territoire et
celui de Siam; le gouvernement annamite, par la cession des trois
provinces de la Basse-Cochinchine, nous avait transmis tous ses
droits, parmi lesquels se trouvait celui de sa suzeraineté sur le
Cambodge, exercé pendant des siècles, précisément pour la sécurité de ces trois provinces, et notre intérêt comme notre honneur
nous faisaient une loi de n’y laisser porter aucune atteinte. En tenant ce langage énergique, l’amiral La Grandière avait un double
but : réprimer l’ambition de la cour de Bang-kok et relever le roi
du Cambodge de son état de sujétion en lui inspirant le désir d’une
alliance intime avec la France. Son attente ne fut pas trompée.
Dès que le roi du Cambodge connut nos intentions amicales et
qu’il entendit invoquer son indépendance, il envoya l’évêque du
Cambodge, Mgr Miche<ref> C’est le nom d’un des cinq missionnaires français que le capitaine de corvette Favin-Lévêque, commandant de l’''Héroïne'', arracha en 1843 aux tortures et à la mort par une sommation énergique adressée au roi d’Annam. </ref>, auprès de notre gouverneur, pour lui exprimer son désir de conférer avec lui, de voir flotter notre pavillon sur les eaux du Cambodge, afin d’en expulser la piraterie et de
soustraire son autorité à la pression incessante qu’exerçaient tour à
tour sur elle les Siamois et les Annamites. L’amiral de La Grandière
s’empressa d’accueillir ces ouvertures, et se rendit à Houdon. Il y
arrivait au moment même où un général annamite venait sommer
le roi de payer le tribut accoutumé. Cette circonstance ne fit que
fortifier les dispositions du roi à s’allier avec les Français. La {{Tiret|négo|ciation}}
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/544 | ans et sans lesquels elle serait forcée de fermer ses hôpitaux, de supprimer les secours qu’elle distribue aux indigens et de renvoyer à la rue les enfans trouvés qu’elle y a ramassés. C’est ainsi que la question a été posée : dès lors il a fallu obéir, et l’on obéira, malgré que l’on en ait, jusqu’à ce que l’esprit du conventicule qui gouverne les finances de la ville de Paris soit modifié.
Sans interroger les pensionnaires, qui s’appellent volontiers les galignaniens, il est facile de constater les sentimens religieux dont la plupart sont animés, car la maison possède une chapelle. Le vicaire d’une paroisse voisine, faisant fonctions d’aumônier, vient, tous les matins, à six heures y dire la messe pour les filles de chanté ; douze pensionnaires, dont deux hommes, y assistent régulièrement ; le dimanche, l’office est suivi avec recueillement par les deux tiers du personnel hospitalisé ; c’est une sorte de petite solennité pour laquelle on se met en frais de toilette. Les âmes sont-elles ferventes ? Je ne saurais le dire, mais il est certain que la prière leur est bienfaisante, qu’elle leur apporte l’espérance d’une vie future sans misère ni douleurs et qu’elle les attendrit en leur rappelant les années de l’enfance où tout était doux, pur et facile, où tout était blanc comme le voile de la première communion. Pour une communauté composée de cinq personnes et pour des pensionnaires si peu nombreux, pas n’était besoin d’avoir une chapelle vaste et monumentale, ce qui est un rêve auquel bien des congrégations ont sacrifié plus qu’il n’aurait fallu. La chapelle de la maison de retraite est précisément ce qu’elle doit être, étroite, proprette, bien éclairée ; l’estrade de l’autel ajuste assez de place pour que le prêtre puisse s’y mouvoir selon les rites ; les chaises en paille y sont pressées les unes contre les autres ; point de luxe, nul ornement inutile ; rien n’y distrait l’attention ; on ne vient là que pour prier, et l’on prie.
Je ne dirai rien de la lingerie, placée sous la direction d’une sœur qui excelle à ranger les serviettes, les draps et le reste en dessins symétriques figurant des losanges, des triangles et des chevrons ; usage un peu puéril où se complaisent les femmes consacrées à la vie religieuse et que j’ai constaté dans toutes les communautés, dans toutes les congrégations que j’ai visitées. Le linge est en forte toile, trop forte même lorsqu’elle est neuve, et dont les pensionnaires ne sont point contens, car elle est rèche aux vieilles épaules et pénible aux cous ridés. Il faut qu’elle ait subi plusieurs lessives avant de s’assouplir et d’acquérir un épiderme assez doux pour n’être point désagréable à l’épiderme humain. Là aussi, comme ailleurs, on préférerait le linge de coton, mais la résistance lui manque, il s’use trop rapidement et devient pour l’administration une surcharge de dépense
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D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/567 | il s’agît est fort difficile à décider ; qu’elle tient a plusieurs
autres qu’on n’a point encore résolues, sur la nature des langues
anciennes, sur leur prosodie, sur la musique des Grecs,
sur la mélopée du chant dramatique, sur la forme et la grandeur
des anciens théâtres ; nous n’avons en effet sur tous ces
objets que des notions fort imparfaites ; car les historiens ''sont comme les'' commentateurs, ''très-diffus sur ce qu’on ne leur demande pas, et muets sur ce qu’on voudrait savoir''. Mais on accorde
que les anciens aient préféré dans leurs tragédies le chant
à la déclamation ; et on ne craindra pas de dire que sur ce
point nous avons touché de plus près qu’eux à la nature. Que la
musique des Grecs ait été aussi parfaite qu’on voudra ; les siècles
d’ignorance qui l’ont détruite, nous ont dédommagé en un sens
du plaisir qu’ils nous ont fait perdre, puisqu’ils nous ont forcés
de nous rapprocher de la vérité, en substituant la parole au chant dans nos représentations dramatiques<ref>Ce n’est pas la seule obligation que nous avons à ces siècles obscurs,
que nous méprisons quelquefois injustement. Nous leur devons la plupart des inventions utiles, ''le papier, la faïence, le linge, les moulins à vent, la boussole, l’imprimerie'', et plusieurs autres. Des hommes de génie servaient l’humanité par ces découvertes, tandis que les poëtes faisaient ''de mauvais vers'', les écrivains ''de mauvaise prose'', et les philosophes ''de mauvais raisonnemens''.</ref>. Il semble que le propre
des siècles d’ignorance est de représenter la nature plus grossière,
mais aussi plus vraie ; et celui des siècles de lumière, de la peindre
plus délicate, mais plus déguisée. Nous ne prétendons pas pour
cela qu’on doive toujours représenter sur le théâtre la nature
exacte et toute nue : mais nous croyons qu’on ne saurait l’imiter
trop fidèlement, tant qu’elle ne tombe point dans la bassesse. Personne
ne regrettera dans nos tragédies les fossoyeurs du théâtre
anglais ; mais peut-être y pourrait-on désirer plus d’action et moins de paroles, moins d’art et plus d’illusion. Il serait à souhaiter
surtout que nos acteurs fussent un peu plus ce qu’ils représentent ;
presque tous ne paraissent, si j’ose m’exprimer ainsi, que
des marionnettes dont on ne voit point le fil d’archal, mais dont les
mouvemens n’en sont pas plus naturels et mieux entendus. Je ne
dis rien du peu de vérité que nous avons mis dans les accessoires
du spectacle, dans la décoration de la scène, dans les circonstances locales, dans l’habillement des personnages. Un de nos grands artistes, qui ne sera pas soupçonné d’ignorer la belle nature
par ceux qui ont vu ses ouvrages, a renoncé aux spectacles
que nous appelons ''sérieux'', et qu’il n’appelle pas du même nom ;
la manière ridicule dont les dieux et les héros y sont vêtus<ref name=p567>Sur le Théâtre-Français, et même sur celui de l’Opéra, on a commencé</ref>,
<references/> |
René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/64 |
« Enfant, j’ai échappé à la misère, grâce à la charité d’autrui ; jeune fille, je n’ai trouvé, pour répondre à ces aspirations d’amour inconscient que Dieu met au fond de tous les cœurs de vingt ans, que la solitude et les misérables jalousies d’un cloître ; et lorsque femme, je me suis vue belle, j’ai dû m’imposer de ne pas aimer, pour ne pas aimer au-dessous de moi.
« Si je n’avais été celle que je suis, croyez-vous donc que l’amour d’un homme tel que vous ne m’aurait pas dicté une autre conduite ? Ou je me serais fait bruyamment gloire de ma résistance, afin d’ajouter à ma réputation de vertu, par un éclat, tout ce qu’aurait perdu votre réputation d’honnête homme ; ou j’aurais cédé par entraînement, spéculation ou vanité. Mais aucun de ses sentiments ne saurait naître en moi ; je ne serai qu’à celui que j’aimerai... et je ne vous aime pas !
On ne saurait rendre avec quelle expression elle avait prononcé ces derniers mots et quelle étrange transformation s’était faite dans son attitude.
D’abord brève, impérieuse, saccadée, sa voix était devenue douce, plaintive, presque tendre ; les larmes semblaient prêtes à éteindre les éclairs de ses yeux.
Droite et les bras croisés sur sa poitrine de marbre, fière et dédaigneuse pendant les premières phrases de ses explications, elle avait fini par s’appuyer sur la table et sa tête s’était courbée.
— Jeanne ! s’écria M, de Ferney, en se rapprochant d’elle, vous vous trompez. Oui, cela est vrai, je n’ai vu d’abord que votre beauté, je vous ai voulue avec passion, mais aujourd’hui je vous aime de toutes les forces de mon âme ; je vous adore, non pas seulement parce que vous êtes belle, mais plus encore peut-être pour les charmes de votre esprit et la noblesse de votre cœur. Et vous dites que vous ne m’aimez pas, que vous ne m’aimerez jamais !
— Non, je ne vous aime pas, reprit {{Mlle}} Reboul en relevant la tête et d’une voix émue, qui contrastait étrangement avec ses paroles ; je vous hais, au contraire !
— Jeanne !
— Oui, je vous hais, car malgré l’empire que j’ai su prendre sur moi-même et mon serment ; malgré toute l’horreur que devrait, en raison de ma situation près de vous, m’inspirer votre amour ; malgré toutes ces choses et malgré moi-même, j’ai senti mon cœur battre pour la première fois, et je me suis dit qu’être aimée de la sorte et pouvoir répondre à une telle passion serait le bonheur pour toujours, si je ne devais pas l’acheter au prix de la dissimulation et de la honte. Vous m’avez ouvert des horizons que je ne puis atteindre qu’en marchant dans la boue ; voilà pourquoi je vous hais ! De quel droit avez-vous troublé ma vie ? De quel droit avez-vous livré mon cœur à l’orgueil et au désespoir ?
— Parce que je vous aime, parce que je vous admire, parce que vous m’êtes apparue comme un être fascinateur dont ma jeunesse studieuse n’avait jamais pressenti l’existence, parce que vous m’avez rendu fou, parce que vous avez fait de moi, l’homme austère, votre esclave.
Il avait saisi les mains de la charmeresse, qui ne les retirait pas. Séparé d’elle seulement par la table contre laquelle elle s’appuyait, prête à défaillir, il s’enivrait de son regard et de son haleine.
Mais tout à coup {{Mlle}} Reboul s’arracha à cette étreinte, fit un bond en arrière et prêta anxieusement l’oreille.
<references/> |
Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/643 | moins cruellement ; la contrainte, en pareil cas, pour leur faire prendre le liquide, est presque toujours suivie de danger ; le breuvage passe dans la trachée-artère, les fait tousser & les suffoque. Il faut, à l’égard de ces animaux, leur incorporer l’''huile empyreumatique'' avec des poudres de plantes amères, & leur faire prendre sous forme d’opiat par le moyen d’une spatule de bois : nous l’avons donnée ainsi avec succès à des chevaux de ce caractère, étant amalgamée avec la poudre d’aulnée.
Observez le même soin pour le ''mulet'' & l’''âne'' ; la dose pour celui-ci sera de trois gros pour ceux de la forte espèce, de deux pour ceux de la moyenne, & d’un gros pour les petits ; celle des ''mulets'' est la même que pour les ''chevaux''.
Quant aux ''poulains'' à la mamelle, on ne leur en donnera qu’un demi-gros, même cinquante à soixante gouttes, étendu toujours dans une corne d’infusion de ''sariette'' ; on leur continuera jusqu’à ce qu’ils ne rendent plus de ''vers'', & qu’ils aient donné des signes de rétablissement ; il sera bon encore d’en faire prendre aux ''mères'', pourvu toutefois que cette ''huile'' n’altère pas le goût du lait, ce qui pourroit dégoûter le petit, aussi fera-t-on bien de commencer par traiter le jeune sujet, & de ne l’administrer à la ''mère'' que lorsque sa production sera rétablie. Le jeune animal peut plus aisément alors supporter la diète qui ne peut être longue, le goût naturel du lait pouvant être rétabli le troisième jour après l’administration du remède. La dose pour les ''poulains'' de trois ans sera de trois gros, on pourra même leur en donner quatre à cinq gros, s’ils sont de la forte espèce ; cette ''huile'' leur sera administrée le matin trois ou quatre heures avant de les mettre dans les pâturages.
Nous observerons au surplus qu’on ne doit pas révoquer en doute l’efficacité du remède dans le cas où il ne seroit sorti aucun ''ver'' du corps des animaux ; nous nous sommes assurés, par des expériences réitérées, que les ''vers'' qu’il tuoit, étoient très-souvent digérés ; on ne doit juger de l’effet de cet anthelmintique que par le rétablissement de l’animal, & non par la cessation de leur émission par l’anus.
Les ''veaux'' seront traités de la même manière, & auront même ''dose''.
Les ''cochons'' auront une ''dose'' un peu plus forte, à moins qu’ils ne soient très-jeunes.
Les ''bœufs'' & les ''vaches'' peuvent avoir des ''doses'' plus fortes que les ''chevaux'' ; on leur en donnera quelques gros de plus dans les proportions que nous avons indiquées pour ces premiers animaux.
La dose de cette ''huile'', pour les ''moutons'', est d’un demi-gros pour les forts, & de cinquante à cinquante-cinq gouttes pour les autres ; il est bon aussi de l’étendre dans l’infusion de ''sariette''.
Les ''chiens'' étant en général très-irritables, sont de tous les animaux ceux qui exigent le plus de précautions dans l’emploi de ce remède. Leur taille variant à l’infini suivant leurs différentes espèces, on sent que la dose doit varier de même ; on peut la donner depuis un gros jusqu’à deux grains, toujours dans l’infusion de ''sariette'' ; au surplus, il vaut mieux avoir à augmenter la dose que de la donner trop sorte ; moins elle le sera,<section end="VERS"/>
<references/> |
Râmâyana (trad. Roussel)/Bâlakânda/III | Vâlmîki Le Râmâyana de Vâlmikî Traduction par Alfred Roussel. 1903 (1, p. 11-13). ◄ Origine du Râmâyana Kuça et Lava chantent le Râmâyana ► Vâlmîki compose le Râmâyana bookLe Râmâyana de VâlmikîVâlmîkiAlfred Roussel1903ParisC1Vâlmîki compose le RâmâyanaRamayana, trad. Roussel, tome 1.djvuRamayana, trad. Roussel, tome 1.djvu/311-13 SARGA III VÂLMÎKI COMPOSE LE RÂMÂYANA 1. Après avoir appris (de Nârada) la substance entière de l’histoire, conforme au devoir et à l’intérêt, salutaire, de ce sage (Râma, Vâlmîki) s’occupa de la révéler au grand jour. 2. S’étant rincé la bouche, conformément aux rites, le Muni, debout sur des tiges de Darbha (dont les pointes étaient) tournées vers l’est, fit l’Anjali et poursuivit sa lâche, au moyen de la méditation. 3. Tout ce qui advint à Râma, à Lakshmana, à Sîtâ, au roi Daçaratha, ainsi qu’à ses épouses et à son empire, 4. Plaisirs, discours, voyages, tout cela il le sut clairement par la puissance de sa méditation. 5. Ce qui arriva au loyal Râma, pendant qu’il habitait la forêt (avec Lakshmana et Sîtâ, sa) femme, elle troisième, il l’apprit exactement et en détails. 6. Le juste (Vâlmîki) adonné au Yoga vit tout cela ; le passé lui était comme un Amalaka dans la main. 7. Tout cela, le grand sage le vit distinctement au moyen de la méditation : tout ce que l’aimable Râma entreprit de faire. 8. Cette histoire, douée des qualités qui plaisent, largement pourvue de celles qui édifient, Océan abondant en perles, réunit les charmes de la Çruti tout entière. 9. Telle que l’avait racontée autrefois Nârada à la grande âme, le bienheureux ascète composa cette histoire du rejeton de Raghu. 10. La naissance de Râma, sa très grande valeur, sa bienveillance à l’égard de tous, son amour du peuple, sa longanimité, sa douceur, son caractère loyal ; 11. (Toutes) les nombreuses et merveilleuses choses (qu’il avait apprises) dans la compagnie de Viçvâmitra, le mariage (du héros) avec la fille de Janaka, la rupture de l’arc ; 12. Le duel de Râma et de (Paraçu)râma, les qualités du fils de Daçaratha, la consécration (projetée) de Râma, les mauvais sentiments de Kaikeyî à son égard ; 13. L’obstacle mis à la consécration de Râma, son bannissement, le regret et les lamentations du roi, son départ pour un autre monde ; 14. La consternation des gens du peuple, leur séparation (de Râma), l’entrevue (de Râma) et du chef des Nishâdas, le retour de son écuyer ; 15. Le passage de la Gangâ, la rencontre de Bharadvâja, et, sur le conseil de Bharadvâja, l’exploration du Citrakûta ; 16. La construction de la cabane et son installation, l’arrivée de Bharata, l’accueil amical de Râma, la cérémonie de l’eau en l’honneur de leur père ; 17. L’intronisation des précieuses pantoufles (par Bharata) qui s’établit à Nandigrâma, le départ (de Râma) pour la forêt de Dandaka, la mise à mort de Virâdha ; 18. La rencontre de Çarabhañga, l’entrevue avec Sutîkshna, l’entretien avec Anasûyâ, l’obtention du parfum ; 19. La vue d’Agastya, l’acquisition de l’arc, la conversation avec Çûrpanakhî, l’origine de sa mutilation ; 20. Le meurtre de Khara et de Triçiras, l’intervention de Râvana, la mort de Mârîca, l’enlèvement de Vaidehî ; 21. Les lamentations de Râghava, la mort du roi des vautours, la rencontre de Kabandha, la vue de la Pampâ ; 22. La visite à la Çabarî, (Râma) se nourrissant de fruits et de racines, ses gémissements, sa rencontre avec Hanumat sur la Pampâ ; 23. L’arrivée au Rǐshyamûka, l’entrevue avec Sugrîva, les témoignages de mutuelle confiance, l’amitié (contractée entre Râma et Sugrîva), la querelle de Vâli et de Sugrîva ; 24. La défaite de Vâli, l’intronisation de Sugrîva, les plaintes de Târâ, les recherches faites en commun (durant la belle saison), le repos durant la saison des pluies ; 25. Le courroux du lion des Râghavas, le rassemblement des troupes, la détermination des points (à parcourir pour retrouver Sîtâ), la description de la terre ; 26. L’anneau donné (comme signe de reconnaissance), la vue du Rǐkshabila, le suicide par le jeûne, la rencontre de Sampâti ; 27. L’ascension de la montagne, le passage de la mer, à la voix de Samudra, la vue du Mainâka ; 28. La menace de la Râkshasî, la vue de l’ombre capturée, la mort de Simhikâ, l’aspect des jardins de Lañkâ ; 29. L’entrée dans Lañkâ pendant la nuit, la délibération solitaire (d’Hanumat), son arrivée dans la salle du banquet, la vue du gynécée ; 30. La rencontre de Râvana, la vue du (char) Pushpaka, l’entrée dans le bosquet d’Açokas, l’entretien avec Sîtâ ; 31. La transmission du signe de reconnaissance, la parure de Sîtâ, l’insulte des Râkshasîs, le récit du songe de Trijatâ ; 32. La perle donnée par Sîtâ, les arbres rompus, la fuite des Râkshasîs, le massacre des Kimkaras ; 33. La capture du fils de Vâyu, le tumulte et l’incendie de Lañkâ, la mer traversée de nouveau, la dévastation des Madhus ; 34. Râghava réconforté, le joyau que lui rapporta (Hanumat), l’entrevue avec Samudra, la construction du pont par Nala ; 35. L’Océan franchi, l’assaut donné à Lañkâ durant la nuit, la complicité de Vibhîshana, l’indication des moyens de tuer (Râvana) ; 36. La mort de Kumbhakarna, Meghanâda tué, le meurtre de Râvana, Sîtâ retrouvée dans la ville de l’ennemi ; 37. La consécration de Vibhîshana, la vue du (char) Pushpaka, le retour dans Ayodhyâ, l’entrevue de Bharadvâja ; 38. Le fils de Vâyu congédié, l’entrevue avec Bharata, la solennité de la consécration de Râma, le licenciement de toute l’armée, les réjouissances des sujets, le renvoi de Vaidehî : 39. (Cela) et tout ce que l’avenir réservait à Râma sur la terre, Vâlmîki, l’ascète fortuné, le décrivit dans un excellent poème. Tel est, dans le vénérable Râmâyana, Le premier des poèmes, œuvre de Vâlmîki, le Rĭshi, Le troisième Sarga du Bâlakânda. |
Henri IV - Lettres Missives - Tome6.djvu/676 | {{nr|660 |LETTRES MISSIVES|}}
dira de l’estat de ma santé, qui est, graces à Dieu, tres bonne, estant
en opinion de m’aller entretenir aux environs cle ces quartiers jusques
à la fin de ce mois, que je me rendray à Fontainebleau, n’y_voulant
point arriver plus tost, de peur que la presse qui y sera n’y apportast
quelque mauvais air. Si vous eussiés esté à Chantilly, je l’eusse faict
voir à ma sœur la duchesse de Mantoue ; mais encores que la maison
` soit tousjours tres belle, sy est-ce que vostre presence en est tous-
jours le plus bel ornement. Il ne nous est rien survenu de nouveau
depuis ma dicte derniere, qui sera cause que je ne vous feray pas
ceste-cy plus longue : priant Dieu, mon Cousin, vous avoir en sa
saincte garde. Escript à Paris, le X1l‘]ejOUl` d’aoust 1606.
roaesr.
1606. — I7 Aoûr.
_Orig. — Archives des Médicis, légation française. Copie transmise par M. le ministre de France
à Florence.
. A MON ONCLE LE C-BAND DUC DE TOSCANE.
Mon Oncle, J'ay receu les lettres du XXIVG du passé, que vous
m’avés escriptes en faveur de mon cousin le prince d’Anhalt, lequel
_j’ay veu bien volontiers, tant pour sa qualité et l’aH’ection que luy et
ses freres ont tousjours monstrée au bien de ceste Couronne, que
pour la recommandation que vous m’en aves faicte ; et me promettant
d.e son jugement que par le bon traitement qu’il a receu de moy il
cognoistra combien je defere à vostre dicte recommandation et à son
merite, com111e en- toutes autres occasions fauray à plaisir de faire
cliose qui vous soit agreable, ainsy que vous esprouverés par ell’ect :
priant Dieu, 11100 Oncle, qu’il vous ayt en sa tres saincte et digne
. garde. Escript à Paris, le xvif jour d’aoust 1606.
HENRY.
_ ma iuzurvintn.
<references/> |
Sue - Plik et Plok, 1831.djvu/83 | dans le cas où les douaniers descendraient ce
chemin pour nous surprendre ; et, par le Christ !
ils ne pourraient approcher de la tartane à travers
ces vagues et ces roches. Fais donc mettre
pont à terre.
Le Gitano fit en souriant un geste négatif qui
terrifia le moine.
Les contrebandiers n’avaient pas pris part à
cette discussion, tant ils étaient empressés d’emballer
en toute hâte les marchandises qu’ils
comptaient avoir à bien meilleur marché, grâce
à cet évènement. Le philosophe surtout chargeait,
chargeait son cheval de telle sorte, que le
malheureux animal ployait déjà sous le faix ; et
pourtant le philosophe entassait toujours ballot
sur ballot, disant tout bas : — Une fois sur la route
de Vejer, il faudra que Dieu te prête les ailes
d’un séraphin pour me rejoindre, moine. Et
son cheval portait au moins un tiers de la cargaison
de la tartane.
— Ah ! j’y suis, dit le moine, que le signe
de tête du Gitano avait beaucoup effrayé, j’y
suis ; le seigneur capitaine reste avec nous, parce
qu’il connaît une secrète issue qui peut nous aider
à sortir de cette anse sans remonter ce sentier,
aussi haut que l’échelle de Jacob. Le
<references/> |
Renard - Sourires pincés, 1890.djvu/65 |
M. Gaillardon réclama l’honneur et le plaisir
d’embrasser ces dames. Elles s’essuyèrent les lèvres,
se levèrent avec minauderie et se placèrent
sur un rang. M. Gaillardon commença la tournée.
Il termina par {{Mlle}} Marie. Elle fut obligée de le
repousser, car il doublait sa part. Sa joue était
d’un rouge écarlate tout neuf, à l’endroit où son
beau-frère venait de l’embrasser.
— « Ne vous gênez pas, qu’est-ce que va dire ma
sœur ? » —
Ému, comme au jour de sa première communion,
le fiancé chercha des mots d’excuses,
puis, saisissant la main de M. Repin, il
dit :
— « Mon cher papa, merci. » —
Leurs têtes chauves se trouvaient à niveau. Qui
était le « cher papa » ? Il eût fallu regarder de
bien près. On s’y trompait. L’émotion gagna
toute la société. M. Repin, désignant sa femme
en larmes, disait :
— « Regardez-la donc, est-elle bête, est-elle
bête. » —
Comme il avait peur d’être bête à son tour, il
brusqua les choses :
— « Il se fait tard. Allez-vous-en, à dimanche.
<references/> |
La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 1.djvu/297 | <poem>
Els murs e las bertrescas els cadafalcs dobliers<ref follow="CXCII">— 6863. ''Réd. en pr.'' et talamen lo baton (''le château'') que lodit C. de M. s’es pres a esbayr, car no sap ont tirar ny se tenir dins lodit castel. Et adonc s’en es salhit et al sety del pla de Montoulieu es anat, la ont a assemblat son conseilh (''cf. v. ''6878) al qual a dict et demonstrat la grand destruction que lodit comte Ramon ly a faicta... (''p.'' 94). — 6871. ''Corr.'' li venc ? — 6872. ''Corr.'' N’Arnal ? — 6879. s’ar., ''corr.'' se r... ? — 6881. ''Ms.'' des turbriers.</ref>
Els fossatz e las lissas els pons els escaliers.
E laïns en Toloza ac aitans carpentiers
{{NumVers|6860}}Que fan trabuquetz dobles e firens e marvers,
Qu’el castel Narbones que lor es frontaliers
No i remas tor ni sala, dentelh ni murs entiers.
El camp de Montoliu es aisi m[e]itadiers
Per ambas las partidas de s[i]rvens e d’arquiers ;
{{NumVers|6865}}E comensan las guerras els perilhs batalhiers,
Que la partis lo glazis e la sanc e l’aciers,
Per que l’erba vertz sembla vermelha co roziers,
C’om no i es pres a vida ni livratz preizoniers.
Ez ichic de Toloza lo rics coms plazentiers,
{{NumVers|6870}}E anec Fois recebre per creisels milhoriers.
Per restaurar Paratge li rend en Beren[g]iers,
N’Arsius de Montesquiu {{rom|.I.|1}} valens cavalers
Qui fo natz de Gascunha, e es fis e entiers{{erratum|.|,}}
Per so car pretz l’abonda e totz bos menesters,
{{NumVers|6875}}Venc amparar Tholosa el comte volontiers.
E lo coms de Montfort, qui es avinens parlers
E mals e rics e savis e subtils fazendiers,
A mandat parlament als majors cosselhiers.
{{NumVers|(p. 173)|30em}}Belament s’arazona denant los capdalers :
{{NumVers|6880}}« Senhors, » so ditz lo coms, « grans es mos cossirers,
« Car creguda m’es ira e mals e desturbiers,
</poem><section end="section192"/>
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/833 | d’un pouvoir illimité et infaillible, c’est, dit-on, discréditer l’autorité
et lui enlever sa force avec son prestige. En réalité, en Russie
comme en Occident, ce serait plutôt relever l’autorité et la loi en
les dégageant des abus qui les compromettent. Il y a en Russie un
mal plus grand encore que la corruption administrative, c’est le peu
de foi du peuple dans l’honnêteté des hommes qui le gouvernent.
Le Russe, le ''mougik'' ou le citadin, si longtemps victimes d’abus séculaires, croient toujours que dans la sainte Russie l’or est une clé
qui ouvre toutes les portes. Des agens du pouvoir et des instrumens
de la loi, la méfiance populaire s’élève jusqu’au pouvoir et à la loi
même. De là chez un peuple en général si respectueux de l’autorité
le peu de respect des autorités, le peu de respect des lois. C’est
là un des grands maux de la Russie moderne; la responsabilité
égale des fonctionnaires devant les tribunaux ordinaires serait un
des meilleurs moyens d’y remédier.
Affranchie de la juridiction des tribunaux et ainsi placée en dehors du droit commun, la bureaucratie est la véritable maîtresse, la
véritable souveraine de l’empire. C’est à elle qu’appartient pratiquement la toute-puissance dévolue théoriquement à l’autorité impériale. Les souverains dont elle est l’unique instrument ne peuvent
rien sans elle et ne peuvent presque rien contre elle. La disgrâce ou
la colère du tsar peut atteindre tel ou tel membre, elle ne saurait
frapper le corps. L’instrument est plus fort que la main qu’il sert,
la bonne volonté du maître échoue devant la cohésion ou l’inertie,
devant le mauvais vouloir de l’administration. L’absolutisme russe
a longtemps eu pour effet de livrer l’empire à l’omnipotence d’une
bureaucratie corrompue, qui préférait ses propres intérêts aux intérêts du souverain, comme à ceux de la nation.
Tant qu’ils n’ont point voulu recourir à la liberté, les maîtres de
la Russie se sont trouvés sans force contre les abus de leur administration. Tout ce que pouvait tenter le génie de la centralisation
a été essayé : on a renforcé les moyens de contrôle, allongé la procédure administrative, multiplié les formalités. Dans toutes les
branches de l’administration, on a introduit des instances successives. Nulle part peut-être la surveillance n’a été poussée aussi
loin, nulle part l’état n’a montré une telle méfiance de ses agens et
n’a pris plus de garanties contre leurs fautes; mais toutes ces précautions ont été impuissantes. Employer la bureaucratie à contrôler
la bureaucratie, c’était en quelque sorte demander le remède au
mal. Ce système de freins multiples, en apparence si ingénieux,
n’a fait que compliquer le mécanisme administratif d’un grand
nombre de pièces inutilement dispendieuses et qu’en ralentir et
en embarrasser le jeu.
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/754 | oriental que cette apparition du tombeau de la sainte Fatmah, un soir de mai, au sortir d’une nef obscure.
Il existe donc encore en Perse des choses qui ne sont pas en
ruines, et, de nos jours, on peut donc construire ou restaurer
comme au temps des ''Mille et une Nuits'' !... C’est le Chah Nasr-ed-din qui, en plein XIXe siècle, fit remettre à neuf, avec ce luxe
insensé, et ordonna de recouvrir de mosaïques d’or la vieille
mosquée très sainte, où son père et sa mère reposent aujourd’hui,
à côté de Fath-Ali-Chah et de la petite-fille du Prophète
Le caravansérail, paraît-il, est encore loin, de l’autre côté
du pont courbe et de la rivière sans eau. Alors, laissons partir
la voiture, et, avant que le soleil s’éteigne, allons voir la mosquée.
Une place immense et bien étrange lui sert de parvis, une
place qui est à la fois un vieux cimetière poudreux et une inquiétante cour des miracles. Ce semblant de pavage, ces longues
dalles sur lesquelles on marche, sont des tombes alignées à se
toucher ; ce sol est plein d’ossemens de toutes les époques, il est
amalgamé de poussière humaine. Et, comme les reliques de la
sainte Fatmah attirent des pèlerins sans nombre et opèrent des
miracles, une truanderie sinistre est accourue de tous les points
de la Perse pour élire domicile alentour. Parmi les vendeurs de
chapelets et d’amulettes, étalant leur marchandise par terre sur
des guenilles, des mendians estropiés montrent des moignons
rougeâtres ; d’autres mettent à nu des lèpres, des cancers, ou
des gangrènes couvertes de mouches. Il y a des derviches à
longue chevelure, qui marchent en psalmodiant, les yeux au ciel ;
d’autres, qui lisent à haute voix dans de vieux livres, avec exaltation comme des fous. Tout ce monde est vêtu de loques terreuses ; tout ce monde a l’air inhospitalier et farouche ; le même fanatisme se lit dans les regards trop ardens ou dans les regards morts.
Au milieu de cette place, de ce champ de tombeaux, et entourée de cette foule pouilleuse en haillons couleur de cendre, la splendeur toute fraîche d’une telle mosquée rayonne avec invraisemblance.
Intérieurement le sanctuaire est, parait-il, d’une richesse
inimaginable, mais les infidèles comme nous en sont exclus sans
merci, et il faut nous arrêter aux portes de l’enceinte extérieure.
<references/> |
Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/70 | demandant : « Qui a-t-il pris ? qui a-t-il pris ? Ah ! il a pris Vantka. C’est bien fait. Vantka ne méritait pas mieux ! »
C’est ainsi que vous faites. « Mort aux traîtres ! » dites-vous, et chacun s’empresse de trahir ! Quand notre bourreau a frappé Sidor au visage, vous deviez agir comme un seul homme, et nos maux auraient enfin eu un terme.
Mais vous, vous criez tant que vous pouvez : « Soyons unis, ... mort aux traîtres, » et quand notre bourreau se montre, il n’a plus personne !
Maintes fois, les paysans avaient tenu de semblables discours, car cette pensée de se débarrasser de l’intendant en lui ôtant la vie persistait dans leur cœur.
Les derniers jours de la semaine sainte, le cruel intendant fit annoncer qu’on allait semer l’avoine dans les champs seigneuriaux et qu’il fallait immédiatement se mettre à la charrue. Ce fut pour les paysans une nouvelle douleur ; réunis chez Wassili, le jour du vendredi saint, ils parlaient, plus excités que jamais, de leur conjuration.
<references/> |
Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CUEILLIR | Jésuites et imprimeurs de Trévoux Dictionnaire universel françois et latin, 6e édition 1771 (Tome 3, p. 50-51). ◄ CUEILLIE CUEILLOIR ► dictionaryDictionnaire universel françois et latin, 6e éditionJésuites et imprimeurs de Trévoux1771ParisCTome 3Dictionnaire de Trévoux, 1771, III.djvuDictionnaire de Trévoux, 1771, III.djvu/550-51 CUEILLIR, v. act. Je cueille, je cueillois, je cueillis, j’ai cueilli, je cueillerai & non pas je cueillirai, comme prétend Vaugelas. Men. Bouh. Que je cueille, que je cueillisse, je cueillerois. Il signifie, Détachée avec la main des fruits, des fleurs, des herbes de leur tige, de leurs branches. Carpere, decerpere, legere. On cueille des fleurs au Printemps, & des fruits en Automne ; cueillir des roses, cueillir un bouquet, cueillir des légumes. Ce mot vient du Latin colligere. Cueillir, se dit aussi des gros fruits, quand on parle en général de ce qu’on a retiré dans une récolte, dans une vendange, colligere. L’été a été sec, on n’a pas cueilli beaucoup de blé, mais en récompense on cueillera beaucoup de vin. On dit aussi qu’on a préposé un homme pour cueillir la dime, pour en faire la recette, l’enlèvement des gerbes. Cueillir les aumônes, pour dire, en faire la cueillette, la recette. Ceux qui s’en servent dans ces deux dernieres significations, ont tort. Cueillir ne se dit que des fleurs, des fruits, des légumes qu’on détache de leurs branches ou de leurs tiges. On cueille des fleurs, des pommes, des poires, des légumes, & on recueille du vin, du blé & on léve la dime, on fait la recette des cens, des droits Seigneuriaux. on fait la quête dans l’Église, dans les maisons pour les Pauvres, pour le Prédicateur &c. Dans ce dernier sens, on dit aussi quelquefois cueillette, que je n’aime pas. Dans le figuré, cueillir des Palmes, des Lauriers, c’est remporter des victoires. Palmas, laureas metere, victorias reportare. En style de galanterie, cueillir un baiser sur les lévres d’Isis Cueillir la fleur de la virginité d’une fille. Cueillir le verre, Terme de verrerie. C’est le prendre avec la selle dans le pot où les matières ont été entiérement vitrifiées, (ce qui se fait à quatre reprises différentes, quand la matière attachée au bout de la selle à chaque fois est assez refroidie ;) pour ensuite les souffler, & en faire des plats de verre, ou du verre en table. Cueilli, ie. part. Il a la signification de son verbe. On dit en Maçonnerie, qu’une porte ou une croisée est cueillie en plâtre, quand sur le mur simplement hourdi on fait une petite bordure de plâtre, qu’on applique avec la régle, afin de servir de niveau & de régle pour enduire le tableau de la porte, ou de la croisée. |
Orsier - Henri Cornelius Agrippa.djvu/131 | {{numérotation|HENRI CORNÉLIS AGRIPPA|130}}
<div style="font-size:90%"><section begin="s1"/>{{tiret2|Révé|rend}} Cardinal {{lang|it|Campegio}}<ref>Lucas Bonfius. Voir la lettre précédente, p. 115.</ref>. ''Cratandre'' de Bâle vous devait remettre cette lettre. C’est un imprimeur. Il pourra vous dire quel est l’acharnement de la guerre entre moi et les Théologiens. Adieu, illustre et cher ami.
</div>
{{c|{{rom-maj|LXIX|69}}|lh=3}}
{{c|'''Érasme à Agrippa.'''}}
{{brn|1}}
{{d|{{t|Fribourg, le 9 décembre 1532.|90}}|2}}
Pensant qu’il valait mieux me taire absolument que d’y répondre à la légère j’ai jusqu’ici négligé de répondre à vos lettres. D’ailleurs, jusqu’ici, le temps m’a fait défaut et l’occasion ne s’est pas présentée. Je ne sais quel est le Secrétaire dont vous me parlez. Quant à ''Cratandre'', il ne m’a pas remis votre lettre où vous faites l’histoire de la Théologie. Si vous voulez que, par la suite, ce que vous m’enverrez me soit fidèlement remis, confiez-le à ''Jérôme Frœben''.
Je suis affligé de voir que vous avez affaire à ces frelons. Peu de gens ont pu se féliciter d’avoir eu maille à partir avec eux. Si Dieu le permet, je vous écrirai plus longuement ce printemps prochain. En attendant, persuadez-vous bien qu’Érasme est un de ceux qui veulent du bien à Agrippa. Adieu.
</div>
{{c|{{rom-maj|LXX|70}}|lh=3}}
{{c|'''Agrippa à Érasme.'''}}
{{brn|1}}
{{d|{{t|15 avril 1533.|90}}|2}}
Illustre Érasme, je vous aurais écrit sur des questions aussi nombreuses qu’intéressantes si je n’avais attendu de vous des documents plus nombreux et plus importants encore que les miens. Dans une lettre précédente vous me promettiez en effet de me donner, quand vous en auriez le temps, une réponse indispensable et détaillée. Je n’ose point venir vous arracher à vos nombreuses occupations, sachant bien que je ne suis pas homme à vous rendre l’équivalent de ce que j’attends de vous. C’est cependant avec le plus impatient désir que je vous demande et que j’attends votre lettre. Ne négligez point cet Agrippa qui vous porte une si vive affection. L’ouvrage que je faisais imprimer à ''Bâle'' contre quelques Théologiens m’est revenu sans l’être entièrement, sous prétexte qu’il offense un grand nombre de personnes. Je le ferai imprimer ailleurs. Je vous ai {{tiret|en|tretenu}}<section end="s3"/>
</div>
<references/> |
Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/589 |
Rien !
Aucun bruit n’arrivait jusqu’à eux.
Seul, le mouvement, la rotation de la double chaîne leur indiquait que la
pénible descente effectuée par la Cigale ne tirait pas à sa fin.
Au bout de la huitième minute, Mouchette n’y tint plus ; il pencha la tête
vers le point central de l’orifice, cherchant, mais vainement à sonder les ténèbres
épaisses,
Il comprit alors l’immobilité de ses quatre compagnons.
Il comprit que ces hommes ne jetaient pas même une parcelle de leurs
forces au vent du hasard.
Lui, l’avorton, il ne pouvait maîtriser son impatience.
Eux, les athlètes, qui savaient la lutte prochaine, ils se recueillaient jusqu’au
moment de l’action.
N’entendant, ne voyant rien que le mouvement continu de la double
chaîne, il les imita, il se retira, se promettant de régler désormais sa tenue
sur la leur.
Enfin, le bruit produit par le frottement de la chaîne contre la
pierre, cessa.
Mouchette se dit :
— Ouf ! il est en bas.
Il le dit un peu haut et ne fut pas peu étonné en voyant un sourire se
dessiner sur les lèvres de Passe-Partout.
Mais ce sourire lui parut moins difficile à comprendre dès qu’il vit apparaître
deux mains et une tête à l’orifice du puits.
Ces mains et cette tête appartenaient à son intéressant ami, la Cigale.
Le géant venait de mettre les morceaux doubles.
Il était descendu au fond du gouffre, et il en était remonté, sans se reposer,
sans détendre la double chaîne.
Un singe eût mis plus de temps que ce mastodonte à réaliser, à exécuter
ce tour de force.
— Bon ! il est en haut ! s’écria Mouchette, en poussant un soupir de soulagement,
c’est plus fort que chez Comte !
On aida la Cigale à sortir du puits.
— Ça y est, capitaine, dit-il laconiquement.
— Tu as trouvé ? demanda Passe-Partout.
— Tout.
— Sans difficulté ?
— Oui.
— À quelle distance du sol ?
— 25 mètres à peu près.
— Au moins ou au plus ?
— Au moins.
— Si bas !
— Dame, oui !
— Diantre ! se dit à part lui le chef des Invisibles, ce sera plus difficile
que je ne le pensais.
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/865 | d’une déplorable erreur dans la transmission télégraphique, blessa en lui le soldat. Je l’appris quelques jours après par son officier d’ordonnance, M. de Massa. » Celui-ci, résumant les différentes causes qui avaient poussé le général au suicide, avait cité la dépêche du délégué à la Guerre : « Autant j’''admets'' votre attitude sur le champ de bataille, autant je déplore la lenteur avec laquelle l’armée a manœuvré avant et après les combats... » C’était une malencontreuse erreur de transmission, car l’original portait : « ''Autant j’admire votre valeur''... » Et quelques jours après, le délégué à la Guerre mandait à Bourbaki : « C’est avec bonheur que j’ai appris que votre vie était hors de danger. J’estime en vous un brave et loyal soldat qui a fait noblement son devoir sur les champs de bataille et il m’eût été extrêmement douloureux de vous voir enlevé à la patrie. En vous parlant ainsi, je crois être l’interprète du pays tout entier qui n’a jamais douté et ne doutera jamais de la parfaite droiture de votre caractère. »
Il est certain qu’on ne peut approuver l’acte de défaillance qui poussa Bourbaki à vouloir se tuer pour échapper à l’atroce spectacle de la capitulation de ses troupes ; mais, étant donné ce que l’on sait, il est permis d’excuser son affolement. Ces généraux qui, dans les circonstances effrayantes où l’on faisait appel à leur dévouement, sont allés jusqu’aux dernières limites de l’héroïsme, méritent qu’on salue, qu’on honore leur mémoire. Ils en sont dignes, eux et leurs pauvres soldats, car ils n’ont rien marchandé pour essayer de sauver la patrie en danger.
Temps douloureux sans doute, mais temps glorieux aussi, où tous les Français oubliaient leurs fatigues et leurs maux pour ne former qu’une même et intrépide union contre l’envahisseur ! Sans doute, ceux qui les appelaient au feu ont commis des erreurs et des fautes qu’on ne saurait dissimuler, mais s’ils n’ont pu nous assurer la victoire tant désirée, ils ont cependant contribué à maintenir le bon renom de la France et sa volonté tenace de se défendre jusqu’à la dernière heure. C’est le cas de répéter avec l’héroïque général Ducrot : « Nos enfans du moins bénéficieront de l’honneur que nous avons sauvé ! »
Quant à l’armistice du 20 janvier, qui eut des conséquences si désastreuses pour l’armée de l’Est, M. de Freycinet nous
<references/> |
Spenlé - Novalis.djvu/42 | {{nr|34|NOVALIS|}}
circonstances atténuantes, accusant de tout le mal ce qu’il
appelait « la lubricité de son tempérament ». Il concluait
avec plus de philosophie que d’à-propos : « J’aspire de tout
mon cœur à être le plus vite possible dans une situation où
je ne dépendrai plus de ta bourse ».<ref>« {{lang|de|Nachlese}} », p. 56.</ref> C’était précisément là
ce que son père appelait depuis longtemps de tous ses vœux.
Une nouvelle transplantation fut décidée. On envoya le
jeune étudiant à Wittenberg, ville bien pensante, peuplée de
souvenirs édifiants. Ne trouvant rien de mieux à faire, il
travailla sagement pour rattraper le temps perdu et prit ses
grades universitaires. Quelques semaines lui suffisaient,
nous est-il dit, pour combler les plus grandes lacunes. En
même temps se déclarait, dans ce milieu favorable, une
nouvelle « vocation » pour la vie familiale. Il l’expose longuement,
dans une lettre enthousiaste à sa mère, qui pourrait
servir de contre-partie à la lettre sur la vocation militaire.
Ce qu’il avait demandé d’abord au service des armes,
il espère maintenant le trouver dans l’accomplissement régulier
de ses devoirs domestiques. « Ce goût pour le bonheur
familial qui est en moi si puissant et si vivace, aura certainement
une action bienfaisante sur ma destinée, ''et surtout il''
''extirpera les excroissances désordonnées de mon imagination''
''qui me rendent continuellement instable et fuyant''.
Cultiver ce goût dans toute sa pureté, lui préparer les voies
autant que possible dans la trame obscure de ma destinée,
tel doit être le but principal de mon activité, et seule la fatalité
la plus contraire, l’arrachement de tout ce qui me retient
à la vie, pourrait m’écarter de ce but. »<ref>« {{lang|de|Nachlese}} », p. 47.</ref> Déjà il se
voit en imagination le soutien et l’éducateur de ses frères
et sœurs, sans qu’aucun symptôme alarmant dans la santé
de son père n’eût rendu opportune, semble-t-il, une si chevaleresque
attitude. « Mes frères et sœurs ont besoin après
la mort de mon père d’un second père. Cette vocation du
foyer familial est tout à fait la mienne. »<ref>Raich. op. cit. p. 5.</ref>
<references/> |
Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/344 | le colonel Malher sans lui parler, ni même daigner le regarder. En cela, il suivait l’exemple général ; pas une parole ne fut adressée à ce colonel, si fier de son crédit, et il restait isolé comme une ''brebis galeuse ;'' c’était le mot dont on se servait généralement, dans le bal, pour désigner sa position fâcheuse. Et il n’eut pas l’esprit de quitter le bal et de se soustraire à une impolitesse si unanime. « Ici, c’est lui ''qui ne pense pas bien'', se disait Lucien, et je lui rends la monnaie de la scène qu’il me fit jadis au sujet du cabinet littéraire. Avec ces êtres grossiers, il ne faut pas perdre l’occasion de placer une marque de mépris ; quand les honnêtes gens les dédaignent, ils se figurent qu’on les redoute. »
Lucien remarqua, en entrant, que toutes les femmes étaient parées de rubans verts et blancs, ce qui ne l’offensa pas le moins du monde. Cette insulte s’adresse au chef de l’État, et à un chef perfide. La nation est trop haut placée pour qu’une famille quelconque, fût-elle de héros, puisse l’insulter.
Au fond d’une des tentes adjacentes était comme un petit réduit, qui resplendissait de lumière ; il y avait peut-être quarante bougies allumées, et Lucien fut attiré par leur éclat. « Cela a l’air d’un reposoir des processions de la Fête-Dieu, »
<references/> |
Collectif - Célébrités contemporaines, Vol 2, 1883.djvu/316 | fort répondit : « C’est de la folie, » On l’entraîna
cependant. À la porte de l’imprimerie,
un inconnu lui dit : « C’est vrai. La dépêche
est en haut. » Jamais plus violente douleur ne
le déchira. Quelqu’un, un enfant, un fiancé,
un camarade, succombant à sa place ! Il voulait
les représailles immédiates. Les représailles
étaient dangereuses pour la liberté. Le sang-froid
de citoyens avisés le comprit. On se réserva
pour les obsèques. Là, Rochefort fut de
leur avis, et dans le délire de la foule ardente,
dans l’emportement des républicains héroïques,
unit sa voix à celle de Delescluze pour
empêcher une imprudence qui nous eût coûté
la vie — ce qui n’est rien — mais qui eût prolongé
la durée du régime détesté.
La veille, il avait poussé, cependant, un cri
de guerre et de révolte, — et le procureur général,
pressé, avait immédiatement réclamé du
Corps législatif l’autorisation de le poursuivre.
Réclamer, c’était obtenir. Obtenir les poursuites,
c’était assurer la condamnation. Assurer
la condamnation, c’était comploter l’arrestation
bruyante — et peut-être la bienheureuse effervescence
que le canon apaise.
Prévisions réalisées. Le 7 février, Rochefort,
<references/> |
Ibn Battuta - Voyages - Traduction Sanguinetti - Volume 2.djvu/119 |
Nous partîmes de Zeïdàn pour Howaïzâ (Hawiza), petite
ville habitée par des Persans. Entre celle-ci et Basrah, il y a
la distance de quatre jours de marche. Il faut un jour de
plus pour aller de Howaïzâ à Coûfah. Au nombre des natifs
de Howaïzâ, se trouve le cheïkh pieux et dévot Djémâl eddin
Alhowaïzàïv, cheïkh du monastère de Sa’id asso’adà, au Caire.
Nous marchâmes de Howaïzâ vers Coûfah, par un désert
où il ne se trouvait pas d’eau, excepté dans un seul endroit
qui est appelé Attharfaouy, et que nous atteignîmes le troisième
jour. Le second jour après notre départ de ce dernier
lieu, nous arrivâmes à la ville de Coûfah.
{{Centré|{{t|COÛFAH.|90}}}}
C’est une des métropoles de l’Irâk, et elle est distinguée
parmi celles-ci par un mérite supérieur ; c’est le lieu où ont
séjourné les compagnons de Mahomet et leurs successeurs
immédiats ; et ce fut l’habitation des savants et des hommes
pieux. Elle a été la résidence d’Aly, fils d’Abou Thâlib, commandant
des fidèles. Mais elle est maintenant en grande
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1060 | l’assistance de son propre tribunal, il pouvait ordonner quatre-vingt-dix-neuf coups de bâton ou quatre-vingt-neuf jours de prison; pour
les peines plus graves, il fallait remonter aux tribunaux supérieurs;
pour l’exécution à mort, l’assentiment du roi, c’est-à-dire de l’empereur d’Autriche, était nécessaire.
Une pareille organisation suffisait pour stériliser la contrée la plus
fertile. Ce n’était pas tout encore. Un privilège auquel la noblesse
hongroise tenait beaucoup moins par intérêt que par orgueil était
celui de ne pas payer d’impôts. Possédant à peu de chose près la
totalité du territoire, elle était exempte de toute imposition foncière
et de la plupart des taxes indirectes. Le poids des charges publiques
retombait en totalité sur des paysans ordinairement pauvres, de
sorte qu’en définitive les provinces orientales, les plus riches naturellement, contribuaient dans une proportion cinq fois moindre que
le reste de l’empire. Mais, sans impôts, pas de travaux civilisateurs :
les seules voies de communication étaient de mauvais chemins à
peine déblayés par les paysans au moyen de corvées.
Un autre inconvénient était la nécessité de protéger les contrées
soumises à l’impôt contre la concurrence commerciale de celles qui
en étaient exemptes. La Hongrie, où le droit de consommation sur
les liquides n’existait pas, eût trop facilement ruiné les vignobles de
l’Autriche ou de la Lombardie. Entre les provinces autrichiennes, où
la fabrication du tabac était monopolisée par le gouvernement, et la
Hongrie, où cette industrie était libre, la différence de prix était de 1 à 6 pour les tabacs à fumer, et de 1 à 12 pour les tabacs à priser. Il a donc fallu établir sur une ligne qui, en raison de ses sinuosités,
présente un développement de plus de 1,800 kilomètres, un service
de douanes intérieures destiné à séparer commercialement la Hongrie du reste de la monarchie. Que de peine pour intercepter cette
circulation, qui aurait tout vivifié ! Entre les provinces allemandes et
hongroises, il y avait 685 douanes-frontières, 63 douanes centrales,
50 douanes secondaires dans diverses parties de l’intérieur, 71 stations pour contrôler les marchandises sur les routes, sans compter
les escouades organisées militairement pour courir sus aux contrebandiers, ni les inspections pour surveiller les employés des bureaux;
sans compter enfin une organisation également compliquée pour le
service spécial de la Transylvanie. Bref, l’isolement des provinces
orientales exigeait un personnel de 19,124 agens et une dépense de
11,770,000 francs!
Ainsi immobilité féodale qui paralysait le propriétaire, inertie du
paysan indifférent aux progrès de la culture, absence de crédit,
manque de routes, isolement commercial, tout semblait combiné
pour neutraliser les ressources de la Hongrie. Malgré tout,
<references/> |
Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/531 |
Le houblon avorte toujours dans un sol graveleux & dans un sol argileux, ainsi que dans le pierreux. On peut rétablir dans tout autre sol ; il ne manque jamais, si on a le soin de choisir les espèces moins estimées pour les terrains médiocres.
Comme le houblon plonge ses racines à une grande profondeur, & qu’il les étend beaucoup, il attire une si grande quantité de suc, & épuise tellement le sol, que toute autre plante, que l’on sème après avoir détruit la houblonnière, n’y réussit presque point, excepté les arbres, attendu que leurs racines plongent beaucoup plus bas que celles du houblon ; au lieu, qu’on peut planter le houblon après toute autre production, en exceptant cependant celle du sainfoin ou esparcette, de la luzerne, & de toute plante à racines pivotantes.
Un bon sol, qui a été semé en blé, fournira très-bien, pendant huit ans à une houblonnière, la nourriture nécessaire ; un sol vierge la soutient pendant douze ans ; mais, passé ce temps, elle se trouve épuisée. C’est pourquoi nous conseillons de planter des pommiers & des cerisiers dans le même sol où l’on plante des houblons. Ces jeunes arbres n’appauvrissent point le terrain, & au bout de douze ans, les cerisiers portent du fruit, & durent fort aisément vingt-cinq ans. Alors on peut les abattre, & les pommiers se trouvent dans un état vigoureux. Une pièce de terre bien abritée, située dans un bas, à une exposition méridionale, & environnée des autres côtés par des arbres, est la plus avantageusement située pour une houblonnière.
II. ''De la formation & du placement des monticules pour une houblonnière.'' Le mois d’octobre est le temps auquel on plante le houblon : il faut préparer la terre au moins un mois auparavant, l’ouvrir à une grande profondeur, la rompre & la bien ameublir. Après cette opération, on procède aux monticules qui, dans un sol peu abondant, doivent être à neuf pieds de distance, & à sept pieds dans un sol riche. Pour parvenir à une disposition régulière des monticules, on met une corde qui prend d’un champ à l’autre, sur laquelle on mesure le nombre de pieds de la distance qu’on veut donner aux monticules ; on fait un nœud à chaque distance déterminée, & à chaque nœud on fiche en terre un petit bâton, pour marquer la place de chaque monticule, laissant en tout sens la même distance. Par ce moyen, on se ménage la facilité de se servir du ''cultivateur'', (''voyez'' le mot {{RozierL|CHARRUE}}) pendant que les houblons sont sur pied.
Après cette préparation, il seroit très-avantageux de planter les houblons dans le fumier dont on va parler. On ramasse une certaine quantité de terre fine & riche, proportionnée à la quantité des monticules : on y ajoute la quatrième partie de vieux fumier bien pourri, & la dixième partie de sable, & on mêle le tout ensemble ; ensuite on ouvre, à chaque bâton fiché dans la terre, un trou de deux pieds de profondeur, & d’un pied & demi de largeur & en quarré, & on remplit le tout de la composition précédente. Rien ne donne plus de vigueur & de célérité aux plants.
III. ''Plantation du houblon.'' Il est<section end="HOUBLON"/>
<references/> |
Comédie humaine - Répertoire.djvu/408 | {{corrBandeau}}de la fille de son neveu, comme par l’influence de dom Rigou, à {{corr|deshériter|déshériter}} les Niseron au profit de mesdemoiselles Pichard, gouvernantes-maîtresses installées auprès de lui (''Les Paysans'').
'''Niseron''' (Jean-François), bedeau, sacristain, chantre, sonneur et fossoyeur de la paroisse de Blangy (Bourgogne), sous la Restauration ; neveu et unique héritier du curé Niseron ; né en 1751. — Il acclama la Révolution ; fut le type idéal du républicain, une sorte de Michel Chrestien aux champs ; dédaigna froidement la famille Pichard, qui lui prit la succession à laquelle, seul, il avait droit ; eut une vie de pauvreté et d’abandon ; respecté, néanmoins, il était du parti de Montcornet représenté par Brossette ; leur adversaire, Grégoire Rigou, l’estimait, le craignait même. — Jean-François Niseron perdit successivement sa femme, ses deux enfants et ne garda, près de lui, sur ses vieux jours, que Geneviève, fille naturelle de son fils décédé, Auguste (''Les Paysans'').
'''Niseron''' (Auguste), fils du précédent ; soldat de la République et de l’Empire ; canonnier (1809), séduisit, près de Zahara, une Monténégrine, Zéna Kropoli, qui mourut, à Vincennes, au commencement de 1810, en lui donnant une fille. Il ne put ainsi réaliser son dessein de l’épouser. Il périt, lui-même, sous Montereau, pendant l’année 1814, tué d’un éclat d’obus (''Les Paysans'').
'''Niseron''' (Geneviève), fille naturelle du précédent et de la Monténégrine Zéna Kropoli ; née en 1810, appelée Geneviève ainsi qu’une tante paternelle ; orpheline dès l’âge de quatre ans, fut élevée dans la Bourgogne par son aïeul Jean-François Niseron. Elle avait la beauté de son père et l’étrangeté de sa mère. Ses protectrices, mesdames de Montcornet et Michaud, lui donnèrent le {{corr|surnon|surnom}} de ''Péchina'', et, pour la préserver des poursuites de Nicolas Tonsard, la placèrent dans un couvent d’Auxerre, où elle put apprendre la couture et oublier Justin Michaud, qu’elle aimait inconsciemment (''Les Paysans'').
'''Noël''', greffier de Jean-Jules Popinot, à Paris, en 1828 ; époque où le juge interrogea le marquis d’Espard, dont la femme demandait l’interdiction (''L’Interdiction'').
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/639 | laborieuses ? Nous savons que non, et que, bien au contraire, c’est au sein des sociétés qui, sous le rapport de la production industrielle, tiennent le premier rang, que la situation de l’ouvrier laisse le plus à désirer. Sans les pays nouvellement colonisés, dont la population n’a qu’une faible densité, la distance qui, plus tard, séparera les divers degrés de fortune est encore peu marquée. Là, les riches sont moins riches, les pauvres moins pauvres ; tout le monde travaille ; à peine sait-on ce que c’est que mendier. Mais que la locomotive arrive, que l’industrie emploie ses ressources, que la machine se substitue au travail des bras : c’en est fait de cet âge d’or. Aussitôt la misère apparaît. Au milieu des élégans magasins et des églises monumentales, on voit sortir de terre les établissemens d’assistance et les prisons. On ne saurait nier, en présence de ces témoins accusateurs, que la misère qui règne au bas de l’échelle soit imputable à la marche même du progrès et non à des circonstances locales.
Il est vrai pourtant que la richesse générale s’accroît à mesure que le flot de la civilisation s’étend. Mais à qui profite cette transformation ? A coup sûr, ce n’est pas à ceux dont l’existence est le plus dépouillée. L’eau va à la rivière et le bien-être à ceux qui le connaissent déjà. Le progrès peut être comparé à « un coin immense qui pénètre dans la société, non pas perpendiculairement, mais horizontalement et la divise en deux couches. Ceux qui se trouvent au-dessus de la ligne de démarcation sont élevés, ceux qui se trouvent au-dessous, écrasés. »
Pour expliquer ce douloureux phénomène, les économistes ont invoqué ce qu’ils appellent la loi du salaire. D’après eux, le nombre des travailleurs et le prix de la main-d’œuvre sont en raison inverse l’un de l’autre, car, à ce qu’ils assurent, le salaire se tire du capital et, dans tout partage, augmenter le nombre des ayants droit, c’est aussi diminuer ce qui leur revient.
Erreur ! Le salaire ne provient pas du capital, mais du travail, Comme le chasseur trouve son profit dans le gibier qu’il abat, ainsi l’ouvrier crée lui-même la richesse qui lui fournira la rémunération de ses peines. Nous ne nions point l’utilité du capital, mais nous soutenons qu’il n’a pas la fonction que l’on a prétendu. Sa mission est essentiellement de procurer les instrumens de travail à l’artisan et à l’ouvrier, les semences à l’agriculteur, les avances nécessaires au commerçant. Quand on s’adresse à lui pour lui demander le prix de la main-d’œuvre, c’est qu’alors nous n’avons plus affaire seulement à un producteur, mais à un négociant qui attend le moment favorable pour écouler ses produits.
Sur cette première erreur, la loi du salaire, les économistes en
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Gautier - Zigzags.djvu/277 | {{nr||— 280 —|}}{{tiret2|mar|chent}} isolés, de distance en distance, entre les
divers pelotons. Cette apparition me surprit, et
je levai les yeux pour voir si je n’apercevais pas
bleuir au second plan la décoration de la ville
de Constantinople ; si merveilleusement peinte
par ces messieurs de l’opéra, et la tête chauve
de M. Habeneck, se balançant avec un mouvement
rythmique plus majestueux encore que le
pigeon poudré de la perruque de Hændel ; car
je croyais assister à une représentation ''{{lang|la|sub jove crudo}}''
de ''la Juive'' de M. Halevy. C’était bien le
cortége de l’empereur Sigismond ; — il n’y manquait
que l’honnête Quériau. — Un instant, convaincu
de la réalité de ce spectacle, je me crus
rajeuni de cinq ou six cents ans et transporté en
pleine féodalité ; mais en prenant ma lorgnette
je m’aperçus que les nez qui passaient à travers
ces visières étaient des nez anglicans, presbytériens,
protestants, réformistes ; que des ventres
constitutionnels bombaient ces pourpoints
mi-partis, et, ''{{lang|la|proh pudor}} !'' que ce champion à
l’air farouche avait des moustaches peintes à
l’encre de Chine ! car, pour une raison que {{tiret|j’i|gnore}}
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Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/69 |
— Animal ! fit Vroublevsky.
— Animal ? Avec quelles cartes jouais-tu tout à l’heure ? Je t’ai donné un paquet cacheté, où l’as-tu mis ? Tu jouais avec des cartes à toi. Je pourrais te faire aller pour cela en Sibérie, le sais-tu ? car cela vaut la fausse monnaie !
Et s’approchant du divan, il retira des coussins un paquet de cartes encore cacheté.
— Voilà mon jeu de cartes !
Il l’éleva en l’air et le montra à tout le monde.
— J’ai vu de chez moi comment il a fourré le paquet dans les coussins, le vaurien ! C’est un pick-pocket, et non pas un pane !
— Et moi, j’ai vu tricher l’autre pane ! dit Kalganov.
— Ah ! quelle honte ! quelle honte ! s’écria Grouschegnka. Seigneur ! quel homme est-il devenu ! quel homme !
— J’y pensais, dit Mitia d’un ton bizarre.
Tout à coup le pane Vroublevsky s’approcha de Grouschegnka et, la menaçant du poing :
— Putain ! hurla-t-il.
Mitia s’était déjà jeté sur lui ; il le saisit des deux mains, l’enleva et en un clin d’œil l’emporta dans la chambre où ils étaient entrés tout à l’heure.
— Je l’ai posé par terre, dit-il en rentrant, un peu essoufflé. Il se débat, le misérable ! mais il ne reviendra pas.
Il ferma un battant de la porte et, tenant l’autre ouvert, il dit au pane à la pipe :
— Très-honoré pane, veuillez... je vous en prie...
— Petit père Mitia Fédorovitch, dit Trifon Borissitch, reprenez-leur donc votre argent ! Ils vous ont volé !
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Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/93 | {{nr||ADOLESCENCE|95}}
— Non, mère.
Aussitôt, elle comprit sa méprise et abaissant mes
paupières, de sa main douce :
— Dormez, dormez, mignonne, fit-elle.
Cet incident me rendit toute ma confiance et le
lendemain, prenant l’initiative, j’offris de lui faire
sa lecture.
— C’est que, répondit-elle, je crains de vous fatiguer
la gorge.
Et je n’avais pas soupçonné que ce pouvait
n’être que cela !... Nous sommes ingénieux à
nous faire souffrir.
Notre réentente fut délicieuse et tout en m’instruisant
en art, mère cherchait de plus en plus
à former mon être moral. Tâche ingrate, celle-là :
saturée d’amour-propre, plus qu’aucune adolescente
de mon âge, je lui glissais des mains ; je regardais
et j’écoutais, sans voir ni entendre et lorsqu’après
la lecture, mère Saint-Blaise voulait relever quelque
réflexion pieuse, je laissais monter à mes lèvres,
un sourire condescendant. Parfait pour elle, qui
était une ''sœur'', de rechercher ces subtilités, mais
moi, une jeune fille du {{corr|monde..|monde...}} Mon exquise amie,
ne perdait pour cela, ni son affabilité, ni son
dévouement d’apôtre ; humble, elle essayait alors
quelques conseils à la païenne et collectionnait à
mon intention, des paroles célèbres qui m’enthousiasmaient.
Et presque soudainement, ce fut juin et la fin de
l’année. Notre distribution des prix avait toujours
lieu l’après-midi ; le lendemain, c’était au tour des
écoliers et j’attendais Gonzague pour prendre le
train. Cette année, grand’mère se trouvant un
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Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/164 | principalement critique, où la théorie, cependant, se
mêle à la réfutation, le principe de l’imitation de la
nature est présenté sous une face toute nouvelle. Un
examen plus approfondi du rapport des arts du dessin
avec la nature, fournit la loi qui sert à marquer
les dégrés essentiels de leur développement et la
succession des principaux styles.
Dans la nature et dans l’art, se montrent au début,
la rigueur caractéristique des formes, l’énergie, la
concentration. Peu à peu cette âpreté, cette rudesse
se tempère et s’adoucit ; les mouvements deviennent
plus faciles ; les formes, moins raides, offrent plus
de richesse et de variété.
L’idée et la forme, l’esprit et le corps, se mettent
en parfait équilibre ; on voit alors la beauté dans sa
fleur et sa maturité. Mais l’esprit qui anime et vivifie
la nature en se développant ainsi harmonieusement
fait pressentir une beauté plus parfaite encore, celle
de l’ame. La grâce sensible est le lien qui unit les
deux mondes ; Vénus, la déesse de l’amour, personnifie ce moment.
L’art pourrait s’arrêter à ce point ; son œuvre est
parfaite sous le rapport physique ; mais il est une
beauté supérieure, la beauté morale fondue avec la
grace sensible ; et cet accord est possible. Entre l’esprit
qui anime et vivifie la nature, et l’ame qui apparaît
dans le monde moral, l’opposition n’est qu’apparente.
L’esprit de la nature est le principe de l’individualité
dans les êtres et dans l’homme. {{corr|L’ame|L’âme}}, au
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Eliot - Silas Marner.djvu/321 | {{tiret2|pour|voir}}. C’est ma propre enfant : sa mère était mon
épouse. J’ai sur elle un droit légitime, qui doit primer
tous les autres. »
Eppie avait tressailli avec violence, et était devenue
tout à fait pâle. Silas, au contraire, avait été
soulagé par la réponse d’Eppie, de la crainte terrible
que ses intentions ne fussent opposées à celles de sa
fille, Il sentit que l’esprit de résistance s’était affranchi
en lui, non sans provoquer, toutefois, un faible mouvement
de colère paternelle.
« Alors, monsieur », répondit-il, avec un accent
d’amertume, resté muet dans son âme, depuis le jour
mémorable où les espérances de sa jeunesse avaient
été détruites, — « alors, monsieur, pourquoi n’avez-vous
pas dit cela il y a seize ans ? Pourquoi ne
l’avez-vous pas réclamée, avant que j’en fusse arrivé
à l’aimer, au lieu de venir me la reprendre en ce
moment. Vous pourriez tout aussi bien arracher
le cœur de mon corps. Dieu me l’a donnée parce
que vous l’aviez délaissée, et il la regarde comme
ma fille : vous n’avez aucun droit sur elle. Lorsqu’un
homme éloigne un bien de sa porte, ce bien
échoit à ceux qui le recueillent dans leur maison.
— Je sais cela, Marner ; j’ai eu tort. Je me suis
repenti de ma conduite à cet égard, » dit Godfrey,
qui ne put s’empêcher de ressentir le tranchant des
paroles de Silas.
« Je suis content de l’apprendre, dit Marner, dont
l’agitation augmentait ; mais le repentir ne saurait
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Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/191 |
— Voyez, monsieur, voilà le joli petit chevreau !
Louis trouva que le mot monsieur avait un son
singulier dans le gosier de la jeune fille : il eût dit que des
pointes accrochaient les dents de Lévise et les faisaient
grincer. Sa gêne augmenta, le dégoût de ces apparences
maladroitement soutenues lui monta au cœur. Un
sentiment poignant de ridicule et de honte lui imprima
le besoin nerveux, maladif, violent, de rire. Ne sachant
comment le dissimuler, il se baissa brusquement vers la
tête du chevreau comme pour jouer et s’écria lâchant
l’éclat de rire irrésistible : Qu’il est drôle ! qu’il est drôle !
La paysanne resta stupéfaite, Lévise rougit. Louis se
maîtrisant, se releva, mais n’eut que la force de dire à
Lévise : Eh bien ! achetez-le et ramenez-le. Sa voix avait
perdu l’habitude de parler de la sorte, il avait failli
s’écrier : Eh ! fais comme tu voudras ! Il ne comprenait
pas comment il avait eu la puissance de s’en empêcher !
Et aussitôt il se sauva, n’ayant pas le courage de revenir
avec Lévise.
Un quart-d’heure après, la jeune fille arriva traînant
au bout d’une corde le chevreau qui se débattait et,
arcbouté sur ses quatre pattes, résistait à la corde tant qu’il
pouvait et n’avançait qu’en glissant de force.
Lévise était fort en colère, et elle attira violemment la
petite bête à l’intérieur de la maison. Louis essaya de
détourner le conflit par la gaîté.
— Ah ! ah ! dit-il en souriant, le petit chevreau n’est
pas disposé à te faire la cour.
Immédiatement elle se fâcha.
— Tu as eu honte de moi ? demanda-t-elle, qu’est-ce
qui t’a pris ? Tu es devenu fou ?
Louis ne pouvait s’expliquer franchement, ni par conséquent l’apaiser. Tandis qu’il cherchait comment s’en
<references/> |
Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 11, part. 2, Molk-Napo.djvu/234 | MOUR
acquit une grande popularité et se signala
parmi les plus chauds partisans de Robespierre,
avec qui il entretînt une correspondance
qui fat trouvée dans les papiers dé
celui-ci après le 9 thermidor et imprimée
dans le ''Rapport de Courtois.’ l ''fut pour^
suivi pendant la réaction’ en 1797, mars, relâché
peu après, il devint membre dir conseil
des Cinq-Cents, donna bientôt s’a d’émission,
se prononça contre le 18 brumaire*, séfit
inscrire sur le tableau des avocats de Paris
en 1817 et fut enfin juge dé paix du’ III{{er}} arrondissement
de cette ville dé 1832à1838.’
Moureau ’était l’oncle du jeune et héroïque
Viala. Il a fourni à MrTh’iers’de précieux
renseignements pour son ''Histoiréde la Révolution.'' On lui doit, entre autres écrits’ :
''Essai sur l’esprit des lais françaises relatives''
''à l’adoption dès enfants naturels {lg''y'' ; iri-go)''
''De l’incompatibilité entre lè’jltdnïsmeet l’exercice du droit de cité'' (1819, in-8°) ''^Napoléon''
''Bonaparte, .lieutenant d’artillerifi^docummis''
''■inédits sur ses premiers faits d’ormes ''(1821), ;
''histoire du -tribunal des Gracgues.''.£ 1828,
in-12) ; ''Questions électorales, suivies du Coniz''
''mentaire de, la loi du n juillet'' 1823 (1888.
in^o), etc., ..... '', [’■''
MOUREILLER s. m. (mou-rè-llé. ; H mlK) :
Bot. Nom vulgaire des màlpighies, à la
Guyane.,
MOURËM.E s. f. (moù ; rè-le). Bot. Nom
vulgaire de la morplle noire. ’, ''"
MOUBET s. m. (m’ou-rè). Bot. Fruit de
1 airelle, en Normandie.
MOUBET (Jean-Joseph), compositeur français,
né à Avignon en 1682, mort à Chàrenton
en 1 1738’. Il- montra, dès sa jeunesse ; vin
penchant prononcé pour la : musique. Quelques
morceaux qu’il composa en 1708 ayant
en un grand succès dans sa ville natale, il s’e
décida, -en-1707, à se rendre à Paris. Ses débuts
y furent-heureux. Favorablement accueilli
par les artistes et les grandes familles,
il s’attira la bienveillance de la’duchesse du
Maine, qui le nomma surintendant de sa musique
et lui fit ouvrir les portes de l’Opérn. Il
y donna plusieurs opéras et ballets, dont la
musique vivéeti légère lui valut le surnom
de-Mà*i«ian die»crûcéi.La vie dé ce compositeur’
n’avait été qu’une sérié déHriômphès
lorsquéla mauvaise fortune vint tout à Coup,
vers sa cinquante-cinquième année, l’accabler.’Destitué
de ses-emplois’de diréctéùr’du
Concert spirituélet de compositeur de la-Çomiîilie-Ilaliënnejilvitfeès
dernières ressources
disparaître à la mortJ du duc du Maine. Tant
de revers accumulés troublèrent {{sc|1k}} raison de
Monret, et : on fut contraint de l’enfermer a
lasile^de Charenton, où il mourut. ’- ' >■ !
Môuret n’a été qu’un gracieux imitateur dé
l.ulli, .bien qu’il ait compté parmi’les’àominités
musicales de soir temps. On’né trouve
d : originalité, éhaz luî^qiïéJdanstcértains aifâ
(ta ’divertissement oui Ont été longtemps’ populaires
et", parmi lesquels on’ci’tè’ceùx de
''Caltin-çahfl'' et ''Dans ma jeunesse.,) u, <>■ :''
Ses principales productions se composent
d<r, : ''Bagonde'' ou la ''Soiréede village'', primitivement
jouée chez.lu duchesse du Maine et
reprise à l’Opéra en 1742 ; les ''Fêtes de. T/ialie''
(1.714) ; ''Ariane'' (17,17) ; ''Pirithnus'' (1723) ; tes
''Amaurs.des dieuxAwïi), ;.^ Tr.ioinplw des sens''
(1732) ; les ''Grâces''(1735)., ,, ., ■, ;..., ., "
On lui.doit, en.outre, des cantates ; des airs
a. boire, des sonates, des.fanfaresret plusieurs
divertissem^ntspour la Comédie-Franr
çaise et la Cqmèdie-Italienn.e.., t. : i.’, ’, ", ;
MOURETIEn s. nu (mou-re-tié)’. Bot’. Nom
vulgaire de l’airslle anguleuse. ’ ''• ■ ■■ ■■'' /"■ ''.*-''
iMOURGON s. m. (mour-gôn)."Mar, xNçm
donné, sur les réotés de la Méditerranée ; ’à
celui qui fait’ le métier dé iloiteéur.’ - '' ■ ■ ’
...il j ''^ ’..t* ? ''.*,
: MOURGUB (Jacques-Augustin)’, .économiste
et philuiithrope français. nêi^Montpellier en
1734, mort à Paris en 1818. Il était directeur
des travaux du pont de Cherbourg lorsqu’il
entra en relation avec Dumouriez, qui, à
Iépoque de la Révolution, le.présenta à
Louis XVI et le fit nommer ministre de l’intérieur
(ia juin 1792). Mourgue.se démit’de
ce poste au bout.de cinq jours et se tînt, à
partir de ce moment, à l’écart, des affaires
publiques. Devenu membre du conseil général
des hospices et un des administrateurs.du
mont-de-piôté, il s’attacha à introduire dans
les administrations dont’il faisait.partie d’utiles
améliorations, s’occupa de bonnes cauvres
et proposa de créer une caisse de pré->
voyance pour recevoir les économies desou ?
vriers et des domestiques. On lui doit un
certain nombre d’écrits, .parmi lesquels nous
citerons :, ''Vues d’un citoyen sur, la composition''
''des'' É-''lats'''' généraux'', (1788) ; ''De.fa. France relativement^ l’Angleterre été là maison’d’Autriche'' (1797) ; ''PUm.d’une^aisséÂe prévoyance’et''
''de secours présentera l’administration’ des hospices'' (Paris, 1809) ; ''Essai, de statistiQuez{&n-''
ris, 1800), etc. ''•■■'', ■, ''{{sc| :., li’I il vj !.}} Li ;-
MÔÙilGUÈS ou’MORGUES (Matthieu {{sc|de)}},
également connu sous lViïônV’aè"’iî« : i»"-d«
Snini-ticnuatn, écrivain- frunçaisynéldanS’ le
Velay einsgg, mort àiParis en 1670 ;’Après
avoir été professeur à Avignon, il quitta l’ordre
des Jésuites, auquel il était ■ affilié, ’, puis
se rendit à Paria, s’y livra avec succès.k l’a
prédication, et devint.successivement prédi- i
cateur de la reine Marguerite de Valois (ldl3), :
de Louis X111, et aumônier de Marie de Mé ?
dicis. La cardinal de Richelieu le chargea
MOUR
ensuite d’écrire divers ouvrages ; -mais lorsque
le puissant.ministre 88 ; brouilla avec, lo
reine mère, Mourgues^reata’fidèle a cette
dernière, qu’il ’suivit à Bruxelles-, ., etineiput,
pour, ce motif g prendra-ip.osséssion.dei’évê-r
ché de Luçon, auquel.ilrvenait’d, ’ôtre.appelé
(1631)t : Richelieu, qui redoutait extrêmement
l’humeur sarcastique de Matthieu déMour,gues,
mit tout, eu.œuvre : pour : qu’on, lejrlui
livrât. Ce*.fut, seulement, après la -.inorttdu
cavdinal qu’iliput revenir à Paris, où iî.terr
mina ses jours ù la maison : des : Incurables.
On lui doit uncertàin nombre.id’écrits ;, remplis,
d’injures, de récriminations ;, d’uni stylis
passionné et brutal. Nous nous ibornéronsciter :
''Avis d’un.théologien, sans pa&sion, itëù, ''
in-BP) ; ;,1a ''Secondé ’Savoiiienné^pi’se.■ôpit''
''comme les ducs de pàvoiti ont’usurjpfi’plûsiekr^''
'''Étatfapparfen’a.nt''l'' aux rqisdi, ’Çfâiiçè(Grh-''
(P ; ir’ïs, ;1665, in-8°)M, . „ •.
MOURGUB». (Michel), érudit., et jésuite
français, né en Auvergne-’vèrsae42, .mort, à
Toulouse : en- 1.7J3 :, Ui s adonna- ''p.'' renseigner
ment, se fitj remarquer par.son érudition et
composa ; entrev autres.odvr’agesi :, ''Nouveaux''
''éléments de.géométrie'', (Toulouse, 1680). ; ''vTraité''
''de la poésie-française'' (Toulouse, — 1685) ;, i/ie''cueil
aapùphthegmes'' ou ''Bons mots anciens, et''
''modernes inis en vers.français-'' (159-4) ''>P, arulr''
''lèle delà morale chrétienne avec-.celte■destanciensjinitosophes'' (noi, in-lï). ; ''Élan théolçgitque du pytluigorisme et des autres, sectetlsa^''
''vantes de, la Grèce'' (1712, 2 yol.in-8o), ouvrage
rempli d’érudition. ’ ■, ,■, :, *, •, •’.. -, jUp
MOU RI s. ni. (moti-ri). Comrn’.u Sorte dé
toile de cotoii des Tiides. -, i ■.■ iM ''">•’->’ :''
, MÔCRIÊR s..m. ’(mp^yrl^.iOlrnith1..U» ?des
noms de lu mésange à "longue q’uèiia. ''■[’, .’«, "’.''
HOUR1BR (Adolphe-Auguste-Corneille),
adininistrateur français, né’à Angoulêtneien
1807. Admis à l’École, normale en 1S27 ;âl«eh
sortit en 1829-conjtne professeur tlephitosoj
phié, enseigna céttelsciencè.àA.ngouiêinBret !
à Besançon, se •fit : recevoir).agrégéien,18*r,
puis entra dans l’administrai)on : en > 1843.
M.’Mourier débuta dans cette : carrière ;’où ;â t
défaut.de brillaoteslqualitéï intelîectuelies,
il fit preûvode beaucoup.de zèléet d’ardeur
au travail, dans les fonctions de ceriseuridans
sa ville natale.- Deux ansi.pius tard ;>enJ1845-,
il devint proviseur dans la même ville, qu’il
?iUitta, en 1847, pour aller, remplir-les mêmes
onctions-à Bordeaux-, Depuis lors, ’Mi’ Adolphe
rMourier aété successivement recteur dé
l’académie de Toulouse (1850), de -l’académie
de Bordeaux ! (1852), de l’académie dé.Rennes
(1854), de l’académie de Bordeaux’pour.rla
seconde fois en 1-861’, et, quelques mois après,
il fut appelé au posté de -vicefrecteur, det-lfa»
cadémie.de -Paris, dont le ministre de.l’inV
struction publique est : recteur de droit/Tout
en remplissant cesi fonctions, M. Mourier.ia
été depuis lors président du. conseil académique,
vice-président du conseil départemental,
membre du’ conseil supérieub de l’enseigner
ment secondaire.spécial, et il a. reçu-le litre
d’inspecteur géuéral honoraire. M. Mourier
est-membre de plusieurs Académies : de province.
Tout son bagage littéraire consiste
dans ses deux thèses de doctorat : ''Quomodo''
''a Spinosis doçtrina.plancet àperle Leibniziûs'',
''dissenserit'', et. ''De la preuvé de- l’existence.de''
''Dieu dans £laton'' (l’854, jnTSP)..., -. ’ ?i ;
MOURIER1 (Louis-A’thanase) ; administrateur
friniçaisj’frèré du précédent ;’né a’Aii-Phiilême
en-1815’.- Admis’cdmmè empl’o’yé’da’ns
administration de l’instruction publique en
183â, il devint secrétaire particulierd’éM. de
Salv’ahdy, qui, ’devenu ministreV-en, fit son
chef de cabinet (1845-1848). Depuis -lors’,
M. Mourieria été’nommé ; chef Klo’bnreau’iau
ministère de l’instruction publique, .secrétaire
du comité des’inspecteurs généraux (1860) ; et
a fait partie, comme secrétaire ; de laicotrir
mission chargée. de la. révision du ''-Codex''
''pharmaceutique'' (1861).- On lui.idoft : : ''Notice''
''sur le doctorat es lettres'', suivie ''àwCaialogite''
''des thèses latines et françaises depuis-îmo''
(1855, .iu-8°) ; ''Notice sur le doctorat es'' sciences,
''etc.'' (1850 ; ih-s<>). ■, -, i...., L''., i'' j„ ''uii''
MOURIEZ (Jéàh-Jpseph) ; aotéùr ■dràm’à’tiqué
français, né à’ Paris’ en 1794, ’mort dans
la même ville en Jâ57.’ll était màrchahd’de
fubâns, lorsque, ayarit’fait faillite vers 1827,
il se tourna vers la-littérature dramatîqûfe-et
composa, en collaboration’pour là’plupart’,
un grahd ; ndmbVë de pièces qui ont été représentées
sur des scènes’de genre et qui "sont
presque ; toutes oubliées.- Eii 1832, il Revint
dii’ectéuV^esFoliès-Dràmatiqués et pbrtà’cë
théâtre ; à-un haut degré’de prospérité’. ’-'i
.. SJOURIMO, ljétre suprême ^cb’éz, cé, rtai.rijes
peupla, ae3^, de rAfrique méridionale.’ Sésjprêtr’és
ont la’p’rétention de deyiner’1, ’âvenir ail
niqyen.dé.dés en corne dlabtilqpe, -, .., ,],
MOURINB s., f. (mou-rl-ne), IchthyoU Éspèce-de
myliobate...- ''*-'' •.’ '''.i.i t.''.n i..-’
— Eocyci- La ''mourine'', rangééautodfois
parmi les raies ; est devenuéaujourd’hui le
typedu genre myliobate, dont les’caractères
sont : la tête.saillante-hors, des nageoires
pectoralqs, qui sontjplus larges transversalement-que
dans les autres raies. ; les mâchoires
garnies de larges dents plâtes, iassemblées
commeles.carreaux d’un pavé et de propor ?
tiôns différentes ; la queue très-grêle ; longue,
terminée^en pointe ; armée d’un fort aiguillon
dentelé enscie des deux côtés, ’ et en, avant
duquel ise : trouve -, une petite dorsale. Le raiir
seau, est.-suivant les, espèfiesii, ayançé : et iparabolique..oufdivisé..ei)j.quatre
lobes cqurtSi
Ses nageoires pectorales ; sei détachant.assez
du ;CÏ>rps et terminées-de-ehaqu^’c3tè-par■ jjn
chez
les
, ,.-, . àucdûp
plufé distincte ’du ’ c, ôr’tiS.Tet''^seut’enid’nè’ !’en
avant paruh’hiuseà’iï allongé "ëiflë’p’lus «bu
Mom
''m9''
igi
Ailleurs, "sà’-'fêtè’a’paru’prés^htéH’îspëct’dé
celle d^’crâiSaud ; d’où lèt’ho !m’aè1crapâu’d’iiè
mérj :’ - in *., : nn’iu {{sc|sj}} u^, -ir.oiq ujrj ; ''< : m''
nier ’ '" ""’lu :’^ u t’ :’)r-’-mi ^ j ''* ’ ''cuv
La mWr’tnè’est d’iïn’ ; br’unj’f6ri’çlé’, sur le dos1,
plus’ clair bit olivâtreJ’surJlesJç6tés, ;’ !’)eIaès-i
«/A, -, »’ âc, *- ’ ''X*.i^-'' MnV :J^Xï, îi, ''~~.J'' -’JuU ;U’m ^, /J.i t ?ï.
ftliiJpllliVfôribuè’.4’ué.’, ,
corps réunis, et très-mince^presqûeH’arrbrfdie,
trèsrmobile g terminée ; ’en" quelque {{sc|(sot}}te
par uniilMrès-.délio etâexible, -à étéjcdmpar
rée àilavqueue. d’uni rat, tandis.qupvision
ajoute- à’ce : caractère- celui : desimajgeoires,
semblables à1 deaailes membrajnauseSj.oniobi-tient : iunei certaine Ressemblancei.aveo jlà
chauve-sburis ; ^eulàiancore/lleS) dénomina-tions v’ulgaires’.dei rati.ou-’çhauve-souriside
mer ! Toutefois ;^ nqmldîaièlefrestoqencora,
après, celui, de ''mourine, '') leipluslfréqu’emraent ;
■USité.- ■’, -.>•’"■ !’ ! ;• l’i i », lilli !».M l^, i’l|, .''l-l.ii :.l»)
i ;"La.queue deice : poisson : ne.pr.ésente, -’avons"
nduBidit, qu’unéfpetite-nageoir’e dorsale. Enf—tre
cette1.nageoire, et ? le i, bout dé laïqueuaxse
tr.otiveiun.-.^rôsi et-tlongipiqua’ot^.oUL plutôtune, sorte : de, dàrd itr«i>: fort, -un : peu • aplati.et
dentelé dps/deux’côt’és caimhe lu’far dçiquel-ques aucieDne3 !armes, ; i !Ce’s dentelures, .dont
laipointe.estitoufnéeivers la, base^du, " dard,
sont-très ; faites, près.déiëette, baseletidimi,nuent
de.’grandeur^ en js’ftppro’quaatidèi Uexr
■trémiïé1.quijtjst ; dirigéejen : arrièré ; leùr.idis.position
i fait, de, icei onrd une : larme ; djaubtnt
•plus idiingereuseijqu’ielle, pénètrefafacîlement
daris.les, chairs, m’ai9, De ; peut>emsoriir qu’en
tirant : ces : pointés i^icontçe-sens’etlenidêchir
rant.lôs bordsjdé.la’.blessiirej’cLoraquèjcette
arme, : dit.’A. «Jruicheno^iestiinuxiduneutrés^
avant.dans la main ;, dans- le -bras/ouj dans
p’ù'r.tî^f ’ '^liia, ôA ’^tiioï^’|^-"Hd*5lî<^^©s-tVl^>lf^.WTMfÊVëir’j&
prodiiiré’d’es "ntla^nmiitions/ fl’éa ’dohvuls’i’dmS
et’ : a^u ;^s ; syiripï(4’iWèï ;àlkr’ma^
"...Les’.an^ieifs^éntrè^aVf’rb’^ÈiieA’Op^Plin’ç, ^^o’nt regarnie l’armede^â^bif’fii’écoinmè
venimeuse, et cette. Yjiihibn^’èst’encor’éasseà
produire Jiirié (i^liéuVempoisonnée, ni’vaïs’
seau propre à’ conduire un" vèniri’ jusqu’au
piquant dentelé, ni cavité susceptib’lè’^de
trausmettre.cei poison ^usqu’àlsibleasurei’Le
dard n’est ihumecté bu imprégné, djaucune
humeur particulière ; il n’agit que mécahiqueaient ;
, et - sa. puissance, sh redpOté’a provient
uniquement de sa : taille, dQ ; sa dureté, de.aes
dentelures etidela iorceiavecjlaquelleij’animal.
s’en sert, pour ? frapper.ï, Seâi vibrations
sonVenieffetviBiirapideàjique l’aiguillon.senibla
en.quelque, sorte lancé.coïunia-Mi : javelot
ou-i décoché, -commei-une flè, cheviot. cette yi^
tease, en’ le faisantjpénetreri plus ; avant.dans
les fôrps, augmente la force jieson action^b
. «C’est avec ce da’rd, ainsi agité, tijoutc-A-,
Guichénotyetavec sa queue déliée et plusieurs
fois contournée, -.que la-raie aigie.atteint, Sair
sit, icramponi1e, retient, et met à-mort : lBS ; aiumUuxiqu-ellé
poursuit j>our eii/fair^ saiproie
ou ceux, qui : passent’auprèsideispii : asile : lor$que,
ih.4<i'>ii couverte-de, vase ; elle se.tient eu
embuscade..au ’fond^ des eaux : salées^ : rCJest
encorerâvecice piquant^^rès-ilur^et ; dentelé,
qu’elle se défend a.vec-le plus grand avantage
contre, les at’taquesjauxquelleslelle, est expor
sèe, ; et.voilà’.pourquoi ;, lorsque Jes.’pêcheurs
ont prisi-une raie5aigle, ; ils siempresseiit do
séparer.de sa queuel aiguillon qui’la-.i’endiai ;
dangereuse : ; -, mais, si :’sa queue ipféâente iuu
aiguillon i si’redouté, ’on n’eni voit, -aucun ’sur
so’niCOrpsi’»' ! • ’, ’j. i »*f, {{sc|m/, ! «idV}}.ur.yib^
i/Ili<es.tià remarquer quoi le dard de la nwu,rtViej-seL
détachai et tombe, après un, certain
temps ; ordinairementfau-.b»uti ; d’.un-, ansrd’ar
près.quelques, auteurs ; maisj avàntisajjhute,
un ’nouveau dard, ; souvent-.d8ux, .<comme.ar
cent à, se former préside la baseide-l’ancien ; t
; il arriveImèinerparfoisiquei l’unèdeices : daçds :
devient, Aussi long que celui, .qu’il doit, rem.placer ;
et alors-on : voit-la queuonarmée^de
deux-forts aiguillons dentelés. Ce : poisson, ’a i
donné Ueu ; i : cheis les’ anciens, ,à-des contes
merveilleux, mais, où, — malheureusement, : il :
n’y a pas nnmot.de vrai, u j/.., ;, i ;-y, >, ,
ji.a, mown’ne, ’ assez : rare dons îles, mers du
Nord ; est-beaucoup plus, répandue dans celles ’
des pays chauds : ou tempérés, -notamment
dans la Méditerranée. Ou la prend toute l’année
sur la-côte de Wice ; ioupéoho des individus
dont le poids vario.de i>F, o, kilogrûm’T
mes. La ;)Chair.’de. ce., poisson, iir, olja>, ohea.’ lej
jeunes, individus, dure) : che3j le ?.vieuxji’est
joyjpurs.rdp médiocre oualaé-et fort : peuestimée ;
on remarque qu elle devient phç-Sp’hftT
trouve qu’elquéfoîs^sur^ilVofps’a’écipUîST
soh^, &r5ànisuè''WaTihei’app, êlVA^^
j.■ !’. !>■ i ;., j- iuT.’i■ :•».1 <rh’t> j ;/h {{sc|ul}} riuq
r ;MOURlR-yr.n„ oa-intr, (tnounrir s-îdullaft
flçttf^oBirr, tiréjde^çr’V.mourir ; verbe : qui
se raita.ohe à !(t grandft-r, a<y ne, isanscrite ; ma’t%broyer ;.èc»aser, ’tuer, vmpi)rirj, li(ququeIform6des vérbasou d.es.noms^dans^to.utes le^iantgiUss
jle laïamllle, :-, sanscrit.''mûra, ’yiâvimûr''
; fl»io, -m«urtrè, ''maraka'', meijBtrieKi <Je ''mavayi'',
tuer, ; ''zetid’marekhiar.ï’ ''meurtrferf.de ''rnerec%''
imere)i6 ;-4, uar, jrorineiaugmentéé4e^ar»j., mour
riri ;-persan’B(ù’Aiii<uict)ii(jftHfdan, ’ tuflr, .rwrs
''dan{'' mourir : ;, {JssétçjiHûrfi-, tiïmurtre ; ''imàragg-'',
meurtrier, ''marun, tnalun'', tueci, ett.maurio ;
meurtre, ''rnarpfifhoir.'' nieurti-ier, de.mor^î^
tuer, n !a)’J’A, ’iiiôrt ;"Ttyir)rique ''trit’*i>, ''meurtre,
''mwrddtb’r^- ''meurtrie ?, »»n> ; iWtul, auSri)’îlenîîïii-natif juiSWipEieajn t»i6/(E’ ; ''.nimfrif iitiewtta'',
''mnltrer, muntrer'', meurtrier, .''muntrA ; jtûet ?'',
arlivoncain ''meroel'' et ''marô’ ; ''gothique, ''tna^^r'' ?
meurtre, ''maurthjands'', meurtrier : anglo-saxon
''mûrdhôrtei^nrffrdhVa'') a-HciénaffllélnTOQKbrf
''Mnirdr&-igMhiqù&rhanrt’hjâH !, ''1'' tUtjf'', déii&l
minatif ; lithuanien wam’vSïm&s^inéurtri^ ftfiiî-EViti, !
i*u ?i ?atem’r.’«, K(uwîJ’</ !i Aoaienu''émo''
''mrutviti'', tuer, dénominatif de nîr.tMr-.UjimortÇ
''mourez ; Qui*je''l'' tnéuréfïfiië" iloùs-mburions'' ;
''Que je mourusse’i^ù’èttbui’iiidùr-ussïini ; Mourant ; Morf !''i''Jft&r’lép’Cii$5iit''l''"à'', ê viV’rè^ perdre
la vi’è’c :’-Mouni(t ''de maladie.'' {{sc|Mourir}} ''subitement. MovRiR : deivieiltes$e :>{VéiiX ; 12Cuj{pr : eHdre''
''à bien.more, qpprena^auparqvjfut à''T''j)ien^it''
{{sc|rir.}}^(OonJ’ucius.) ''Celui qu’aiment les dieux''
{{sc|meurt}} ''jeun e.'' ^M é n an çl r, e. j ''L^yer^est j : q>nj>'' j #
''unéplqnïégui peut ''{{sc|mourir}} ''etl deux’sortes :''
''(FëTi’.yWh’y a pour l’homme que trois èvéneMe, itswiàiti%>st)ùflrir’-et~’ !iVvm&. ’[ïJn ^Bnfy<'')
''Cultive, arrosVlà'' l''jei(f !e''y''pUiritè'' âWtiVqû’elle''
{{sc|meure ;’}}''■Ses fruits feront un jour tes délices.''
(J-.yJ ; I {{sc|Rquès ;)}} tiesî ''pSétesioiit^desiiidéeâ, merveilleuses-deMa mort elasuàntfxr smts.’rs’èli''
''apercevoir■, ^comme^deativouveau- ; nês^'' (Ohart
teaub.) ''Pourquoi MoijRm1’JeL(e, /$ ; ais ;Pouf''
''çupi'' !iUTVre ?.ye^iji’^jiora. ;"(Çhateaub,)] {{sc|Mourir}}
''■est : yH, mot, ’-yqotie]çui''v''n’eàt vjiai^guejda/uiif''
''sens populaire ; pour {ÇitEhUQspphezirfeiijtfig''
{{sc|m^urx}}, ''tçftfresty.jnfftprfcfè''(j-itjrjjjj’.^.jfjp''MLcê''
L’an^eiiBO'', J''i'''à.plupa.rt''''lt'''' des^(ihmès''y4w^u«ji^y
f
''proprement dite.'' (Flourens.) ''Quand rfipmijiq''
''a passé savieà voir'' {{sc|mourir}}, ''il sevoit''{{sc|mourir}}
''lui-mé^ ?[(^&.yji^cr’àimmqi^Jb’nuirt que''
''je ne^ïà âè’sxré ; jévoudh’àiïïïëbRÎiïjpur’c’îîfiP'''
An !’peulïrà’d’un «oïl iffe voir ''mourir ce'' qu’on altfîjî
V’Miia’.'ti ma.l’jiiii’a ijiy, i, ii’ '. ; i-i.Ji.{{sc|.ijoa}}
I^es^nvjeujt mowwyW, nitusnon jajnpis l’efivie^jq^
1"’""J " ''" "" ""^.wèjjgyjyoir.l^^niep Rpmajiiij^çpn, vdimi^r squpjr, ,.
^oi, aeal^.tij.êlrj ça^f^at)mat(rIr|, d«.pbti)l£l’^|IS[n
—ii !.., "îii ;’jî. '''■’ ?, ’•»• ''-.Vu ;.’..- ", -’i :^TMW ;ç, »
Puisqu’on plaide, et qu’on meuf/jjetiqu^opidfïWJit
JIJ faut /las médecins, iljfaut ejea ayoftatf. t, ,, .„„
Jli’j.|’l, ''"l s"■■" ;’ ;■•. <’.{"î, ’-'<j■•■ :• >'■ ''L*.lî9K’r*IîiA S)b
—ûi’r, i-"PlnWt}W>utfe>r, <iueit !Mwir, i, i ; !■ upub
C’est la devise des hommes...’U.’-iï
^■5 {{sc|ji, j-"t j k}} -n.i.-.T’-r M PlONT^ma.-QuellequB4»oitila-.»iftrn
qui, noms Aieda vie, {{sc|, -jom}}
Qui menrf dans sa, vertu tncurj. sans lgnominiel t j ;
if/.’l-ÎO’,1 ''■■-h'' ’.'JV-4iJ’i, «- !’ 7U ÛBÏSSlT., ’b
Je ''meurs'', et, sur là tombe,6é !lontemont j’afrivojna
, j.- j jNul ne iviendra.verser, des pleur». -, -.« nU’
.’11. : à ■ i-lm -’-l^ :, .’■•• K ■■’ : SlBBEaT.-. j2
Heureux’quiipeùt ; iau lehi duivallon’solitaire ;’ DUS
Naître, vivre étmourtr dans lëtchûmp’p»tèmell...
: i, -.j" /J V. Huoo.
Pre¥ds tonHol ; 6 mon Âme ; et dépouille tés chaînes
D^po’ser.ie ftirdeau^deft’niiaères hu’niàinçs ; r "MVSnt
(. -.ii :, Lil -lEBiïoe.donc.iamourïrf ^i ; ; j.> h -.> lu,
''', <.. u-.iai’. ''V, :. :^u(*1io(j. :, t ;Jo- !ui#V*»tnîB«
, ? i -m 5’Achçmifte.ry grg,1a, mo^J/iSii bj (j ''depja'' 1iiêratio/is.qui/-,
condu)sie ; nt(.ft, la ''va/yet, -., jùftâiçn''
''4e., nù)t M%y&T..insensiblement.tous les jiujri.''
XRén.) ''^.co^s, iaHVRTi, p^U''léJ''péu''1''gt.pçr, ^q}^lies.'', (''Bi^iï.) $<iuvt ; nargues, q ^{issé^^nie, q''
MpuRiR„(Rigault.) ''l*es ambres), les fl(urs, rheqlft''
''retrouvent.périoàiquemfijt le-ur.èçlaf, leu.r, pQ£rfym, içurjçunesse ï l.’fwmm^qul^ ''{{sc|mburTi}} ''un ifiey''
''chaque année.'' (A. Karrj/.j^, ’./, ’ j’^. : t-ii’i<u-jj
.., — Vivre misérablement : ''La, médeçinfi^pus''
''fait MOURIR plus longtemps.'' {Plùtarque.j^fy
—.- ;—’ Par exagér. Souffrir beaucoupj,6tre, yi-
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/694 | en effet quelque chose d’étrange qui se préparait. « Une intelligence
supérieure, dit admirablement l’auteur des ''Mémoires'', n’enfante point
le mal sans douleur, parce que ce n’est pas son fait naturel. » Le surlendemain, le 20 mars au matin, sortant du jardin des Tuileries par la
porte qui donne sur la rue de Rivoli, M. de Chateaubriand entend un
homme et une femme qui criaient : Voici la nouvelle officielle du jugement de la commission spéciale siégeant à Vincennes, qui condamne
à la peine de mort le nommé Louis-Antoine-Henri de Bourbon, duc
d’Enghien. «Ce cri, ajoute-t-il, tomba sur moi comme la foudre ; il changea ma vie. »
Ici l’auteur des ''Mémoires'' s’arrête, et, par une de ces surprises qu’il
aime et qu’il nous fait aimer, il franchit trente-quatre ans entre deux
chapitres. De 1804 il nous transporte tout à coup en i838, et nous conduit dans un palais désert, à travers des bois jaunis par l’automne :
nous sommes à Chantilly, où l’illustre vieillard promène ses rêveries.
« Surpris par la pluie, dit-il, je me suis réfugié sous un hêtre : ses dernières feuilles tombaient comme mes années ; sa cime se dépouillait
comme ma tête. Il était marqué au tronc d’un cercle rouge, pour être
abattu comme moi. Rentré à mon auberge avec une moisson de plantes
d’automne, dans des dispositions peu propres à la joie, je vous raconterai la mort de M. le duc d’Enghien, à la vue des ruines de Chantilly... » C’est là en effet qu’il a écrit le chapitre où il fait comparaître
à la barre de l’histoire tous les acteurs de ce drame ténébreux, à commencer par le ''nommé'' Napoléon Bonaparte, accusé d’avoir traîtreusement occis le ''nommé'' d’Enghien. Parmi les morts injustes qui ont souillé
toutes les causes et tous les partis depuis soixante ans, il n’en est guère
qui présente un caractère plus odieux que la mort du duc d’Enghien.
Plusieurs ouvrages écrits dans ces derniers temps, quelques-uns dans
l’intention d’atténuer l’horreur de cette tragique histoire et contenant
des pièces que M. de Chateaubriand ne connaissait pas, n’ont pas peu
contribué à confirmer en nous l’impression produite par la lecture des
''Mémoires''.
Supprimons, en effet, ce respect des noms qui n’a plus de valeur
aujourd’hui ; laissons de côté cette idée qu’il s’agit du descendant d’une
race qui fut autrefois chère à la France ; ne voyons dans le dernier des
Condé qu’un jeune homme obscur. Voici donc un jeune homme distingué par toutes les qualités de l’esprit et du cœur, bon, spirituel,
beau, brave, généreux, chéri de tous ceux qui rapprochent : il vit paisiblement hors de France, au milieu des plaisirs de la chasse et des
enivremens de l’amour, car il est marié secrètement à une femme qu’il
aime avec passion. Tout à coup, pendant la nuit, une troupe armée
investit sa maison. Au moment de tenter, pour le faire échapper, un
effort suprême qui eût probablement réussi, un de ses officiers lui dit :
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/313 | de son amie. ''Fensterln'', ce verbe bizarrement greffé sur un diminutif<ref> Le français naïf de nos pères l’eût peut-être traduit par ''Fenestreller''. </ref> joue un grand rôle dans les récits d’amour de ces montagnes. Pierre en faisait-il quelquefois usage pour son compte, et faut-il chercher en son œuvre les traces de quelques idylles personnelles ; arrêtons-nous un instant à cette question délicate. Notre auteur, qui porte en ces sujets intimes la réserve instinctive de sa race, est demeuré fort avare de confidences sentimentales sur la période de sa vie où l’homme en lui remplaça l’enfant. Il a seulement indiqué par quelques mots discrets que l’éveil de son cœur fut tardif, mais qu’il l’entendit parler ensuite aussi impérieusement que tout autre. Les figures féminines esquissées dans ses souvenirs forestiers se rapportent au temps de l’innocence, à peine effleurée par le premier souffle de la passion lointaine encore. Voici l’une des plus gracieuses.
Pierre se vit envoyer certain jour par son père vers un marchand de bois du voisinage qui tardait à régler ses dettes vis-à-vis du paysan déjà appauvri : « Je ne puis plus, faisait dire Lorenz Rosegger à son mauvais payeur, nourrir ma nombreuse famille si tu ne me rends pas mon dû. Tu garderas donc mon fils chez toi jusqu’à ce que tu puisses lui remettre la somme que j’attends. » Et, telle est la naïve bonhomie de ce peuple patriarcal, que l’enfant, devenu inconsciemment garnisaire, fut accueilli et traité comme ceux de la famille chez le débiteur de son père, jusqu’au jour où quelque rentrée d’argent permit de le renvoyer au logis avec la somme réclamée. A côté du ''Vergelt’s Gott'' chrétien, n’est-ce pas là encore une aimable manière d’acquitter les intérêts d : un emprunt ? Chez le vieux Thomas se déroula cependant une fraîche idylle entre l’enfant du créancier et la fillette de la maison, une petite bergère un peu plus âgée que lui, Kaethele. « Je sortais toujours avec Kaethele, et elle me conduisait çà et là par la forêt. Nous visitions de compagnie les ravines, les blocs de rocher, et son babil ne tarissait pas. Une fois même, elle me dit en confidence que, quand tout faisait silence dans le bois, quand les bourdons seuls murmuraient, et qu’un souffle d’air bruissait légèrement, Dieu passait alors au milieu de la forêt. Il était plus grand que les arbres les plus hauts, mais prenait souci des plus petits faons du chevreuil ; quand il voyait se traîner une fourmi blessée par le pied d’un marcheur, il l’aidait
<references/> |
Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/304 | et historique ; quoiqu’il eût un haut rang, et quelque réputation
personnelle, il avait toute l’ambition d’un parvenu. Il avait
la plus haute estime pour les fonctions administratives. Ce
n’était pas parce qu’il éprouvait une sublime affection pour
cette chose sublime, l’autorité qu’elles donnent sur les destinées
d’une nation ; mais c’était surtout parce que ces fonctions
ajoutaient un peu à cette chose vulgaire, son importance personnelle
dans sa coterie. Il regardait son uniforme de ministre
du même œil qu’un bedeau regarde ses galons dorés. Il aimait
aussi à protéger, à assurer de bonnes places à des parents
éloignés, et il poussait à la fortune tous les membres de sa
famille jusqu’au dernier degré de parenté ; en somme il était
fort attaché aux choses terrestres. Il ne comprenait pas Maltravers ;
et Maltravers, qui devenait tous les jours de plus en
plus fier, le méprisait. Pourtant lord Saxingham entendait dire
que c’était un homme d’avenir, et il jugeait à propos de faire
bon accueil aux hommes d’avenir, à quelque parti qu’ils appartinssent.
D’ailleurs il était flatteur pour son amour-propre.
de s’entourer de gens qui faisaient parler d’eux. Il était trop
affairé et trop grand personnage pour douter de la bonne foi
de Maltravers, lorsque celui-ci lui déclarait dans ses lettres
qu’il était désolé, ou qu’il regrettait beaucoup d’être privé de
dîner chez lord Saxingham le, etc., etc. Par conséquent il continua
ses invitations, jusqu’au jour où Maltravers, par l’effet de
cette fatalité qui, sans aucun doute, nous régit et nous domine,
accepta enfin la politesse qui lui était faite.
Il arriva tard : presque tous les invités étaient assemblés.
Après avoir échangé quelques paroles avec le maître de la
maison, Ernest se retira et se confondit avec la compagnie ; il
se trouva tout près de lady Florence Lascelles. Cette dernière
n’avait jamais beaucoup plu à Maltravers, car il n’aimait pas
les femmes masculines, ni les héroïnes coquettes, et lady Florence
lui paraissait cumuler ces deux titres ; aussi, quoiqu’il
l’eût souvent rencontrée dans le monde, depuis le jour où il
lui avait été présenté, il s’était toujours contenté de lui faire
de loin un salut, ou de l’aborder avec quelque phrase convenue
en passant. Mais cette fois, au moment où en se tournant
il l’aperçut, par le plus grand des hasards elle était assise toute
seule, et ses traits si nobles et si admirables portaient des traces
de souffrance tellement visibles, qu’il en fut frappé et touché.
En effet, toute belle qu’elle était de taille et de visage, il
y avait quelque chose dans les yeux et dans la fraîcheur de
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/559 | description de ce petit château royal pour un autre ouvrage plus
complet qui traitera de l’histoire des ménageries depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, nous nous bornerons à décrire ici la ménagerie proprement dite.
La première cour, à droite en entrant, renferma des cigognes avec des moutons. Mais bientôt on détruisit les bergeries
du fond pour transformer l’enclos en une cour gazonnée avec
allées rayonnant autour d’un bassin central ; ce fut pendant longtemps le ''quartier des cigognes''.
La seconde cour s’appela d’abord le ''quartier des demoiselles'',
du nom des belles grues de Numidie qu’on y plaça. On y
construisit ensuite un élégant petit bâtiment pour les oiseaux
des îles, et dès lors on l’appela la ''cour de la volière'' ou les
''voliers''. Cette volière, qui occupait tout le fond de la cour, se
composait d’un pavillon central et de deux galeries latérales
terminées elles-mêmes par un autre pavillon ; le tout était percé
de grandes baies grillagées avec du fil de laiton doré. A l’intérieur, un canal d’eau vive traversait la volière dans toute sa
longueur, et du bassin central de ce canal s’élevait, à quatre
ou cinq pieds de haut, trois bouillonnemens d’eau d’un pouce
et demi de diamètre chacun. Les combles avaient été sculptés
par Jouvenet, le sol recouvert de sable fin et les parois garnies
de grandes cages munies de rideaux de « bazin. » Dès 1665,
on pouvait voir dans cette volière plus de quarante espèces
d’oiseaux exotiques parmi lesquels des oiseaux-mouches, des
colibris, des paradisiers, des manucodes, des tangaras et nombre
de perroquets, d’aras et de perruches. On y trouvait également
des passereaux de France, mais ceux-ci se trouvaient plutôt disséminés dans d’autres volières également munies de bassins
qu’on trouvait en différens points de la ménagerie.
La troisième cour resta d’abord inhabitée ; mais, comme elle
était très vaste, on y plaça bientôt les grands oiseaux d’Asie et
d’Afrique, puis des espèces aquatiques telles que pélicans, flamans, outardes et canards étrangers. Cette cour, qui fut appelée d’abord ''quartier des oiseaux d’Afrique'', prit bientôt et garda le nom de cour des pélicans.
Le quatrième enclos tirait son nom, ''Rond d’eau'', d’un grand
bassin circulaire qui se trouvait au centre et dans lequel on
nourrissait des poissons. Cette cour servit aussi pendant longtemps de passage au public ; elle était traversée dans toute sa
<references/> |
Vaillant-Couturier - Députés contre parlement.djvu/28 | {{nr||— 18 —}}— dont l’usage, dont la croyance, ont ensuite consacré et éternisé l’usurpation. Le privilège est sorti de lui-même, s’est sanctifié parce que c’était le privilège. Il a imposé la superstition, puis le culte et la pratique de la tradition. Il s’est fabriqué l’immortalité. Il y a là un non-sens, une sorte d’escamotage, de piège, qui expliquent l’immense contradiction où se débattent, depuis, les destinées de l’humanité.
Le même illogisme, consolidé par les mêmes aberrations, se lit dans les conditions pratiques de la vie sociale. L’argent, la monnaie, était à l’origine un signe adéquat de quelque chose de positif : un travail, un effort réel. Il permettait au travail de chacun de se combiner avec le travail des autres : c’était un instrument d’intérêt public. À mesure que le perfectionnement de la vie collective entraînait la division du travail et la multiplication de l’échange, l’argent a perdu ses attaches avec l’effort créateur. Il est devenu une sorte de talisman, une force autonome qui {{tiret|s’aug|mente}}
<references/> |
Delambre - Histoire de l'astronomie moderne, tome 1, 1821.djvu/191 | COPERNIC. io5
36o°
g^r=6’ 17" 24"’ 9". 11 trouve le mouvement annuel de précession
5o" 12"’ 5 IT , ce qui est assez exact. C’est à fort peu près ce que nous trou-
vons par la comparaison des observations modernes à celles de diffé-
rentes époques; il est donc évident que la précession est sensiblement
uniforme, et que le peu d’accord des anciennes observations tient au
vice des observations mêmes. Copernic prend pour données certaines les
calculs ou inexacts ou infidèles de Plolémée; il veut tout représenter,
sans faire la part des erreurs; il établit son système sur ces fondemens
précaires; il juge que l’obliquité ne peut plus diminuer; mais son obli-
quité était trop faible pour le tems, puisqu’il trouve, à quelques secondes
près, ce que Mayer, Bradley et Lacaille trouvèrent 200 ans après lui. Ainsi
toute cette combinaison d’épicycles portés sur d’autres épicycles tombe
d’elle-même, et l’on est fâché de la trouver dans un ouvrage où l’ordre
véritable du monde est exposé si clairement et appuyé d’aussi bonnes
raisons. Il a osé renverser leur système général, et il montre un respect
aveugle pour leurs moindres observations.
Copernic donne ensuite des tables pour faciliter le calcul de ses hy-
pothèses; elles sont pour les années égyptiennes et pour les soixantaines
d’années et de jours. >
Il cherche quelle est la plus grande différence entre la précession
moyenne et apparente. Soit ABC (fîg. 7) l’écliptique, B l’équinoxe moyen ,
EF le colure des équinoxes, BI = BK=5o’, IR = Bl -f- BK. = i°4o’,
IG = HK deux positions de l’équateur apparent, toujours perpendicu*-
laire au colure; l’angle B=go° — obliq. moyenne =90°— 25°4o / =G6°20 / ,
on aura BG==2o’4", Copernic dit 20’. Des arcs aussi petits peuvent être
traités comme des lignes droites.
Soit AC (fig. 8) un arc de l’écliptique, B l’équinoxe moyen, DB un arc
du colure. Sur le cercle ADC, prenez un arc de ^5° 17’ = DE, FB en
sera le sinus, EF le cosinus. Soit BF = 5o’, on demande le rayon BA,
BA ~ s i 13 J°o 17 ’ — l ° l o’ 21"; ce sera la plus grande différence entre l’équi-
noxe vrai et l’équinoxe apparent; c’est ce que trouve Copernic, sans
nous dire pourquoi cet arc de 45° 17’; mais soit E le pôle de l’écliptique
(fig. 9), GD le rayon du cercle décrit autour du pôle D; EG un arc de
grand cercle tangent au petit cercle -. — ^ = — — serait la plus grande
différence; supposez GD = 28’, et vous aurez l’angle E=i° 10’ comme
le veut Copernic; Tangle D sera 88° 56’, dont la moitié 44° a8 ’ 5 complé-
Hist. de l’Astr. mod. Tom. I. ï4
<references/> |
Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/99 |
— Le site de votre église est bien choisi, dit
Félix. Les endroits où l’on croit et où l’on
pense bien sont ceux, où l’on voit beau.
— Le religion, forme la plus haute de l’idéal
humain, doit être forte en beauté. Si elle n’est
pas intégralement esthétique, elle s’étiole et
meurt, car elle ne répond plus à l’impérieux
besoin du cœur. Qu’est-ce que le culte divin ?
C’est le plus ardent, le plus sublime appel de
l’humanité à la jouissance. Tous, nous sommes
plus ou moins assoiffés d’harmonie, de
couleurs, de lumière, de pureté de lignes, de
contours sans heurts et de profils de médailles.
La joie de vivre intensément par la chair et
l’esprit, est-ce que la religion offre autre chose
à espérer ? La vision de Dieu, de la Vierge
et des splendeurs célestes, le ravissement des
âmes dans le sein de la Beauté Infinie, la résurrection
des corps spiritualisés, c’est cela, rien
que cela qui tient la foi. Le culte, comme la
littérature et la sculpture, a un style.
« Nous avons tenu compte de ce facteur
puissant, la beauté, pour bonifier nos hommes :
nous avons embelli non seulement leur église,
mais aussi leur foyer. Tu viens de voir le
Valmont commercial : allons voir le Valmont-jardin. »
Ils obliquèrent à l’ouest, en contournant l’é-
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/836 | de M. de Lamennais est caché dans le disciple de saint Thomas.
La doctrine de saint Thomas est celle-ci : — Les vérités divines, ou, si l’on veut, théologiques, sont de deux sortes, les unes accessibles à la raison, les autres non. Celles-ci comme celles-là peuvent être et sont révélées ; mais celles-ci ne sont que révélées. Les premières seules sont l’objet d’une science selon la raison. Les premières et les secondes, mais surtout les secondes, sont l’objet d’une science selon la révélation ; puisque la révélation complète la vérité, la science selon la révélation achève la science selon la raison, qu’elle surpasse, mais qu’elle ne détruit pas.
Et voilà, pour emprunter le langage de M. Ventura, la véritable distinction entre la raison catholique et la raison philosophique. L’une peut, si l’on veut, dépasser, perfectionner, éclairer l’autre, mais elle ne l’anéantit point. On aura beau faire, il sera toujours certain que Dieu, ses attributs généraux, sa bonté, sa puissance, sa providence, que l’âme, son unité, ses facultés, son immortalité, que les principes fondamentaux de la morale peuvent être connus de la raison, non pas parfaitement connus, — rien n’est connu parfaitement d’un être imparfait, — mais suffisamment pour le plein repos de l’esprit et pour la conduite de la vie. Il sera toujours certain qu’à côté de ces idées philosophiques et religieuses il y en a d’autres, telles que la Trinité, l’incarnation, la rédemption, qui surpassent la raison, en ce sens que la raison à elle seule n’y parviendrait jamais, — et celles-là, il était nécessaire qu’elles fussent révélées, et comme telles elles se font croire d’autorité, mais elles sont connues par la foi. Si l’on veut qu’elles soient mieux connues encore, elles doivent être exposées, expliquées, ordonnées avec méthode, et elles deviennent alors l’objet d’une science, de la théologie sacrée, qui est aux vérités de la révélation ce que la philosophie est aux vérités de la raison. Si ces vérités ne sont pas contraires les unes aux autres, et la vérité ne peut jamais être divisée contre elle-même, pourquoi la philosophie et la théologie seraient-elles opposées entre elles ? Celle-ci suppose les mêmes vérités que celle-là, et non-seulement elle les suppose, mais encore elle les confirme en y ajoutant des lumières nouvelles. L’une n’est donc pas nécessairement opposée à l’autre, quoiqu’elle en soit distincte, et de ce que l’une soutient qu’elle est supérieure à l’autre, pourquoi conclure que celle-ci soit nulle ? car c’est de nullité qu’il s’agit. Ou les mots ne signifient rien et tout est déclamation, ou l’école dont je parle tient la philosophie pour néant ; ce qui est dire en d’autres termes qu’aucune vérité touchant les choses divines ne peut être connue par la raison. Nous verrons plus tard si cela est vrai, et s’il serait utile que cela fût vrai. Dans tous les cas, c’est ce que saint Thomas n’a pas dit.
<references/> |
Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/104 | }}irrités par sa laideur qui l’isolait. Olivier n’en savait rien. Devant lui, Emmanuel avait honte. Il subissait la contagion de cette paix et de cette pureté. L’exemple d’une telle vie était un dompteur pour lui. L’enfant ressentait pour Olivier un amour violent. Et ses passions comprimées se ruaient en rêves tumultueux : bonheur humain, fraternité sociale, miracles de la science, aviation fantastique, poésie sauvage et barbare, — tout un monde héroïque, érotique, enfantin, splendide et vulgaire, où son intelligence et sa volonté cahotaient, dans la flânerie et dans la fièvre.
Il n’avait pas beaucoup de temps pour s’y abandonner, surtout dans l’échoppe du grand-père, qui ne restait pas un instant silencieux, sifflant, tapant, et parlant, du matin au soir. Mais il y a toujours place pour le rêve. Que de journées de songe l’on peut faire, debout, les yeux ouverts, en une seconde de vie ! — Le travail de l’ouvrier s’accommode assez bien d’une pensée intermittente. Son esprit aurait peine à suivre, sans un effort de volonté, une chaîne un peu longue de raisonnements serrés ; s’il parvient à le faire, il y manque toujours, çà et là, quelques mailles ; mais dans les intervalles des mouvements rythmés, les idées {{tiret|s’inter|calent}}
<references/> |
NRF 1909 11.djvu/60 |
semblaient positivement habiter en esprit une autre
planète. Mais comme une accalmie se produisait, ils ne
laissèrent point toutefois de s'en rendre compte, et nous
nous défilâmes, en hâte.
Après le déjeuner, maman déclara :
— Avec un temps pareil, nous n'aurons personne au-
jourd'hui.
Et ce serait tant mieux. Sa maison nettoyée à fond,
rangée, empaquetée, elle ne tenait pas à ce que l'on vînt,
la veille du départ, friper les housses et salir les parquets.
Cependant on fit, à tout hasard, une flambée dans le
grand salon.
La précaution ne fut pas inutile, car maman se trom-
pait dans ses prévisions. M. Servonnet ouvrit le défilé.
Toujours net comme un sou neuf, il trouvait le moyen
de n'avoir pas une tache de boue.
Il apportait un potin tout chaud. Bien qu'il ne fût pas
allé ce matin à Saint-Clair à cause du mauvais temps, il
savait, et de source certaine, que M. de Champdieu....
Mon père, distrait peut-être, lui coupa la parole :
— Oui, vous devez souffrir encore plus que nous de
l'éloignement de la paroisse. L'été, avec la chaleur, cette
montée est éreintante ; pour peu qu'il pleuve, le chemin
devient détestable. Nous ne manquons pas ici d'inconvé-
nients ; celui-là n'est pas le moindre.
— Je n'y contredis point, fit M. Servonnet. Mais que
voulez-vous ? Comme le disait avec raison mon excellent
ami Aubineau, on irait loin avant de trouver une propriété
qui vaille Longval.
— Mon mari ne connaît pas son bonheur, dit maman,
touchée au bon endroit.
��
�
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Alexandre - Donatello, Laurens.djvu/135 |
{{T2|{{-|5}}|TABLE DES GRAVURES}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G1|L’Annonciation (Église de Santa Croce, Florence)]]|page={{pli|9|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G2|Tête du Christ (Église Saint-Antoine de Padoue, Padoue)]]|page={{pli|13|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G3|La tribune des Orgues (Musée de Santa Maria del Fiore, Florence)]]|page={{pli|17|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G4|Buste de Niccolo da Uzzano (Musée national, Florence)]]|page={{pli|21|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G5|Saint Marc (Or San Michele, Florence)]]|page={{pli|25|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G6|David (Musée national, Florence)]]|page={{pli|29|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=David (Musée national, Florence)|page={{pli|29|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G8|Saint Georges (Musée national, Florence)]]|page={{pli|33|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G9|Statue du roi David (Il Zuccone) (Campanile de Florence]]|page={{pli|41|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=Prophète (Poggio) (Cathédrale de Florence)|page={{pli|41|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G11|Bas-relief d’enfants de la tribune des Orgues (Musée de Santa Maria del Fiore, Florence)]]|page={{pli|45|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G12|Saint Jean-Baptiste (Palais Martelli, Florence)]]|page={{pli|49|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=Saint Jean-Baptiste (Musée national, Florence)|page={{pli|49|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G14|Sainte Cécile (Collection de lord Elcho)]]|page={{pli|53|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G15|Saint Jean-Baptiste enfant (Musée national, Florence)]]|page={{pli|57|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G16|Buste d’enfant (Collection Miller, à Vienne)]]|page={{pli|65|10}}}}
{{Table|largeurp=50|indentation=-1|titre=[[Donatello/G17|Saint Jean-Baptiste (Église des Frari, à Venise)]]|page={{pli|73|10}}}}
<references/> |
Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/116 | 102 SULLY PRUDHOMME
blante illustre le poème de tous les amants. Sully
Prudhomme l'interroge et tire d'elle des réponses
qui vont éclairer son destin. Il regarde la Grande-
Ourse, et, à travers cette figure obsédante, il voit
se dresser la figure de la science implacable, et
la foi du poète s'évanouit devant les aveux des
savants :
Tu n'as pas l'air chrétien : le croyant s'en étonne,
ligure fatale, exacte et monotone,
Pareille à sept clous d'or plantés dans un drap noir.
Ta précise lenteur et ta froide lumière
Déconcertent la foi : c'est toi qui la première
M'as fait examiner ma prière du soir.
(Les Épreuves.)
Ailleurs, il contemple les étoiles et il tombe à
genoux devant ces regards, où semble vibrer
l'infini :
Étoiles, vos regards l'ont plier les genoux :
L'appel de l'Infini sous vos longs cils palpite.
Dans la « Voie lactée » le poète semble écouter
la plainte qui traverse les espaces muets de la
nuit :
Aux étoiles j'ai dit un soir :
Vous ne me semblez pas heureuses;
Vos lueurs, dans l'infini noir,
Ont des tendresses douloureuses.
Vous, les étoiles, les aïeules
Des créatures et des Dieux,
Vous avez des pleurs dans les yeux!
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/773 | à la fortune sont saisis tout à coup d’un vertige de vanité qui tarit en eux les bons penchans qu’ils avaient reçus de la nature. L’histoire des virtuoses est remplie d’exemples d’ingratitude, et tel fils de chaudronnier qui gagne cent mille francs à estropier des chefs-d’œuvre dont il ne comprend pas l’esprit ne se souvient plus du pauvre maître qui lui a appris à balbutier la langue divine de l’art.
Né au commencement du XVIIIe siècle, alors que la musique dramatique était aussi presque dans l’enfance, Farinelli fut un phénomène de l’art de charmer les hommes par les prodiges de la voix. Porpora développa l’organe merveilleux qu’il n’avait pas reçu, hélas ! de la bonne et simple nature, et il lui communiqua son goût exagéré pour un genre d’ornemens alors très à la mode, ''appoggiatures, trilles'', en style d’école, et dont les cantates de Porpora sont aussi chargées que les sonates de Corelli, de Durante ou de Domenico Scarlatti. Le temps, l’expérience, l’exemple de Bernachi et les bons avis de l’empereur Charles VI donnèrent au goût de Farinelli une direction plus sévère : l’artiste simplifia son style, et devint en peu d’années le plus admirable chanteur qu’on eût jamais entendu. Il étonna l’Europe, il gouverna un royaume par les accens pathétiques d’une voix incomparable, et a laissé dans l’histoire un nom qui représente l’âge héroïque de la mélodie et de l’art de chanter.
J’ai eu le bonheur de rencontrer à Munich, en 1826, le vieux ténor Ronconi, le père de l’artiste distingué que nous avons applaudi pendant si longtemps à Paris. Ronconi, qui avait parcouru une carrière brillante comme chanteur dramatique, était alors professeur de chant des princesses de Leuchtenberg, les filles du prince Eugène Beauharnais. Il me donna quelques conseils, et je me plaisais à interroger ses souvenirs sur les grands chanteurs qu’il avait pu entendre. Ronconi m’entretenait souvent de Farinelli, qu’il n’avait jamais vu, mais dont un vieux sopraniste qu’il avait connu dans sa jeunesse lui avait parlé avec enthousiasme, en lui expliquant la méthode qui dirigeait le talent exquis de l’élève de Porpora. Par les écrits de Mancini, qui, dans son livre d’''Il canto figurato'', expose longuement la manière de chanter de Farinelli, par les nombreux détails qu’ont recueillis les voyageurs et les biographes contemporains, par la tradition du vieux sopraniste qu’avait connu Ronconi, et que celui-ci me révélait de sa vieille voix de ténor, j’ai pu me faire une idée du style admirable de Farinelli, chantant au roi d’Espagne Philippe V les deux fameux airs de Hasse, ''Pallido è il sole'' et ''Per questo dolce amplesso''.
{{c| ESSAIS ET NOTICES|fs=160%|lh=2}}
{{—|lh=2}}
{{c| LE COMMERCE ETRANGER EN CHINE.|fs=130%|lh=2}}
{{—|lh=2}}
Shang-haï, 1er apoût 1861.
Les affaires de Chine vont mal. On n’a pas à signaler de grands désastres, et pourtant mieux vaudraient peut-être de sérieuses difficultés avec l’espoir
<references/> |
Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/428 | jouaient ; ils jouaient aux arts, aux vertus, aux vices, à l’héroïsme, aux croyances, aux voluptés ; ils avaient des illusions qui les divertissaient. Ils faisaient du bruit ; ils s’amusaient. Mais maintenant...
Il s’interrompit et regarda de nouveau à sa montre.
L’enfant qui courait buta du pied contre le seau de la fillette et tomba de son long sur le gravier. Il demeura un moment étendu immobile, puis se souleva sur ses paumes ; son front se gonfla, sa bouche s’élargit, et soudain il éclata en sanglots. Sa mère accourut, mais Caroline l’avait soulevé de terre, et elle lui essuyait les yeux et la bouche avec son mouchoir. L’enfant sanglotait encore ; Clair le prit dans ses bras :
— Allons ! ne pleure pas, mon petit ! Je vais te conter une histoire.
» Un pêcheur, ayant jeté ses filets dans la mer, en tira un petit pot de cuivre fermé ; il l’ouvrit avec son couteau. Il en sortit une fumée qui s’éleva jusqu’aux nues et cette fumée, en s’épaississant, forma un géant qui éternua si fort, si fort que le monde entier fut réduit en poussière... »
Clair s’arrêta, poussa un rire sec et brusquement remit l’enfant à sa mère. Puis il tira de nouveau sa montre et, agenouillé sur le banc, les coudes au dossier, regarda la ville.
À perte de vue, la multitude des maisons se dressaient dans leur énormité minuscule.
<references/> |
Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/160 | les surveillais. Ce matin, je les ai tous arrachés
avec soin, j’ai remis du sable à la place, et j’espère
qu’ils ne repousseront pas cette fois.
Marguerite regarda le sable, et il lui sembla voir
encore l’empreinte que les grandes pattes de la
grenouille y avaient laissée en exécutant sa danse
échevelée ; mais elle reconnut que ces traces étaient
celles des paons qui venaient gratter la terre fraîchement
remuée.
En ce moment, un bruit de pas de chevaux résonna
au-dessus de sa tête. Elle leva les yeux et vit
passer sur le pont-levis son cousin Puypercé qui
s’en allait escorté de ses valets. Elle l’avait complétement
oublié et ne se sentit pas dans une disposition
d’esprit à s’affliger de son départ. Elle n’eût
eu qu’un mot à dire pour le rappeler ; elle hésita un
instant, haussa les épaules et le regarda s’éloigner.
Comme elle remontait au château, elle vit les domestiques
rassemblés sur le perron et se partageant
le pourboire que le colonel de dragons leur avait
jeté en partant. Elle entendit leurs murmures, il
n’y avait pas plus d’un sou pour chacun. — Après
tout, se dit-elle, il compte peut-être revenir, ou bien
il est très-pauvre et ce n’est pas sa faute.
— Eh bien ! lui dit madame Yolande quand elle
entra chez elle pour lui servir son chocolat, as-tu vu
toi cousin ? reste-t-il avec nous ?
— Je l’ai vu partir, grand’mère, et je ne lui ai
rien dît.
— Pourquoi ?
— Je ne sais. J’étais toute troublée par un rêve
<references/> |
Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/48 | {{tiret2|l’ou|vrage}}, qui n’offre rien d’exemplaire que ces qualités. Le ravissant volet de la Visitation, qui forme la partie gauche du triptyque, est encore plus concluant : l’imagination la mieux prédisposée aurait peine à reconnaître la Vierge visitant sa cousine Élisabeth dans cette belle Flamande abritée sous un vaste chapeau de feutre.
Non, certes, Rubens ne peut être pris pour le type du peintre chrétien, et en y regardant avec soin, on ne tarderait pas à s’apercevoir que son esthétique est sinon hérésiarque, du moins schismatique à plus d’un chef. On conviendra d’ailleurs que le culte ascétique, qui met au premier rang des vertus la mortification de la chair, s’accordait difficilement avec le génie particulier du maître. Si jamais la chair a été glorifiée, au contraire, célébrée sans relâche et publiquement adorée, c’est par Rubens. Son puissant matérialisme n’est douteux pour personne, et nul homme peut-être n’a chanté au corps humain un hymne plus enthousiaste. En cela, il est bien sincèrement Flamand. Dans leurs mouvements emportés, dans leurs envolées triomphantes et dans leurs héroïques mêlées de géants en belle humeur, les personnages de Rubens sentent encore la kermesse. Son Olympe et son Paradis ne nous paraissent pas bien élevés au-dessus de terre, et l’ambroisie que l’on y mange, le nectar que l’on y boit pourraient bien provenir du bon port d’Anvers. Nous soupçonnons violemment sa Vénus, sa Minerve, sa Junon et ses autres déesses de prendre du haut du ciel un assez vif intérêt au débarquement du hareng salé, à la pêche des anguilles dans l’Escaut et à d’autres distractions tout à fait terrestres et {{tiret|braban|çonnes.}}
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/755 | par les armes. Le général Prim fut extrêmement irrité, et sur la proposition que lui fit l’amiral Jurien de La Gravière de marcher aussitôt contre Zaragoza, il répondit avec vivacité : « Si telle est votre résolution, je vous promets qu’avant deux jours le général Zaragoza n’aura plus d’armée. — C’est bien en effet ma résolution, reprit l’amiral ; je me mettrai en marche au moment précis que vous m’indiquerez. » Survint une parole froide de sir Charles Wike, faisant observer que ce mouvement était impossible, et le feu du général Prim diminua sensiblement. Il écrivit d’abord une réponse très vive à Zaragoza, puis il l’atténua sous l’influence du plénipotentiaire anglais. D’ailleurs l’entreprise n’était pas sans difficulté. Il fallait aller de la Tejeria à la Soledad, où se trouvait l’armée mexicaine, faire sept lieues dans un désert sans eau, puis se battre. On retombait toujours sur cette inexorable réalité.
Au fond, à travers ces incidens, on pouvait suivre un double fait : d’abord un système de négociations pacifiques, de transaction, tendait manifestement à se substituer au système d’action qui avait été dans les prévisions de l’alliance du 31 octobre, et de plus il était visible que le général Prim se rapprochait de plus en plus de sir Charles Wike. Ce n’est pas qu’il n’eût toujours avec l’amiral français les relations cordiales et confiantes qui s’étaient formées dès le commencement de l’expédition ; mais dans toutes les résolutions il y avait une évidente intelligence entre le plénipotentiaire espagnol et le plénipotentiaire anglais. Peut-être le bruit de l’arrivée prochaine du général de Lorencez et de nouvelles forces françaises qui, en élevant l’importance de notre contingent, pouvaient diminuer la prépondérance de l’armée espagnole, n’avait-il pas peu contribué à ce rapprochement. Quoi qu’il en soit, l’identité de politique devenait complète ; elle résistait même à des incidens pénibles pour l’amour-propre du plénipotentiaire espagnol. Le général Prim, comme sir Charles Wike, inclinait de plus en plus à la paix. L’un et l’autre, écartant et combattant toute combinaison, à leurs yeux chimérique, croyaient pouvoir s’entendre avec l’homme que le ministre d’Angleterre signalait précisément à lord John Russell, et dans lequel ils voyaient le représentant d’un libéralisme modéré, le ministre des affaires étrangères de M. Juarez. Ce fut l’origine d’une entrevue du général Prim et du général Manuel Doblado, entrevue d’où sortait la convention préliminaire de la Soledad, qui imprimait un caractère tout nouveau à l’expédition, ou qui peut-être ne faisait que révéler le caractère qu’elle prenait par degrés, depuis le jour du débarquement, sous la pression de circonstances assurément très compliquées.
Cette convention, signée dans un petit village du Mexique, œuvre propre du général Prim, momentanément chargé de représenter
<references/> |
Grande Encyclopédie I.djvu/38 | {{nr|{{t|ABACUS|80}}|{{t|{{sc|— 12 —}}|80}}|{{t||80}}}}
<section begin="ABACUS"/>écrit, s’agissait-il de lui ajouter un autre nombre, 53, 729,
on commençait par abaisser 9 boules de la partie supérieure
de la première ligne à la partie intérieure ;
comme, dans le cas présent, il n’en restait que 6, après
avoir abaissé ces 6 boules, on relevait les 10 à la
partie supérieure, en abaissant une boule pour cette
dizaine à la seconde colonne, et on achevait l’opération
{{c|Fig. 1. Fig. 2.}}
sur la première en abaissant 3 boules pour compléter les
9 qu’il s’agissait d’abaisser. Passant à la seconde colonne
on abaissait 2 boules pour le chiffre 2 des dizaines du
nombre 53, 729. Arrivé à la troisième colonne, on abaissait
d’abord les 5 boules restantes, ensuite on remontait
le tout en abaissant pour la dizaine une boule dans la
quatrième colonne et on redescendait 2 boules à la troisième
colonne pour compléter le chiffre 7. Passant à la
quatrième colonne, on abaissait 3 boules pour le chiffre
3 des mille, et enfin on abaissait 5 boules à la cinquième
colonne pour le chiffre 5 des dizaines de mille. L’apparence
finale de l’abacus était, après cette opération, celle
de la figure 2, et le nombre 57, 293, qui s’y trouve écrit
à la partie inférieure, est la somme des deux nombres
3, 564 et 53, 729. Pourajouter un nouveau nombre à57, 293
on agirait de la même manière et ainsi de suite. On voit
donc qu’à l’aide de cet instrument, les additions des
nombres peuvent s’effectuer avec la plus grande facilité ;
il en est de même des soustractions qu’on peut exécuter
par une marche inverse de celle que nous venons de
décrire. — L’abacus, abandonné par toutes les nations de
l’Europe à l’exception de la Russie, est encore extrêmement
répandu en Chine, où on le trouve dans toutes les
maisons de commerce ; il est également en usage dans
certaines parties de l’Inde et dans nos écoles primaires
sous le nom de boulier compteur.
L’usage de l’abacus suppose, comme on vient de le voir,
parfaitement établi le système de numération décimale.
A qui sommes —nous redevables de cette invention si
féconde, ou du moins de son introduction en Europe ?
Chasles l’attribue à Boëce (V. ce mot) ; cette opinion a
été hautement combattue par Libri. — D’après Chasles,
Boëce se servait, sous le nom d’apices, de caractères
nommés igin, andrets, ormis, arbas, quimas, calcis,
zénis, témenias et celentis, correspondant à nos chiffres
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 ; quant à l’abacus, ce serait
un tableau divisé par des lignes horizontales et verticales,
formant des cases dans lesquelles devaient être inscrits
ces caractères, de façon que les unités de même ordre des
différents nombres sur lesquels devait porter l’opération
se trouvassent dans une même colonne verticale ; la case
correspondante à un certain ordre d’unités devait être
passée lorsque le nombre manquait dans cet ordre d’unités.
Les opérations d’ailleurs se seraient faites sur ce tableau,
comme nous les faisons aujourd’hui. Ce serait, comme on
voit, un immense progrès sur l’opération purement mécanique
que nous avons décrite précédemment. — D’après le
même géomètre, le zéro n’aurait pas tardé à apparaître sous
le nom de sipos, de sorte que les occidentaux auraient eu,
longtemps avant leurs relations avec les Arabes, un système
de numération écrite entièrement identique à celui dont
nous nous servons aujourd’hui. — D’après Libri, tout
cela ne serait que chimères et visions. Notre système de
numération, d’origine hindoue, nous serait venu des Arabes
au xn" siècle ; tous les écrivains de cette époque le
disent ; tous les traités d’arithmétique le proclament ;
la question ne saurait donc être douteuse.
Cependant les preuves alléguées par Chasles sont
tirées d’anciennes copies manuscrites de l’Arithmétique de
Boëce, qu’il parait avoir étudiées avec soin ; et il serait
dillicile d’admettre que ce qu’il dit y avoir vu ne s’y
trouvât pas. Tout au plus pourrait-on prétendre que les
manuscrits en question contiendraient des interpolations
faites depuis Boèce. Mais cette hypothèse présente encore
des difficultés parce que Boèce, d’après Chasles, attribuerait
la connaissance de ce système aux Grecs (à quelques
Grecs bien peu nombreux sans doute, car aucun ouvrage grec
antérieur à Boëce, écrit à Athènes, à Alexandrie ou a Constantinople,
n’en fait mention, et Eutocius même n’y fait pas
allusion). — Que conclure ? Nous croyons avec Libri
que notre système de numération nous vient des Hindous
et nous pensons que Chasles se trompe en lui donnant
une origine grecque ou latine. Mais on ne voit pas pourquoi
Boëce, qui avait voyagé en Orient, n’aurait pas pu être
initié à l’arithmétique des Hindous par un marchand grec de
Constantinople, que ses voyages auraient conduit dans
l’Inde. On objecte, il est vrai, que Boëce est antérieur à Aryabhata,
l’auteur du plus ancien traité d’arithmétique indien
connu ; mais il n’est guère probable qu’Aryabhata ait
découvert seul tout ce qui se trouve dans son ouvrage
ou, sans doute, figurent bien des choses connues avant
l’auteur en Hindoustan. — Cependant, pourquoi la tradition
ne ferait-elle remonter qu’au xn e siècle l’introduction
du système décimal de numération parmi les nations occidentales ?
Pourquoi surtout cette introduction aurait-elle
été regardée alors comme un événement tout nouveau,
pourquoi aurait-elle fait époque ? Cela s’expliquerait peut-être
parce que, à partir de Boëce, les ténèbres n’avaient
fait que s’épaissir sur toute l’Europe, jusqu’à l’invasion de
l’Espagne par les Arabes, et que les connaissances qu’il
avait pu acquérir en Grèce, n’ayant pas eu le temps
de se répandre, avaient fini par ne plus Lisser de
traces.
Chasles, à l’appui de cette opinion, cite un Traité de
l’Abacus, de Raoul, évéque de Laon, où il serait dit
que ce système de numération était tombé dans l’oubli
chez les nations occidentales et que Gerbert et Hermann
l’avaient remis en pratique. — Nous ne voyons d’invraisemblable
dans tout cela que l’idée de Chasles d’attribuer
une origine grecque ou latine à notre système de
numération et de pousser l’exagération de son système
jusqu’à se demander sérieusement, à propos de l’''Arénaire'',
si Archimède ne connaissait pas le système de l’abacus. —
Si Chasles avait seulement voulu dire qu’Archimède connaissait
l’A6a$, comptoir, damier, buffet, qui est dénommé
dans le premier vers du Jardin des racines grecques,
sorte de machine à calculer que nous avons décrite au
commencement de cet article et telle qu’elle existe aujourd’hui
en Chine, son hypothèse serait plus que probable.
Mais nous ne pensons pas que ce soit ce qu’a voulu dire
Chasles ; car alors il ne s’agirait plus d’un fait scientifique
comparable à l’invention de la méthode qui permit
d’écrire tous les nombres avec neuf caractères seulement
et un zéro. — Il ne s’agit pas en effet de la numération
parlée des Grecs, qui fut toujours décimale, il s’agit de
leur numération écrite. Or, que les abax, dans les colonnes
ou les rainures desquels on faisait mouvoir des cailloux ou
de petites boules, rappelassent la numération parlée décimale,
cela n’aurait même pas lieu d’étonner, mais ne prouverait
rien pour la numération écrite. — Au reste, on voit
quelquefois les nations perfectionner leurs méthodes,
jamais on ne les voit en cuanger totalement les bases.
Nous sommes assurément bien éloignés de vouloir faire
aux Grecs, même à Pappus et à Eutocius, l’injure de
croire qu’ils n’eussent pas été mille fois capables d’{{tiret|in|venter}}<section end="ABACUS"/>
<references/> |
Aimard - Balle france, 1867.djvu/141 |
Le chef se pencha vers lui.
« Le Loup-Rouge ! s’écria-t-il ; je m’en doutais. »
Soudain un bruit presque imperceptible dans
l’herbe lui rappela la situation critique où il se trouvait ;
il fit un bond prodigieux en arrière, entra dans
le fort et en ferma vivement la porte derrière lui.
À peine avait-il disparu qu’une vingtaine d’individus,
lancés à sa poursuite, vinrent donner du
front contre la porte en étouffant des cris de rage
et de déception.
Mais l’alarme était donnée ; le combat général
allait évidemment commencer.
Natah-Otann à peine entré dans le fort, reconnut
avec un frémissement de douleur que cette victoire,
qu’il avait si chèrement achetée, était sur le point
de lui échapper.
Les Kenhàs avaient fait de leur propre mouvement
dans le fort ce que les autres Pieds-Noirs,
poussés par le Loup-Rouge, avaient accompli dans
la prairie.
Après la prise de la forteresse, ils s’étaient répandus
de tous les côtés, les liqueurs fortes ne leur
avaient pas longtemps échappé, ils avaient roulé
les barils dans la cour et les avaient défoncés, profitant,
pour se livrer à cet acte d’indiscipline inqualifiable,
du sommeil du Bison-Blanc qui, rendu de
fatigues, s’était assoupi pendant quelques instants,
et de l’absence de Natah-Otann, les deux seuls
hommes dont l’influence aurait été assez grande
pour les maintenir dans le devoir.
Alors une orgie effroyable avait commencé, orgie
indienne, avec ses atroces péripéties de meurtre
et de massacre. Nous l’avons dit, l’ivresse, pour les
Peaux-Rouges, c’est la folie, la folie poussée au
dernier paroxysme de la fureur et de la rage ; il y
avait eu une épouvantable scène de carnage, à la
suite de laquelle les Indiens étaient tombés les uns
sur les autres et s’étaient endormis pêle-mêle au
milieu de la cohue.
« Oh ! murmura le chef avec désespoir, que faire
avec de pareils hommes ! »
Natah-Otann se précipita dans la chambre où il
avait laissé le Bison-Blanc.
Le vieux chef dormait paisiblement à demi renversé
« Malheur ! malheur ! s’écria le jeune homme en
s’élançant vers lui et le secouant vigoureusement
pour l’éveiller.
— Qu’y a-t-il ? s’écria le vieillard en ouvrant les
yeux et en se redressant, qu’avez-vous ?
— J’ai que nous sommes perdus ! répliqua le chef.
— Perdus ! répondit le Bison-Blanc, que se passe-t-il
donc ?
— Il se passe que les six cents hommes que nous
avons ici sont ivres, que le reste de nos confédérés
se tourne contre nous et que nous n’avons plus
qu’à mourir.
— Mourons alors, mais mourons en braves, » fit
le vieillard en se levant.
Il demanda à Natah-Otann, qui se hâta de les
lui donner, des détails circonstanciés sur ce qui se
passait.
« La situation est grave, mais tout n’est pas
perdu, je l’espère, dit-il ; réunissons les quelques
hommes en état de combattre que nous pourrons
trouver, et faisons tête à l’orage. »
En ce moment une effroyable fusillade se fit entendre
mêlée à des cris de guerre et à des hourras
de défi.
« La lutte suprême est engagée ! s’écria Natah-Otann.
— En avant ! » répondit le vieux chef.
Ils s’élancèrent au dehors.
La situation était des plus critiques.
Le major Melvil, profitant de l’ivresse de ses gardiens,
avait brisé les portes de sa prison, et à la
tête d’une vingtaine d’Américains, il avait résolument
chargé les Peaux-Rouges, pendant que les
chasseurs, au dehors, tentaient l’escalade des barricades.
Les Indiens de la prairie, de leur côté, ignorant
la mort du Loup-Rouge et croyant suivre son impulsion,
s’avançaient en masse compacte contre le
fort dans le but de l’enlever.
Natah-Otann avait à lutter à la fois contre les ennemis
du dehors et contre ceux du dedans, mais
il ne se désespéra pas ; il se multipliait, il était
partout à la fois, encourageant les uns, gourmandant
les autres, faisant passer dans le cœur de tous
l’ardeur qui l’animait.
À sa voix nombre de ses guerriers se relevèrent
et vinrent se joindre à lui ; alors la lutte s’organisa
et la bataille devint régulière.
Cependant les chasseurs, excités par le comte et
par Balle-Franche, redoublaient d’efforts ; se cramponnant
aux aspérités du mur, montant les uns sur
les autres avec une frénésie extrême, ils se hissaient
jusqu’au sommet des palissades, qu’ils voulaient
escalader ; les Américains, bien que surpris
eux-mêmes lorsqu’ils comptaient surprendre leurs
ennemis, se battaient avec un acharnement indicible,
retournant sans cesse à l’assaut, malgré la
mitraille qui les décimait, et semblaient résolus à se
faire tous massacrer plutôt que de reculer d’un pas.
Pendant deux heures environ que la nuit dura,
la lutte se soutint sans avantage décidé d’un côté
ni de l’autre ; mais lorsque le soleil parut à l’horizon,
les choses changèrent tout à coup de face.
Dans les ténèbres, il était impossible aux Indiens
de reconnaître les ennemis contre lesquels ils se
battaient ; mais dès que le jour commença à poindre,
que l’obscurité se dissipa, ils aperçurent,
combattant au premier rang de leurs ennemis et
massacrant sans pitié les Peaux-Rouges, l’homme
sur lequel ils comptaient le plus, que leurs chefs
et leurs sorciers leur avaient annoncé devoir les
conduire à la victoire et les rendre invincibles.
Alors ils hésitèrent, le désordre se mit parmi
eux, et, malgré les efforts tentés par leurs chefs,
ils reculèrent.
Le comte, ayant à ses côtés Balle-Franche, Ivon,
le squatter et son fils, faisait des Indiens une boucherie
affreuse, il se vengeait de la trahison dont
ils l’avaient rendu victime, et à chaque coup les
abattait comme des épis mûrs.
<references/> |
Tolstoï - Religion et morale.djvu/28 | {{tiret2|phi|losophie}} chrétienne de l’église, au moyen âge, issue de cette même conception païenne de la vie, recherchait les moyens de salut de l’individu, c’est-à-dire l’acquisition du maximum de bien pour l’individu dans une vie future, et elle n’a touché à l’organisation du bien social que dans ses essais de théocratie. La philosophie moderne, celle de Hegel comme celle de Comte, a à sa base une conception de la vie à la fois religieuse, sociale et civile. La philosophie pessimiste de Schopenhauer et de Hartmann a voulu s’affranchir de la conception religieuse de l’univers qui nous vient des juifs ; malgré elle, elle s’est pliée aux principes religieux du bouddhisme.
La philosophie a toujours été seulement, ce qu’elle sera toujours, la recherche de ce qui résulte du rapport de l’homme et de l’univers, tel que ce rapport a été fixé par la religion. En sorte que, tant que ce rapport n’a pas été fixé par elle, la recherche philosophique manque d’objet.
Le même raisonnement s’applique à la science positive, au sens strict du mot. Ainsi entendue, la science a toujours été et restera toujours seulement la recherche et l’étude de tous les objets et de tous les phénomènes qui, en vertu d’une certaine conception arrêtée par la religion du rapport existant entre l’homme et l’univers, paraissent être susceptibles d’examen.
<references/> |
Sand - Theatre de Nohant.djvu/309 | {{personnageD|SŒUR SYLVIE|c|jouant l’Isabelle.}}
« Je reçois comme je le dois, seigneur Scaramouche, les
intentions que vous avez de me faire des compliments ; en
proférant seulement trois paroles, vous m’avez fait douter de ma mauvaise fortune, et vous l’avez tellement changée, que je me crois assurée de la surmonter. Je souhaiterais qu’il y eût des paroles aussi bonnes que vous pour vous rendre grâces, mais il n’y a point de paroles pour cela, et le dernier effort de ma pensée serait de concevoir quelque chose digne de vous être dit. » Eh bien, répliquez-moi donc, monsieur Marielle, car je m’en vais me perdre dans mes compliments.
Mon Dieu ! j’écoute et je regarde. Cette voix pure, ces yeux graves et doux... As-tu pris garde, ma sœur, comme elle s’est transformée tout d’abord ? Tu disais bien, c’est une actrice accomplie ! Voyons donc une scène avec Cinthio.
{{personnage|SŒUR SYLVIE. |c}}
Est-elle dans le canevas ?
Certainement oui ! À nous deux, mademoiselle ! {{didascalie|(Faisant le
Cinthio.)}} « Ô perfidie ! Est-ce ainsi que vous trahissez vos serments ? Ah ! que vous endurez avec une belle patience les
lanterneries de ce vieil homme ! Il me semblait que mon malheur était en un point qu’il ne pouvait plus croître ; mais
ceci est pour m’accabler et pour consommer les restes de ma
constance. »
{{personnageD|SŒUR SYLVIE|c|jouant.}}
« Seigneur Cinthio, ma mémoire ne me rend point de compte de ces serments échangés avec les vôtres. Si vous croyez qu’un bel habit et un beau visage sont faits pour m’éblouir, vous ne connaissez point l’humeur d’Isabelle. Elle est telle, qu’à ses yeux l’honnête simplicité du vieux Scaramouche l’emporte sur votre braverie, autant que la beauté de l’âme l’emporte sur celle de la personne. »
<references/> |
Bournon - Anna Rose-Tree.djvu/97 | Pension : de ma vie je ne m’étois senti si
triste, c’étoit sans doute un pressentiment.
Suivant ma coutume, je demande Mistress
''Hemlock'' ; elle vient. — Seule ? lui dis-je,
en ne voyant pas Émilie. — Hélas ! Elle
n’est plus ici. — Juste ciel ! m’écriai-je, que
m’apprenez-vous ? — Ce qui m’afflige au
delà de l’expression. Mylady ''Ridge'' est venue,
ce matin avant sept heures ; je suis
descendue avec sa Fille. — Je viens, lui
a-t-elle dit, vous chercher, allez faire vos
adieux à vos Compagnes & revenez avant
un quart-d’heure ; & s’adressant à moi, vous
ferez porter chez moi, Mistress, les vêtemens
d’Émilie, je vous remercie des soins
que vous avez pris d’elle, je la mettrai à
portée de vous en marquer sa reconnoissance.
Je suis sortie avec ma jeune Élève. — Permettez,
m’a-t-elle dit, que j’écrive un mot
à ''Anna'' (c’est une de ses Amies qui demeure
à soixante ''milles'' d’ici) ; je la conduisis
dans mon appartement. Les dépêches furent
bientôt faites ; elle me chargea de faire partir
sa Lettre, & puis m’embrassant avec tendresse,
elle me fit ses adieux. Nous pleurâmes
toutes deux ; elle courut ensuite à toutes
les Pensionnaires, leur dit adieu, & fut {{tiret|re|trouver}}
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/873 | bien pu prendre la première idée de son épopée, dans le drame de leur compatriote, il faudrait pour plus de justice, remonter à quelque vingt ans de là, chercher le premier germe de cette idée dans le poème de Grotius qui a pour titre ''Adam exilé'', et plus loin encore probablement dans mainte œuvre ignorée. Toutes ces questions d’origine qui intéressent l’esprit méticuleux des bibliographes n’altèrent en rien la gloire des grands poètes. Qu’importe que Shakespeare ait pris le sujet du ''Roi Lear'' dans une ballade anglaise, le sujet de ''Roméo et Juliette'' dans un conte italien, le sujet de ''Hamlet'' dans une page de Saxo le grammairien ? qu’importe que Molière se souvienne de Plaute ou de Térence, que Schiller construise tout un drame sur une chronique romanesque, et que Goethe conçoive la mort de Werther en lisant le récit d’un suicide ? La vraie gloire du poète ne consiste pas tant à inventer lui-même l’embryon de son œuvre qu’à lui donner la vie, l’essor, l’espace, comme le sculpteur qui d’un bloc de marbre brut fait une Galathée.
Revenons à ''Lucifer''. Cette pièce ne peut certes être comparée au ''Paradis perdu'', ni pour la hardiesse de l’invention, ni pour la hauteur des pensées, ni pour la pompe du récit et la fraîcheur des descriptions ; mais, en le plaçant au-dessous de l’épopée anglaise, le drame de Vondel n’en est pas moins une grande et belle œuvre qui suffirait à elle seule pour sauver la littérature hollandaise de l’injurieux oubli auquel nous l’avons si long-temps condamnée.
Le premier acte commence par une exposition imposante. Lucifer a envoyé un de ses anges vers la terre récemment créée pour examiner la nouvelle race à laquelle Dieu vient de donner le jour. Le messager tarde à revenir, les esprits célestes s’impatientent, et Belzébuth se plaint, quand tout à coup Bélial s’écrie « Voici venir Apollion, votre envoyé ; de sphère en sphère, il s’élève à nos yeux, son vol est plus prompt que le vent, ses ailes effleurent ou écartent les nuages, et laissent partout un sillon de lumière. Il sent déjà l’air plus pur que nous respirons, il voit ce jour plus beau, ce soleil radieux dont les rayons se jouent dans un azur limpide. Les globes célestes le regardent étonnés de son essor gracieux, de son aspect divin. Ce n’et pas un ange qu’ils croient voir, mais un feu rapide. Nulle étoile ne file aussi vite. Le voilà qui s’approche un rameau d’or à la main ; il a heureusement terminé son voyage. »
Belzébuth accourt au-devant du messager aérien, l’interroge, et Apollion lui décrit avec enthousiasme les richesses de la terre, la saveur de ses fruits, l’éclat de ses pierres précieuses ; puis, quand il
<references/> |
Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/159 | {{tiret2|Lon|dres}}, ce qui convient au bon gouvernement d’une
autre contrée ? On se propose de ''pourvoir à la sécurité des autres états ? '' Messieurs, n’est-ce pas ''cette sécurité des autres états'' qu’on invoquait à Troppau,
à Leibach, à Vérone ? N’est-ce pas au nom de cette
sécurité des autres états que des années d’exécution ont été lancées tour-à-tour sur le Piémont,
sur Naples et sur l’Espagne ? Notre gouvernement
a proclamé le principe de non intervention. Quel
est donc l’objet des délibérations dont on parle ?
N’est-ce pas déjà un oubli, une violation du principe consacré qu’un concert à établir sur les bases
posées par le gouvernement anglais ? » À ces mots,
un mouvement se fait dans l’assemblée. L’orateur
poursuit d’une voix de plus en plus émue. Il compare
le droit qu’on voudrait s’arroger d’imposer à
la Belgique affranchie le joug d’une volonté étrangère,
au droit exécrable qui, en divers pays, a couvert
l’Europe de proscrits et dressé des échafauds à
Turin, à Madrid et à Naples. Il combat en passant les
prétentions de la Belgique sur le duché du Luxembourg,
mais il demande que, dans les limites de la
justice, la souveraineté du peuple belge soit inviolablement
respectée. Et puis, l’Europe doit compter
sur la modération de la France. « Supposez, en effet,
Messieurs, ajoute l’orateur, qu’à la place du roi
sage qui nous gouverne, la révolution du 30 juillet
eût enfanté une république, ou porté au pouvoir
un prince, un soldat heureux, plus jaloux de grandeur pour lui-même que de bonheur pour la
France, qui eût empêché un chef téméraire de
république ou de monarchie, le jour où le toscin
<references/> |
Dickens - Olivier Twist.djvu/169 | tenue scandalisait la compagnie, notre surveillant lui fit donner une livre de pommes de terre et une demi-pinte de gruau. « Mon Dieu ! dit ce monstre d’ingratitude, qu’est-ce que vous voulez que je fasse de ça ? autant me donner des besicles. – C’est bon, dit notre surveillant en lui reprenant les provisions, vous n’aurez rien du tout. – Il me faudra donc mourir sur le pavé ? dit le vagabond. – Oh ! que non, vous n’en mourrez pas, » dit le surveillant.
— Ah ! ah ! c’est excellent, interrompit la matrone. C’était, pour sûr, M. Grannet. Et après ?
— Après, madame, reprit le bedeau, il est parti et il est mort dans la rue. En voilà un entêté !
— Cela passe toute croyance, observa la matrone avec dignité ; mais ne vous semble-t-il pas, monsieur Bumble, que les secours donnés hors du dépôt de mendicité n’ont aucun bon résultat ? Vous êtes homme d’expérience et vous pouvez en juger.
— Madame Corney, dit le bedeau en souriant comme un homme qui a conscience de sa supériorité, les secours distribués hors du dépôt, s’ils sont donnés avec discernement, vous entendez, madame, avec discernement, sont la sauvegarde des paroisses. Le principe fondamental de l’assistance en dehors du dépôt, c’est de fournir aux pauvres justement ce dont ils n’ont que faire, et alors, de guerre lasse, ils cessent leurs importunités.
— Certes, s’écria Mme Corney, voilà une idée lumineuse !
— Oui. Entre nous soit dit, c’est là le grand principe de la chose, reprit M. Bumble ; c’est en vertu de ce principe qu’on vient en aide à des familles malades, en leur faisant une distribution de fromage, comme le disent les impudents journalistes qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas. Ce principe, madame Corney, est maintenant en vigueur dans le royaume. Cependant, ajouta-t-il en ouvrant le paquet qu’il tenait à la main, ce sont des secrets administratifs, et sur lesquels on doit avoir bouche close, sauf entre fonctionnaires paroissiaux, comme nous, par exemple. Voici le porto que l’administration destine à l’infirmerie ; il est d’une qualité excellente, naturel, pur de tout mélange, en bouteille d’aujourd’hui, clair comme de l’eau de roche, et sans aucun dépôt. »
Après avoir approché une des deux bouteilles de la lumière, et l’avoir agitée pour montrer la bonne qualité du vin, M. Bumble les porta toutes les deux sur la commode, plia le mouchoir
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Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/195 | dom Pamphile, à qui il serra la main en le félicitant sur un événement qui, sans faire aucun tort à dona Olimpia, assurait à la maison Pamphile des biens dont on aurait pu disposer en faveur de Maldachini, et qui dégageait enfin Camille de la tyrannie capricieuse d’une femme sur laquelle il était impossible de compter.
De tous les membres du sacré collège. Sforza était celui qui supportait le moins patiemment la faveur inouïe dont Olimpia jouissait auprès du pape. Lui seul osait, même chez cette femme redoutable, lui dire des duretés qui auraient attiré des vengeances terribles sur tout autre que lui, tant la probité, quand elle est soutenue par le courage, peut donner de puissance. Aussi se promenait-il triomphant, après avoir raconté la mésaventure de cette femme, s’étonnant qu’une pudeur de famille, fort mal employée selon lui, empêchât les enfants de dona Olimpia de se réjouir d’un revers qui ne pouvait être que d’un bon présage, non-seulement pour la maison Pamphile, mais même pour le saint-siége.
Les deux beaux-frères Justiniani et Ludovisi, qui n’avaient rien à gagner dans cette affaire, en étaient réduits à louer la conduite du pape pour se venger de toutes les vexations que leur faisait éprouver leur belle-mère ; aussi n’y avait-il que la princesse de Rossano à qui cet événement donnât une véritable joie : non que sa générosité naturelle lui permît d’admettre le moindre sentiment cupide, mais parce qu’elle entrevoyait qu’à la faveur de révolutions probables, et peut-être assez prochaines, elle pourrait reconquérir pour dom Camille et pour elle une liberté et un rang à la cour, qui souriaient à sa jeune âme ambitieuse.
« Courage, princesse, dit encore le cardinal Sforza, lorsqu’il se préparait, ainsi que les deux princes, à prendre congé pour retourner à Rome, ayez bon courage, et soutenez celui de dom Pamphile, ou plutôt, ajouta-t-il tout bas en s’approchant de l’oreille de la princesse, donnez-lui-en. »
On se fit de mutuels adieux ; les trois habitants de Rome se dirigèrent vers cette ville, et les deux époux partirent pour Frascati, où ils ne rentrèrent qu’assez avant dans la nuit.
Le lendemain matin, madame de Rossano reçut la visite
<references/> |
Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/275 | dans
leur excursion, et la jeune femme était seule au logis. Madame La
Faucherie se fit conduire à la chambre de Véronique.— C’était une petite
pièce, située au premier étage, dont la fenêtre à meneaux de pierre
s’ouvrait sur le vaste horizon des bois. Les murs en étaient simplement
blanchis à la chaux ; dans un angle, une étagère, chargée de livres,
faisait face à un pastel encore souriant dans son cadre terni ; au fond,
se dressait le lit voilé de rideaux blancs ; puis venaient une massive
armoire de chêne, quelques vieux fauteuils et, non loin de la croisée,
un petit guéridon supportant un vase plein de fleurs sauvages.— C’était
tout. Véronique, vêtue de noir, lisait près de la croisée entr’ouverte ;
un ruban pensée nouait ses cheveux bruns, et quelques violettes
achevaient de se faner à son corsage. En voyant entrer madame La
Faucherie, elle se leva silencieusement.— D’un coup d’œil la mère de
Gérard saisit les moindres détails de cet intérieur simple et
harmonieux, et elle se sentit presque rassurée.
— Je viens, dit-elle en s’asseyant, faire près de vous, Madame, une
démarche qui vous paraîtra peut-être étrange, mais elle m’est imposée
par une nécessité pénible, et vous me la pardonnerez plus tard...
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Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/158 | {{nr||THUCYDIDE, LIV. II.|157}}<section begin="Chapitre XIX"/>{{tiret2|Athé|niens}}, les Péloponnésiens quittèrent enfin la place, quatre-vingts jours au plus après le désastre des Thébains à Platée, et se jetèrent sur l’Attique, dans la partie de l’été où les blés sont montés en épis. Archidamus, fils de Zeuxidamus, roi de Lacédémone, continuait de les commander. Ils s’arrêtèrent d’abord à Éleusis et dans les campagnes de Thria, les ravagèrent, eurent l’avantage sur un corps de cavalerie vers l’endroit qu’on appelle ''les Ruisseaux'', s’avancèrent ensuite à travers la Cécropie, ayant à leur droite le mont Égaléon, et arrivèrent à Acharnes, le plus considérable des dèmes de l’Attique. Ils s’y arrêtèrent, y assirent leur camp, et restèrent long-temps à dévaster le pays.
<section end="Chapitre XIX"/>
<section begin="Chapitre XX"/>{{sc|{{abréviation|Chap.|Chapitre}} 20}}. Voici, dit-on, sur quel motif Archidamus se tenait en ordre de bataille sur le territoire d’Acharnes, comme pour livrer bataille sans descendre dans la plaine pendant cette prémière invasion. Il espérait que les Athéniens, qui avaient une nombreuse et florissante jeunesse, et dont jamais l’appareil guerrier n’avait été si imposant, sortiraient de leurs murailles, et ne verraient pas avec indifférence ravager leur territoire. Comme ils n’étaient venus à sa rencontre, ni à Éleusis, ni dans les plaines de Thria, il essaya s’il ne pourrait pas les attirer en campant sur le territoire d’Acharnes. D’ailleurs, l’endroit lui semblait propre à établir un camp, et probablement les Acharniens, qui formaient une partie considérable de la république, puisque seuls ils fournissaient trois mille {{erratum|oplites|hoplites}}, ne laisseraient pas désoler leurs propriétés : leur fougue entraînerait tous les autres au combat. Il jugeait encore que, si les Athéniens ne sortaient pas pour s’opposer à cette invasion, on saccagerait dans la suite le territoire avec moins de crainte, et qu’on pourrait même s’avancer jusqu’à la ville : en effet, les Acharniens, dépouillés de leurs biens, ne s’exposeraient pas avec le même zèle au danger pour défendre celui des autres, ce qui amènerait la division. D’après ces considérations, il investit Acharnes.
<section end="Chapitre XX"/>
<section begin="Chapitre XXI"/>{{sc|{{abréviation|Chap.|Chapitre}} 21}}. Tant que l’armée se tenait à Éleusis et dans les champs de Thria, les Athéniens avaient quelque espérance qu’elle ne s’avancerait pas au-delà : ils se souvenaient que quatorze ans avant cette guerre, Plistoanax, fils de Pausanias, roi de Lacédémone, à la tête d’une armée de Péloponnésiens, avait fait aussi une invasion dans l’Attique, à Éleusis et à Thria, et était retourné sur ses pas, sans aller plus loin ; ce qui l’avait fait bannir de Sparte, soupçonné d’avoir à prix d’argent exécuté cette retraite. Mais quand ils virent l’ennemi à Acharnes, à soixante stades de la ville, alors perdant patience, et, comme cela était naturel, jugeant affreux de voir leurs campagnes ravagées sous leurs yeux, spectacle nouveau pour les jeunes gens, et même pour les vieillards, excepté dans la guerre des Mèdes, ils voulaient tous, et principalement la jeunesse, marcher contre l’ennemi et ne pas rester tranquilles spectateurs d’un outrage. Il se formait des réunions tumultueuses : on se disputait vivement : les uns voulaient qu’on sortît ; d’autres, en petit nombre, s’y opposaient. Les devins chantaient des oracles de toute espèce, et chacun les écoutait suivant la passion qui l’agitait. Les Acharniens surtout, qui ne se croyaient pas une partie méprisable de la république, et dont on ravageait les terres, pressaient la sortie. Il n’était sorte d’agitation que n’éprouvât la république, et Périclès se trouvait en butte à tous les ressentimens. On avait oublié ses précédens conseils, on lui faisait un crime d’être général et<section end="Chapitre XXI"/>
<references/> |
Racine Œuvres complètes 1827 tome 2.djvu/12 | {{nr|{{t|4|80}}|{{t|PRÉFACE. |80}}|{{t||80}}}}
{{tiret2|in|clination}} ne me porteroit pas à le prendre pour
modèle si j’avois à faire une comédie ; et que
j’aimerois beaucoup mieux imiter la régularité
de Ménandre et de Térence que la liberté de
Plaute et d’Aristophane. On me répondit que ce
n’étoit pas une comédie qu’on me demandoit,
et qu’on vouloit seulement voir si les bons mots
d’Aristophane auroient quelque grâce dans notre
langue. Ainsi, moitié en m’encourageant, moitié en mettant eux-mêmes la main à l’œuvre,
mes amis me firent commencer une pièce qui
ne tarda guère à être achevée.
Cependant la plupart du monde ne se soucie
point de l’intention ni de la diligence des auteurs. On examina d’abord mon amusement
comme on auroit fait une tragédie. Ceux même
qui s’y étoient le plus divertis eurent peur de
n’avoir pas ri dans les règles, et trouvèrent
mauvais que je n’eusse pas songé plus sérieusement à les faire rire. Quelques autres s’imaginèrent qu’il étoit bienséant à eux de s’y ennuyer, et que les matières de palais ne pouvoient
pas être un sujet de divertissement pour les gens
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Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/969 | un Anglais surtout, ces deux syllabes magiques, d’une sonorité mate, qui semble celle du cadavre précipité dans un gouffre, rappellent la trahison la plus infâme, le crime le plus monstrueux que les annales humaines aient jamais signalé à l’horreur des siècles. Cependant, — la remarque est de M. W. Russell, — il faut se défendre de ce que cette impression peut avoir d’outré. Il faut en déduire tout ce qui appartient aux récits fabuleux dont on a grossi une tragédie assez horrible déjà, et qui n’avait nul besoin d’être ainsi surchargée de détails abominables. Dans la crise anglo-indienne, Cawnpore et Nana-Sahib ont été le prétexte d’abord, l’excuse ensuite des représailles parfois atroces qui ont souillé la victoire des Anglais. C’est au nom du massacre de la ''charnel-house'', c’est pour faire expier au « tigre de Bithoor » ses abominables perfidies, que les ''highlanders'' de Havelock et les ''madrassees'' de Neill, après avoir bravement enlevé des batteries sur le champ de bataille, se transformaient en bourreaux, et pendaient aux arbres de la route pêle-mêle tout ce qu’ils rencontraient de plus ou moins suspect. Pour les exalter ainsi et les pousser à cette guerre de héros et de cannibales, la vérité n’eût peut-être pas suffi : nous n’avons, nous, fort heureusement qu’à la rétablir de notre mieux.
Sir Hugh Massy Wheeler, qui commandait la station de Cawnpore lorsqu’y parvint la nouvelle de l’insurrection de Meerut (13 mai 1857), était un des vétérans les plus estimés de l’armée anglo-indienne, où il comptait cinquante-quatre années de bons et glorieux services. Presque toujours placé à la tête de corps indigènes, on le regardait comme un des hommes les mieux au fait du naturel, des préjugés, des instincts, des manies du soldat cipaye, et aussi comme un des chefs qui savaient le mieux se concilier l’affection de ces « grands enfans armés » qu’il avait tant de fois menés à la victoire<ref> Sir Hugh Wheeler servait déjà sous lord Lake. Il avait pris part aux guerres de l’Afghanistan, aux deux campagnes contre les Sikhs, etc.</ref>. Peut-être la confiance qu’il inspirait fit-elle sa ruine ; c’est du moins à cette confiance qu’on attribue la situation de Cawnpore au début de l’insurrection. Dès les derniers mois en effet, on avait retiré de cette importante station, pour l’envoyer à Umballah, un bataillon de fusiliers du Bengale, qu’on y laissait, depuis l’annexion du royaume d’Oude, à la requête du ''chief commissioner'' chargé d’organiser la nouvelle conquête. Il ne restait à sir Hugh Wheeler, après cette imprudente mesure, que ''soixante et un'' artilleurs européens, et — à côté d’eux en temps ordinaire, en face d’eux en cas d’insurrection, — trois mille cinq cents soldats indiens des mieux disciplinés et des mieux aguerris<ref> Trois régimens d’infanterie (1er, 53e, 56e) et un régiment de cavalerie légère (le 2e).</ref>.
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Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/127 | {{nr|122|{{sc|au soir de la pensée}}|}}''{{tiret2|mou|vement}} brownien'' où l’on a voulu voir d’abord un phénomène « vital ». On s’est aperçu, cependant, que les corpuscules inanimés
« ne dansent pas avec moins d’ardeur que les autres ». On a voulu y voir l’effet du développement de chaleur dû à l’éclairage. Mais les mouvements se sont montrés d’autant plus vifs que les particules étaient plus petites. Et M. Henri Poincaré de
conclure : « Si ces mouvements ne cessent pas, ou plutôt ''renaissent sans cesse, sans rien emprunter à une source extérieure d’énergie'', que devons-nous croire ?... Nous voyons, sous nos yeux, ''tantôt le mouvement se transformer en chaleur, tantôt la chaleur se changer inversement en mouvement, et cela sans que rien ne se perde, puisque le mouvement dure toujours. C’est le contraire du principe de Carnot''... Les corps trop gros, ceux qui ont, par exemple, un dixième de millimètre, sont heurtés de tous les côtés par les atomes en mouvement. Cependant ils ne bougent pas parce que ces chocs sont très nombreux et que la loi du hasard veut qu’ils se compensent. Mais les particules plus petites reçoivent trop peu de chocs pour que cette compensation se fasse à coup sûr, et sont incessamment ballottées. »
En faisant jouer les attractions et les répulsions moléculaires, on obtiendra dans les liquides des figures de symétrie qui annoncent le cristal, le plasma, la cellule, même<ref>Il suffit de renvoyer le lecteur à l’ouvrage passionnant de M. Yves Delage sur ''l’Hérédité et les grands problèmes de la biologie générale''. On y trouvera posés, subséquentes et parfois résolus des problèmes en nombre {{corr|ncommensurable|incommensurable}} qui vous feront comprendre pourquoi la métaphysique trouve plus simple d’aborder l’étude de la vie par un bon « ''principe vital'' » à tout faire que par
de laborieuses recherches expérimentales de positivité.</ref>. Et quand l’état colloïde montre ses groupements moléculaires de micelles trépidant d’un mouvement « brownien », on voit assez clairement que le protoplasma et ses cellules, où se rencontrent les premières manifestations de « vie », ne sont pas loin. Des propriétés organiques du plasma et de la cellule dans les tissus végétaux et animaux, jaillissent tous les phénomènes coordonnés d’énergétique « vitale », qui, par les rencontres des impulsions d’hérédité et d’ambiance, concourent à maintenir, à développer l’organisme dans ses cadres d’évolution, jusqu’aux achèvements
de la conscience, de la pensée, avec les évolutions d’activités.
J’ai noté qu’avec l’accroissement de la connaissance, les Dieux
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D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/459 | {{nr||DES FLUIDES.|417}}déterminé, par une méthode semblable, la résistance qu’un corps solide éprouve, soit dans un fluide élastique, soit dans un fluide dont les parties sont adhérentes entre elles.
Enfin pour ne rien omettre de ce qui pouvait rendre ma théorie plus intéressante et plus générale, j’ai cru devoir exposer aussi la méthode de Newton. Cette méthode consiste, comme l’on sait, à supposer qu’au lieu que le corps vient frapper le fluide, ce soit au contraire le fluide qui frappe le corps, et à déterminer par ce moyen le rapport de l’action d’un fluide sur une surface courbe, à son action sur une surface plane. La difficulté principale est d’évaluer exactement l’action d’un fluide contre un plan. Aussi les plus grands géomètres ne sont-ils point d’accord là-dessus. Cette action vient en grande partie de l’accélération du fluide, qui, obligé de se détourner à la rencontre du plan, et de couler dans un canal plus étroit, doit nécessairement y couler plus vite, et par ce moyen presser le plan. Mais on ignore jusqu’à quelle distance le fluide peut s’accélérer des deux côtés du plan, et par conséquent la quantité exacte de la pression qu’il exerce. C’est là, ce me semble, le nœud principal de la question, et la cause du partage qu’il y a entre les géomètres, touchant la valeur absolue de la résistance.
Voilà ce que j’avais à dire ici sur les principes généraux de la mécanique des fluides, qui font le sujet de la plus grande partie de ce traité. Le reste de l’ouvrage est destiné à l’examen des différens points de la théorie des fluides, qui n’ont peut-être pas été approfondis jusqu’ici avec assez de soin. Telle est en premier lieu la théorie de la réfraction. Tout le monde sait qu’un corps solide qui passe d’un fluide dans un autre, ne continue pas son chemin en ligne droite, mais qu’il s’écarte de sa première route pour décrire une autre ligne, plus ou moins inclinée que la première, à la surface du nouveau milieu dans lequel il est entré. C’est ce qu’on remarque en particulier dans les rayons de lumière, qui se brisent en passant de l’air dans le verre ou dans tel autre corps transparent que ce soit. Ce phénomène, connu d’abord par l’expérience, a beaucoup exercé la sagacité des philosophes. Il paraissait naturel de faire dépendre la réfraction de la lumière des mêmes principes que la réfraction des corps solides qui traversent un fluide. C’est aussi le parti qu’avait pris Descartes, suivi en cela par un grand nombre de physiciens. Quelques raisonnemens vagues et dénués de précision que Descartes avait faits, pour prouver que les principaux phénomènes de la réfraction de la lumière s’expliquaient parfaitement dans ses principes, ont paru et paraissent encore à quelques philosophes des démonstrations exactes et complètes.
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Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/281 | de Véronique faisait éclater, pièce à pièce, les cloisons
mesquines et les préjugés bourgeois qui avaient un moment emprisonné son
esprit.
— Et pourquoi n’épouseriez-vous pas Gérard ?... reprit-elle tout à coup
avec un accent où vibrait tout son orgueil de mère, pourquoi ne
seriez-vous pas sa femme ? Est-ce moi qui vous fais peur, et ne
voulez-vous pas être ma fille ?...
Elle serra Véronique dans ses bras et la baisa au front, mais la jeune
femme, frissonnante, s’arracha brusquement à cette étreinte.
— Non, non ! s’écria-t-elle avec une expression déchirante, c’est
impossible !
— Impossible ?... dit la mère de Gérard en la regardant surprise,
impossible, et pourquoi ?
— Je ne suis pas libre, répondit Véronique d’une voix sourde, mon mari
existe, et nous sommes séparés judiciairement.— Elle s’arrêta un moment,
puis, d’un ton plus ferme, elle ajouta : — Ceci suffit pour expliquer mon
refus, dispensez-moi d’entrer dans des détails qui me font mal.
Les deux femmes se regardèrent un instant, silencieuses et accablées,
l’une par l’aveu qu’elle venait de faire, l’autre par la chute de sa
dernière espérance.— Ah ! dit enfin madame La
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William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/242 | pas, il nous pria de venir chez lui. Très volontiers nous le suivîmes, et Clara lui prit la main
d’une manière câline qui, je le remarquai, lui
était familière avec les vieillards, et, chemin
faisant, elle fit quelque réflexion banale sur la
belle journée. Le vieillard s’arrêta brusquement,
la regarda et dit :
— Cela vous plaît, vraiment ?
— Oui, dit-elle d’un air d’extrême surprise.
Pas à vous ?
— Oh ! dit-il, peut-être. Cela me plaisait tout
au moins lorsque j’étais plus jeune ; mais maintenant je
crois que je préfère un temps plus doux.
Elle ne dit rien et continua, la nuit s’épaississant ;
puis, tout au haut de la pente, nous arrivâmes
à une haie, avec une porte ; le vieillard
fit jouer le loquet et nous introduisit dans un
jardin au fond duquel on pouvait voir une petite
maison, dont une des petites fenêtres brillait
de la lumière jaune des bougies. Nous pouvions
voir, même sous la lumière indécise de la lune
et la dernière lueur du couchant, que le jardin
débordait de fleurs, et le parfum qu’elles exhalaient dans la fraîcheur tombante était si merveilleusement doux qu’il semblait le cœur
même des délices du crépuscule de juin ; nous
nous arrêtâmes tous les trois instinctivement et
Clara émit doucement un léger « Oh ! » comme
un oiseau qui va chanter.
— Qu’y a-t-il ? dit le vieillard avec un peu
d’humeur en la tirant par la main. Il n’y a pas
de chien ; avez-vous marché sur une épine qui
vous a blessé le pied ?
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Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/19 | son esprit astucieux, subtil et tenace, il voulut tout accomplir par lui-même, et se passer de conseillers ; il voyait en eux des traîtres ou des incapables. Son modèle était Pierre Sforza, devenu tyran de Lombardie par la fourberie, l’audace, la trahison et d’implacables cruautés ; Louis XI n’avait point à usurper un trône, mais à défendre le sien de l’envahissement des princes du sang et des grandes seigneuries. À ce but il marcha droit, résolu de l’atteindre par tous les moyens, depuis la flatterie qui séduit, la ruse qui divise, jusqu’au meurtre qui vous débarrasse d’un ennemi redoutable.
Louis XI apprend la mort de son père ; sans dissimuler sa joie parricide, il quitte aussitôt la cour du duc Philippe de Bourgogne et va se faire sacrer à Reims. Une seule idée le préoccupe tout d’abord : détruire la puissance des princes du sang, des grands vassaux, éternels rivaux de la royauté, et achever ainsi l’œuvre commencée par Charles VII. Les maisons princières de France, depuis l’expulsion des Anglais, semblaient devenues presque aussi indépendantes de la couronne qu’au beau temps de la féodalité ; les comtes d’''Albret'', de ''Foix'', d’''Armagnac'', les ducs de ''Bretagne'', de ''Bourgogne'' et d’''Anjou'', souverains dans leurs provinces, reconnaissaient à peine la suzeraineté du roi de France, accablaient d’impôts les villes et les campagnes. Louis XI, despote cupide, entreprit de rester seul maître, seul exacteur de ses peuples. Habile et dissimulé, il feignit d’abord de s’appuyer sur les bourgeoisies, connaissant leur haine invétérée contre les seigneuries ; il affecta de s’entourer de petites gens. Sobre, avare, ennemi du luxe des cours, parce que la royauté payait toujours ce luxe, n’ayant qu’une passion : la chasse ; sordide dans ses vêtements, vêtu d’une casaque grise, coiffé d’un vieux chapeau orné de reliques de plomb, chaussé de gros houseaux de voyage, il plut d’abord aux bonnes gens par sa simplicité goguenarde et familière ; il voulait, disait-il, rendre aux villes leurs franchises, abolir les taxes les plus pesantes. En effet, il sembla tout d’abord fidèle à ses promesses, à en juger du moins d’après sa parcimonie : à la cour, plus de fêtes,
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Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/402 | dans une autre contradiction ; c’est par la providence que
Dieu a été véritablement fait à l’image de l’homme ; ôtez
cette providence, Dieu cesse d’être homme, et l’homme à son
tour doit abandonner toute prétention à la divinité.
On demandera peut-être à quoi sert à Dieu d’avoir la
science infinie, s’il ignore ce qui se passe dans l’humanité.
Distinguons. Dieu a la perception de l’ordre, le sentiment
du bien. Mais cet ordre, ce bien, il le voit comme éternel
et absolu, il ne le voit pas dans ce qu’il offre de successif et
d’imparfait ; il n’en saisit pas les défauts. Nous seuls sommes
capables de voir, de sentir et d’apprécier le mal, comme de
mesurer la durée ; parce que nous seuls sommes capables de
produire le mal, et que notre vie est temporaire. Dieu ne
voit, ne sent que l’ordre ; Dieu ne saisit pas ce qui arrive,
parce que ce qui arrive est au-dessous de lui, au-dessous de
son horizon. Nous, au contraire, nous voyons à la fois le bien
et le mal, le temporel et l’éternel, l’ordre et le désordre, le
fini et l’infini ; nous voyons en nous et hors de nous ; et
notre raison, parce qu’elle est finie, dépasse notre horizon.
Ainsi, par la création de l’homme et le développement de
la société, une raison finie et providentielle, la nôtre, a été posée
contradictoirement à la raison intuitive et infinie, Dieu ;
en sorte que Dieu, sans rien perdre de son infinité en tout
sens, semble, par le seul fait de l’existence de l’humanité,
amoindri. La raison progressive résultant de la projection
des idées éternelles sur le plan mobile et incliné du temps,
l’homme peut entendre la langue de Dieu, parce qu’il vient
de Dieu, et que sa raison est au début semblable à celle de
Dieu ; mais Dieu ne peut nous entendre, ni venir jusqu’à
nous, parce qu’il est infini, et qu’il ne peut revêtir les attributs
du fini, sans cesser d’être Dieu, sans se détruire. Le
dogme de la providence en Dieu est démontré faux, en fait
et en droit.
Il est facile à présent de voir comment la même argumentation
se retourne contre le système de la déification de
l’homme.
L’homme posant fatalement Dieu comme absolu et infini
dans ses attributs, tandis qu’il se développe lui-même en sens
inverse de cet idéal, il y a désaccord entre le progrès de
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Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/212 | {{nr|{{t||80}}|{{t|IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE COSMOLOGIQUE|80}}|{{t|199|80}}}}
<section begin="Dial-L2-Ch3-S5"/>Je pourrais donc (dans ce cas) convertir aussi la proposition absolument, en disant : tout être souverainement réel est un être nécessaire. Or, comme cette proposition est déterminée ''à priori'' par ses seuls concepts, le simple concept de l’être souverainement réel doit impliquer aussi l’absolue nécessité de cet être. C’est précisément ce qu’affirmait la preuve ontologique, mais ce que la preuve cosmologique ne voulait pas reconnaître, et ce qu’elle n’en supposait pas moins dans ses conclusions, bien que d’une manière cachée.
Ainsi la seconde voie que suit la raison spéculative pour démontrer l’existence de l’être suprême n’est pas seulement aussi fausse que la première, mais elle a de plus ce défaut de tomber dans le sophisme appelé ''ignoratio elenchi'', en nous promettant de nous ouvrir un nouveau sentier, et en nous ramenant, après un léger détour, à celui que nous avions quitté pour elle.
J’ai dit plus haut brièvement que dans cet argument cosmologique se cachait toute une nichée de prétentions. dialectiques que la critique transcendentale peut aisément découvrir et détruire. Je vais me borner à les indiquer, en laissant au lecteur déjà exercé le soin de scruter plus à fond et de réfuter les faux principes.
On y trouve donc, par exemple : 1° le principe transcendental, de conclure du contingent à une cause, principe qui n’a de valeur que dans le monde sensible, et qui n’a plus même aucun sens en dehors de ce monde. En effet le concept purement intellectuel du contingent ne peut produire aucune proposition synthétique telle que celle de la causalité, et le principe de celle-ci n’a de valeur et d’usage que dans le monde sensible ; or il faudrait ici qu’il servît précisément à sortir de ce monde. 2° Le {{tiret|rai|sonnement}}<section end="Dial-L2-Ch3-S5"/>
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De la dignité et de l’accroissement des sciences (trad. La Salle)/Livre 2/Chapitre 13 | Francis Bacon De la dignité et de l’accroissement des sciences Traduction par Antoine de La Salle. Œuvres, 1799, 1 (p. 335-345). ◄ Chap. XII Premier exemple de la philosophie selon les paraboles antiques, dans les sciences naturelles. De l’univers représenté par la fable de Pan ► collectionDe la dignité et de l’accroissement des sciencesFrancis BaconAntoine de La Salle1799V1De la dignité et de l’accroissement des sciencesBacon - Œuvres, tome 1.djvuBacon - Œuvres, tome 1.djvu/7335-345 CHAPITRE XIII. Du second des principaux membres de la science ; savoir, de la poésie ; division de la poésie en narrative, dramatique et parabolique. Trois exemples de la poésie parabolique. Nous voici arrivés à la poésie. La poésie est un genre qui le plus souvent est gêné par rapport aux mots ; mais fort libre quant aux choses, et même licencieux. Aussi, comme nous l’avons dit au commencement, il se rapporte à l’imagination qui feint et machine, entre les choses, des mariages et des divorces tout-à-fait irréguliers et illégitimes. Or, ce mot de poésie, comme nous l’avons fait entendre ci-dessus, peut être pris en deux sens différens, dont l’un regarde les mots ; et l’autre, les choses. Dans le premier sens, c’est un certain caractère de discours ; et le vers n’est qu’un genre de style, qu’une certaine forme d’élocution ; et qui n’a rien de commun avec les différences des choses. Car on peut écrire en vers une histoire vraie ; et en prose, une fiction. Dans le dernier sens, nous l’avons, dès le commencement, constitué l’un des membres principaux de la doctrine. Et nous l’avons placé près de l’histoire ; vu qu’elle n’en est qu’une imitation agréable. Quant à nous qui, cherchant les véritables veines des choses, ne donnons presque rien à la coutume et aux divisions reçues, nous écartons de notre sujet les satyres, les élégies, les épigrammes, les odes, et autres piéces de ce genre, les renvoyant à la philosophie et aux artifices du discours. Sous le nom de poésie, nous ne traitons que d’une histoire inventée à plaisir. La distribution la plus vraie de la poésie, et qui dérive le mieux de ses propriétés, outre ces divisions qui lui sont communes avec l’histoire, (car il y a des chroniques feintes, des vies feintes, des relations feintes) est celle qui la divise en narrative, dramatique et parabolique ; la narrative imite tout-à-fait l’histoire, au point de faire presqu’illusion, si ce n’est qu’elle exagère les choses au-delà de toute croyance. La dramatique est pour ainsi dire une histoire visible, elle rend les images des choses comme présentes ; au lieu que l’histoire les représente comme passées. Mais la parabolique est une histoire avec un type, qui rend sensibles les choses intellectuelles. Quant à la poésie narrative, ou, si l’on veut, héroïque ; pourvu toutefois qu’on n’entende par là que la matière, et non le vers, cette poésie dérive d’une source tout-à-fait noble, plus que toute autre chose, elle se rapporte à la dignité de la nature humaine. En effet, comme le monde sensible est inférieur en dignité à l’ame humaine, la poésie semble donner à la nature humaine ce que l’histoire lui refuse, et contenter l’ame d’une manière ou de l’autre, par des fantômes de choses, au défaut de semblables réalités qu’elle ne peut lui donner. Car, si l’on médite attentivement sur ce sujet, l’on reconnoîtra dans cet office de la poésie une forte preuve de cette vérité : que l’ame humaine aime dans les choses plus de grandeur et d’éclat, d’ordre et d’harmonie, d’agrément et de variété, qu’elle n’en peut trouver dans la nature même, depuis la chûte de l’homme. C’est pourquoi, comme les actions et les événemens, qui font le sujet de l’histoire véritable, n’ont pas cette grandeur dans laquelle se complaît l’ame humaine, paroît aussi-tôt la poésie qui imagine des faits plus héroïques. De plus, comme les événemens que présente l’histoire véritable, ne sont point de telle nature que la vertu puisse y trouver sa récompense, ni le crime son châtiment ; la poésie redresse l’histoire à cet égard, et imagine des issues, des dénouemens qui répondent mieux à ce but, et qui sont plus conformes aux loix de la providence. De plus, comme l’histoire véritable, par la monotonie et l’uniformité des faits qu’elle présente, rassasie l’aine humaine ; la poésie réveille son goût, en lui présentant des tableaux d’événemens extraordinaires, inattendus, variés, pleins de contrastes et de vicissitudes. En sorte que cette poésie est moins recommandable par le plaisir qu’elle peut procurer, que par la grandeur d’ame ou la pureté de mœurs qui en peuvent être le fruit. Ainsi ce n’est pas sans raison qu’elle semble avoir quelque chose de divin ; puisqu’elle élève l’ame et la ravit, pour ainsi dire, dans les hautes régions ; accommodant les simulacres des choses à nos désirs, au lieu de soumettre l’ame aux choses mêmes, comme le font la raison et l’histoire. Ainsi, c’est par ces charmes et cette convenance qui flattent l’ame humaine, et en se mariant avec les accords de la musique, pour s’insinuer plus doucement dans les ames, que la poésie s’est frayé un passage en tous lieux, au point qu’elle fut en honneur dans les siècles les plus grossiers et chez les nations les plus barbares, lorsque tous les autres arts en étoient totalement bannis. La poésie dramatique, qui a le monde pour théâtre, seroit d’un plus grand usage, si elle étoit saine. Car, le théâtre n’est pas peu susceptible de discipline et de corruption. Or, la corruption, en ce genre, n’est pas ce qui nous manque ; mais de notre temps, la discipline est entièrement négligée. Cependant, quoique dans les républiques modernes on regarde l’action théâtrale comme une sorte de jeu, à moins qu’elle ne tienne beaucoup de la satyre et ne soit mordicante, néanmoins les anciens n’ont rien négligé pour en faire une école de vertu. Il y a plus : les grands hommes et les plus sages philosophes la regardoient comme l’archet des ames. Au reste, il est hors de doute, et c’est encore un secret de la nature, que dans les lieux où les hommes sont rassemblés les ames sont plus susceptibles d’affections et d’impressions. Mais la poésie parabolique tient un rang distingué parmi les autres genres de poésie, et semble avoir quelque chose d’auguste et de sacré ; d’autant plus que la religion elle-même emprunte son secours à chaque instant, pour entretenir un commerce continuel entre les choses divines et les choses humaines. Cependant elle a, comme les autres, ses taches et ses défauts, qui ont pour cause cette frivolité des esprits et cette facilité avec laquelle ils se paient d’allégories. Elle est d’un usage équivoque, et on l’emploie pour des fins opposées. Elle sert, tantôt à envelopper, et tantôt à éclaircir. Dans le dernier cas c’est une espèce de méthode d’enseignement ; dans le premier, c’est un certain art de voiler. Or, cette méthode d’enseignement, qui sert à éclaircir, fut fort en usage dans les premiers siècles ; car les inventions et les conclusions de la raison humaine (même celles qui aujourd’hui sont triviales et rebattues) étant alors nouvelles et extraordinaires, les esprits n’avoient pas assez de prise sur ces vérités abstraites ; à moins qu’on ne les approchât des sens, à l’aide de similitudes et d’exemples de cette nature. Aussi, chez eux, tout retentissoit de fables de toute espèce, de paraboles, d’énigmes et de similitudes. De là les emblèmes de Pythagore, les énigmes du Sphinx, les fables d’Ésope, et autres fictions semblables. Ce n’est pas tout : les apophthegmes des anciens sages se développoient presque toujours par des similitudes. C’est ainsi que Menenius Agrippa, chez les Romains, nation qui n’étoit alors rien moins qu’éclairée, appaisa une sédition à l’aide d’une fable : enfin, comme les hiéroglyphes sont plus anciens que les lettres, de même aussi les paraboles ont précédé les argumens. Et les paraboles sont aujourd’hui même, comme elles l’ont toujours été, d’un grand effet ; attendu que ni les argumens n’ont autant de clarté, ni les exemples réels autant d’aptitude. La poésie parabolique a un autre usage presque opposé au premier : elle sert, comme noua l’avons dit, à envelopper les choses dont la dignité exige qu’elles soient couvertes d’une sorte de voile ; c’est ainsi qu’on revêt de fables et de paraboles les secrets et les mystères de la religion, de la politique et de la philosophie. Mais est-il vrai que les fables anciennes des poëtes renferment un sens mystérieux ? c’est ce qui peut paroître douteux. Quant à nous, nous l’avouons hardiment, nous penchons pour l’affirmative. Et quoiqu’on abandonne ces fictions aux enfans et aux grammairiens, ce qui ne laisse pas de les avilir, nous n’en serons pas plus prompts à les mépriser ; vu qu’au contraire les écrits qui contiennent ces fables, sont, de tous les écrits humains, les plus anciens après l’écriture sainte ; et que les fables mêmes sont encore plus anciennes que ces écrits, puisque ces écrivains les rapportent comme étant déjà adoptées et reçues depuis long-temps, et non comme les ayant eux-mêmes inventées. Elles semblent être une sorte de souffle léger qui, des traditions des nations les plus anciennes, est venu tomber dans les flûtes des Grecs. Mais, comme jusqu’ici les tentatives, pour interpréter ces paraboles, ont été faites par des hommes peu éclairés, et dont la science ne s’élevoit pas au-dessus des lieux communs ; qu’enfin elles ne nous satisfont nullement ; nous croyons devoir rapporter parmi les choses à suppléer, la philosophie cachée sous les fables antiques. Ainsi nous allons donner un ou deux exemples de ce genre d’ouvrages ; non que la chose en elle-même soit d’un si grand prix, mais afin d’être fidèles à notre plan. Or, ce plan, par rapport à ces ouvrages que nous classons parmi les choses à suppléer, et lorsqu’il se rencontre quelque sujet un peu obscur, est de donner toujours des exemples et des préceptes sur la manière de le traiter ; de peur qu’on ne s’imagine que nous n’avons nous-mêmes qu’une très légère notion de ces sujets que nous proposons et que, contens de mesurer les régions par la pensée, à la manière des augures, nous ne connoissons pas assez bien ces routes que nous montrons aux autres, pour pouvoir y entrer nous-mêmes. Je ne sache pas qu’il manque aucune partie dans la poésie. Disons plutôt que la poésie est une plante qui a germé dans une terre excessivement active, sans qu’on en ait semé la graine qui n’est pas trop bien connue ; qu’elle a pris beaucoup plus d’accroissement que les autres genres, et que, s’étendant en tous sens, elle a fini par les couvrir tous. Mais nous allons en donner des exemples ; ce sera assez de trois. Le premier, tiré des sciences naturelles ; le second, de la politique ; et le troisième, de la morale. |
Sue - Atar-Gull et autres récits, 1850.djvu/385 | {{tiret2|conversa|tion}} que sa nièce allait soulever, elle fut frappée de son air solennel et
décidé.
Les joues de Jeanne étaient plus colorées que de coutume ; ses yeux
brillaient d’un éclat extraordinaire ; elle se trouvait dans le paroxysme
fiévreux de ses grandes résolutions.
M. de Bracciano, s’approchant de sa femme avec une politesse cérémonieuse,
voulut lui prendre la main pour la baiser : mais Jeanne, la retirant
avec un mouvement plein de dignité, lui dit d’une voix dont elle
ne pouvait maîtriser l’émotion :
— J’ai, monsieur, un très-sérieux entretien à avoir avec vous. Vous
permettrez que je donne des ordres pour que nous ne soyons pas interrompus.
M. de Bracciano s’inclina.
— Mon enfant, je me retire, dit la princesse de Montlaur.
Un moment Jeanne hésita avant de laisser sa tante s’éloigner. Pourtant
elle s’y résolut, craignant que l’étonnement, que la douleur que
manifesterait peut-être madame de Montlaur, ne la fit faillir de sa résolution.
— Ma tante, j’irai chez vous tout à l’heure, dit-elle à la princesse de
Montlaur, qui la regardait avec une sorte d’inquiétude.
Jeanne la reconduisit jusqu’à la porte du premier salon.
— Qu’avez-vous donc, mon enfant ? lui dit tout bas sa tante, vous
semblez agitée ! En vérité, vous m’effrayez presque !
— Rassurez-vous, ma bonne tante, ce n’est rien. Seulement, veuillez
m’attendre chez vous.
— Soit... mais venez le plus tôt possible, car je ne sais pourquoi je
suis inquiète malgré moi, dit la princesse en s’en allant.
Madame de Bracciano alla retrouver son mari.
Lorsque Jeanne se trouva avec lui, cette pensée, rapide comme la foudre,
traversa son esprit :
« Si M. de Bracciano refusait le divorce ! »
Et Herman était là, sur le point de mourir, et elle venait de lui donner
un radieux espoir...
Il n’y avait pas à hésiter ; il lui fallait à tout prix obtenir ce qu’elle
désirait.
La malheureuse femme sentit un moment son cœur se glacer à l’aspect
de son mari. Calme, impassible, il l’observait attentivement par-dessus
ses besicles d’or, qu’il avait abaissées sur son nez droit et aigu
comme le museau d’une belette.
— Je suis à vos ordres, madame, seulement je vous demanderai la
permission de m’asseoir... je suis longtemps resté debout aux Tuileries,
et je me trouve très-fatigué. Ah ! j’oubliais de vous dire que l’empereur
s’est plaint, d’ailleurs le plus gracieusement du monde, de ce qu’il ne
vous avait pas vue depuis quelque temps. J’ai pris sur moi, et j’espère
que vous m’approuverez... j’ai pris sur moi de lui promettre qu’à l’avenir
vos absences de la cour seraient moins longues... je vous engage
très-instamment à tenir cette promesse. Le plus grand emploi de la maison
de l’impératrice n’est pas encore donné, et j’ai tout lieu de croire
que vous l’obtiendriez facilement, en montrant un peu plus d’assiduité
au château.
Madame de Bracciano fut atterrée. Le début de cet entretien était si
éloigné du sujet qu’elle voulait amener, que, réfléchissant au moyen d’y
arriver, elle répondit presque machinalement : — Oui, monsieur.
— Je n’attendais pas moins de vous, madame, dit M. de Bracciano
d’un air très-satisfait, et, se rapprochant de sa femme, il lui dit confidemment :
— Vous ne sauriez croire l’immense intérêt que j’attache à la réussite
de ce projet ; puisque vous êtes si bien disposée à cet égard, je puis
tout vous dire. Eh bien ! d’après les questions et les gracieux reproches
de l’empereur sur votre absence, je ne doute pas qu’il ne songe à vous
pour la surintendance de la maison de l’impératrice... fonctions des plus
importantes, que votre cousine madame la princesse de Guéménée remplissait,
je crois, avant la révolution auprès de la reine de France.
Jeanne voyait avec terreur la conversation prendre cette tournure
confidentielle ; elle sentait qu’il lui faudrait presque arriver sans transition
à la dangereuse question qu’elle voulait soulever ; pourtant elle espéra
trouver un prétexte, sinon de rupture, du moins de discussion,
dans le sujet même dont son mari l’entretenait alors.
Elle reprit donc : — Je ne sais, monsieur, quel intérêt vous avez à
ce que j’accepte ces fonctions auprès de l’impératrice, dans le cas où
l’empereur me les offrirait ; il me semble que votre position est faite
pour satisfaire à l’ambition la plus démesurée.
— Écoutez-moi, ma chère enfant, dit M. de Bracciano avec un accent
de tendresse presque paternelle qui épouvanta Jeanne. Je puis, je dois
tout dire à la compagne de ma vie. Jeanne fit un mouvement d’effroi.
M. de Bracciano ajouta en souriant : — Non pas peut-être à la compagne
de ma vie actuelle, mais à celle qui sera la compagne de ma vie
dans quelques années. Quant au présent, je me rends justice. Vous êtes
belle, jeune, charmante. Mes préoccupations politiques, mes fonctions,
mes travaux, me rendent souvent sombre et morose ; je ne voudrais pour
rien au monde venir attrister vos riantes années ; aveuglément confiant
dans la loyauté de votre caractère, je vous laisse aussi libre que si vous
étiez veuve. Vous avez vingt ans, c’est l’âge des galanteries, des doux
propos, de coquetteries innocentes qui occupent l’esprit sans atteindre
le cœur. Vous savez si j’ai jamais gêné, contrarié le moindre de vos désirs.
Eh ! mon Dieu, pourquoi l’aurais-je fait ? Pouvais-je vous donner ce
que je vous aurais défendu d’accepter des autres, petits soins, assiduités
gracieuses ? Non, sans doute, je vous le répète, je sais que mon heure
à moi n’est pas venue. Mais dans douze ou quinze ans, lorsque vous aurez
reconnu le vide, le néant de ces amusements d’aujourd’hui, lorsque
vous chercherez le bonheur domestique, ah... mon temps alors approchera.
Croyez-moi, Jeanne, dès que, revenue de vos illusions de jeunesse,
vous serez sur le seuil de l’âge mûr, c’est avec plaisir que vous
serrerez la main qu’un sincère et vieil ami vous offrira pour vous aider à
traverser une longue et paisible vieillesse.
Malgré l’expression de sécheresse et d’ironie habituelle à sa physionomie,
M. de Bracciano semblait ému en prononçant ces paroles.
Jeanne, au comble de l’étonnement et de la douleur, car l’occasion
qu’elle avait cru rencontrer lui échappait, Jeanne ne put s’empêcher de
lui dire : — Mais, monsieur... ce langage...
— Vous surprend, n’est-ce pas ? Eh ! mon Dieu ! vous êtes si entourée,
je suis moi-même si occupé que je n’ai guère le temps de vous parler...
et puis, je craindrais de me faire haïr en vous importunant davantage...
Je tiens tant à votre affection... Je bâtis tant de châteaux en Espagne,
toujours pour nos vieux jours ! car c’est à cette époque que je vous attends,
et que je veux vous séduire à tout prix, dit M. de Bracciano en
souriant. Puis, prenant la stupeur de sa femme pour un acquiescement
tacite, il reprit : — Ce qui, d’ailleurs, m’enhardit aujourd’hui, c’est que
j’ai à vous parler de ces fonctions de surintendante. Entre nous, je considère
votre acceptation comme très-grave, moins pour le présent peut-être
que pour l’avenir. Et, je vous le répète, ma chère amie, c’est surtout
vers l’avenir que se tournent mes regards, puisque je dois partager
cet avenir avec vous. Ce que je vais vous dire, ajouta M. de Bracciano
en baissant la voix, est du dernier secret. À cette heure, l’empereur domine
le monde. Sa puissance est à son apogée. Il épouse la fille d’un
grand monarque. Mais les plus brillantes fortunes ont leurs revers. Qui
sait si son étoile ne pâlira pas, qui sait si le tout-puissant vainqueur d’aujourd’hui
ne sera pas un jour trahi par le sort des armes auxquelles il
demande trop peut-être ? Dans ce cas... (il faut tout prévoir) l’influence
que votre esprit, que votre charme, vous auront nécessairement acquise
sur l’impératrice, auprès de laquelle vous seriez placée, nous deviendront
d’un puissant secours. S’il y a par malheur une réaction des souverains
légitimes contre les souverains populaires, il se pourrait,
comme le disait l’autre jour votre tante, que l’empereur d’Autriche fût
obligé de faire cause commune avec eux ! Ce serait la cause de l’Europe
contre la France... Alors l’impératrice serait peut-être appelée, sinon à
devenir l’arbitre de ces grands démêlés... du moins à y prendre une
large et glorieuse part ; ... placée entre un père et un époux, sa position,
habilement ménagée, pourrait lui donner une double et puissante
influence... surtout si elle agissait d’après les conseils sages, habiles,
éclairés, d’une amie justement aimée et écoutée. Dans ce cas, quelle
que soit l’issue de la lutte qui s’engagerait entre l’empereur et l’Europe,
l’amie, la confidente, pour ne pas dire la secrète directrice de la fille
des Césars, serait assurée du sort le plus brillant, soit que l’empereur
conservât son trône, soit que les Bourbons revinssent en prendre possession ;
car dans les avis que l’amie dont je parle donnerait à l’impératrice,
les intérêts des princes légitimes seraient plus ou moins vivement
plaidés, selon les circonstances... Je n’ai pas besoin de vous dire
que cette amie appartiendrait, par sa naissance, aux plus anciennes
maisons de France... Eh bien ! Jeanne, ajouta le duc d’un ton de voix
insinuant et contenant à peine les transports d’ambition qui s’élevaient
en lui à cette pensée... Eh bien ! ma chère Jeanne, vous devinez facilement
que c’est cet admirable rôle d’amie éclairée que je désirerais vous
voir jouer auprès de l’impératrice.
— À moi, monsieur ? s’écria Jeanne.
— À vous, ma chère amie, n’en soyez pas étonnée ; vous le remplirez
à merveille, grâce à votre séduction naturelle et aux habiles conseils
d’un homme rompu à la politique de l’Europe, et assez revenu des
exagérations du devoir pour savoir se plier aux circonstances, afin de
les maîtriser à son profit.
La stupeur de Jeanne était si profonde qu’elle ne pouvait répondre un
mot. Son mari, la croyant très-attentive, continua : — Si, au contraire,
les fâcheux événements dont je vous parle n’arrivaient pas, si l’empire
se consolidait, pour être plus restreinte, votre influence n’en serait pas
moins grande, moins utile : l’empereur ne sera jamais dominé par un
ministre... mais il peut l’être par sa femme sans s’en apercevoir... Vous
ne sauriez croire combien il était bon pour l’impératrice Joséphine, et
puis, voyez-vous, avec l’âge, l’ambition s’éteint, on recherche davantage
les jouissances de la famille ; si l’impératrice donnait un fils à l’empereur,
et qu’elle fût habilement dirigée par une amie dévouée, peu à peu
elle finirait par prendre un très-grand ascendant sur Napoléon. Or, avec
de la séduction, vous en avez, avec de l’habileté, on m’en reconnaît,
vous sentez que nous pourrions, vous et moi, diriger et utiliser cet ascendant
à notre gré... et peut-être au profit de notre position...
Craignant d’avoir été trop crûment ambitieux et d’avoir effarouché la
délicatesse de sa femme, M. de Bracciano ajouta : — Vous pourriez
ainsi, par exemple, rendre de grands services au parti royaliste... obtenir
bien des grâces, non pour vous, qui êtes la personne du monde la
plus désintéressée, mais pour les vôtres... Vous comprenez, ma chère
enfant, que tout ceci est fort grave... Je n’en ai jamais dit un mot à
<references/> |
Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1046 | est des sentiments qui ne sont point soumis à cette loi désolante. Vous avez choisi un heureux emploi de votre temps dans les circonstances ; vous observez des objets intéressants, vous augmentez vos connaissances, vous perfectionnez vos facultés et vous retrouverez toujours près de vos amis ces douces affections dans lesquelles un cœur sensible a besoin de se reposer.
{{brn|1}}
{{c|'''399'''}}
{{brn|1}}
{{c|[À BOSC, À PARIS.]}}
{{droite|22 janvier 1791, — de Lyon.|2.5|fs=85%}}
{{brn|1}}
{{gauche|De Lanthenas<ref name=p2-219>Nous donnons ce préambule de Lanthenas, parce qu’il est indispensable, comme on va le voir, pour déterminer la date exacte de cette lettre.
{{brn|1}}
Elle a été publiée pour la première fois — sans le préambule — par Barrière (édit. de 1820, t. I, 342), qui la tenait de Bosc. Mais Barrière et, après lui, Dauban (t. II, p. 577) l’ont datée du 22 janvier 1790.
Elle a paru depuis, en fac-similé, dans le deuxième volume de l’''Isographie des hommes célèbres'' (Paris, 1828-1830, 2 volumes), toujours sous la date de 1790.
La ''Revue rétrospective'' (p. 311-312 du tome V de la 2{{e}} série, 1834) a publié lettre et préambule, mais en gardant la date du 22 janvier 1790 et en attribuant le préambule à Roland.
L’autographe original (3 pages un quart in-4°, dont 2 pour le préambule de Lanthenas) était alors dans la collection de M. de Châteaugiron. Il a passé depuis dans diverses ventes :
1° Collection Benjamin Fillon, n° 1140. Le Catalogue date la lettre du 22 ''juin 1790'' et la dit adressée à Buzot ;
2° Collection A. Sensier, n° 335, vente des 11-16 février 1878. Même erreur sur Buzot. Date, 22 janvier 1790 ;
3° Collection E. Michelot, n° 394, vente des 7 et 8 mai 1880, Eug. Charavay, expert. Date, 22 juin 1790.
(Tous ces trois catalogues donnent des extraits qui ne permettent pas de douter qu’il ne s’agisse de la même lettre.)
Or : 1° Le préambule est de Lanthenas – et non de Roland ‐ comme le {{tiret|consta|tent}}</ref> :|4|fs=85%}}
{{brn|1}}
Nous avons reçu, cher ami, le mot que vous nous avez écrit le 17. Il n’est que trop fait pour ajouter à nos inquiétudes ; les dernières lettres que nous vous avons fait passer les manifestent assez. Nous animons de notre mieux l’esprit public dans les Sociétés et, depuis hier, nous ne désespérons pas de faire faire une adresse vigoureuse aux citoyens de cette ville pour montrer à l’Assemblée nationale que nous ne sommeillons pas non plus dans les provinces. Le défaut d’ensemble, d’esprit et de tactique dans les patriotes est la cause de tous les maux dont nous nous plaignons. Brissot ne se hâte pas de faire usage de ce que je lui
<references/> |
Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/43 | des choses de ce monde ; nous observons quelques-unes de leurs habitudes, nous disons : elles font ceci, travaillent de cette façon, leurs reines naissent ainsi, leurs ouvrières restent vierges, elles essaiment à telle époque.
Nous croyons les connaître et n’en demandons pas davantage.
Nous les regardons se hâter de fleurs en fleurs ; nous observons le va-et-vient frémissant de la ruche ; cette existence nous semble bien simple, et bornée comme les autres aux soucis instinctifs de la nourriture et de la reproduction.
Mais que l’œil s’approche et tâche de se rendre compte, et voilà la complexité effroyable des phénomènes les plus naturels, l’énigme de l’intelligence, de la volonté, des destinées, du but, des moyens et des causes, l’organisation incompréhensible du moindre acte de vie.
{{T4|III}}
Donc, dans notre ruche, l’essaimage, la grande immolation aux dieux, exigeants de la race, se prépare. Obéissant à l’ordre de « l’esprit », qui nous semble assez peu explicable, attendu qu’il est exactement contraire à tous les instincts et à tous les sentiments de notre
<references/> |
Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/149 | {{nr||LA TENTATION DU DÉSESPOIR|157}}« Quand il prononçait le nom de Dieu presque à voix basse, mais avec un tel accent, disait vingt ans après un vieux métayer de Saint-Gilles, l’estomac nous manquait, comme après un coup de tonnerre... »
Nulle éloquence, et même aucune de ces naïvetés
savoureuses dont les blasés s’émerveilleront plus tard, et presque toutes, d’ailleurs, d’authenticité suspecte. La parole du futur curé de Lumbres est difficile ; parfois même elle choppe sur chaque mot, bégaye. C’est qu’il ignore
le jeu commode du synonyme et de l’à-peu-près, les détours d’une pensée qui suit le rythme verbal et se modèle sur lui comme une cire. Il a souffert longtemps de l’impuissance à exprimer ce qu’il sent, de cette gaucherie qui faisait rire. Il ne se dérobe plus. Il va quand même. Il n’esquive plus l’humiliant silence, lorsque la phrase commencée arrive à bout de course, tombe dans le vide. Il la rechercherait plutôt. Chaque échec ne peut plus que bander le ressort d’une volonté désormais infléchissable. Il entre dans son sujet d’emblée, à la grâce de Dieu. Il dit ce qu’il a à dire, et les plus grossiers l’écouteront bientôt sans se défendre, ne se refuseront pas. C’est qu’il est impossible de se croire une minute la dupe d’un tel homme : où il vous mène on sent qu’il
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/101 | l’influence de la marée, ne s’arrêtait qu’à la terrasse du jardin au-dessous de moi, battant d’un côté le quai en demi-cercle que bordent des pignons rouges, étroits, élancés, et de l’autre, un des ponts de Cambridge. En face, par-delà le grand pont jeté hardiment entre les deux villes sœurs qui sont en incessante communication, des collines boisées se découpaient dans l’air d’une pureté cristalline. Les usines, les magasins bâtis à ma droite sur pilotis, faisaient figure de monumens avec leurs tours carrées, leurs massives silhouettes. Les poteaux télégraphiques dont les ombres tremblantes se reflétaient dans l’eau, — mer, fleuve, grand canal ou lagune, — semblaient attendre qu’on y attachât des gondoles. J’aurais pu me croire à Venise, et le calme même des lieux achevait l’illusion. Mais les levers du soleil sur la rivière Charles ne sont rien encore, comparés aux couchans. Je me rappelle, l’hiver, certains dégels opalins, le ciel devenu vers quatre heures d’un rouge vif, puis s’éclaircissant peu à peu et passant par toutes les teintes de l’orange et du jaune verdâtre, jusqu’au bleu le plus franc : eau alourdie et comme somnolente servait de miroir à cette magie. Encore gelée près du bord, elle berçait ses bancs de glace à la clarté des premiers réverbères. Je me rappelle aussi, par des froids implacables, les tons d’aurore boréale du ciel et de l’eau, maisons, bateaux, arbres dépouillés, ressortant sur cet incarnat en un relief noir dont les moindres détails s’accusaient si fermement ; puis l’incendie, devenu fumeux, s’éteignait peu à peu, ne laissant que des cendres, après la disparition d’un gros globe rouge sans rayons, étrange soleil du nord. Dans ce gris mourant s’effaçait la ligne onduleuse des collines. Et le crépuscule une fois tombé, la Charles River ressemblait à un lac d’acier frémissant, où se prolongeaient les lignes de feu allumées sur les quais et sur l’immense pont ; à chaque passage d’un car, invisible dans la nuit, les étincelles jaillissantes embrasaient à la fois toutes les fenêtres des grands bâtimens de la rive de Cambridge qui, par l’effet de cette intermittente illumination prenaient plus que jamais, tout vulgaires qu’ils pussent être en réalité, figure de palais féeriques.
Le climat si variable, avec ses sautes brusques d’un excès à l’autre, explique l’infinie variété du ciel, si différent de celui de France, et encore plus du ciel anglais. J’ai fait le guet, jour et nuit, à cette fenêtre ouverte sur un spectacle changeant et toujours magnifique, sauf quand soufflait quelqu’une de ces interminables tempêtes de neige, dont nous ne pouvons pas nous faire une idée en Europe. Que dire des clairs de lune qui tout à coup les suivaient, moirant par places la rivière à demi gelée où
<references/> |
Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 8, 1855.djvu/109 |
{{brn|2}}
{{img float|file=Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 8, 1855 (page 109 crop).jpg|Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 8, 1855 (page 109 crop)|width=450px|align=center|cap=Mais c’était avec du granit que Zdenko bâtissait... (Page 99.)}}
{{brn|2}}
<section begin="xliv" />{{t2|XLIV.}}
Lorsqu’elle reprit l’usage de ses facultés, se voyant assise sur un lit assez dur, et ne pouvant encore soulever ses paupières, elle essaya de rassembler ses souvenirs. Mais la prostration avait été si complète, que ses facultés revinrent lentement ; et, comme si la somme de fatigues et d’émotions qu’elle avait supportées depuis un certain temps fût arrivée à dépasser ses forces, elle tenta vainement de se rappeler ce qu’elle était devenue depuis qu’elle avait quitté Venise. Son départ même de cette patrie adoptive, où elle avait coulé des jours si doux, lui apparut comme un songe ; et ce fut pour elle un soulagement (hélas ! trop court) de pouvoir douter un instant de son exil et des malheurs qui l’avaient causé. Elle se persuada donc qu’elle était encore dans sa pauvre chambre de la Corte-Minelli, sur le grabat de sa mère, et qu’après avoir eu avec Anzoleto une scène violente et amère dont le souvenir confus flottait dans son esprit, elle revenait à la vie et à l’espérance en le sentant près d’elle, en entendant sa respiration entrecoupée, et les douces paroles qu’il lui adressait à voix basse. Une joie languissante et pleine de délices pénétra son cœur à cette pensée, et elle se souleva avec effort pour regarder son ami repentant et pour lui tendre la main. Mais elle ne pressa qu’une main froide et inconnue ; et, au lieu du riant soleil qu’elle était habituée à voir briller couleur de rose à travers son rideau blanc, elle ne vit qu’une clarté sépulcrale, tombant d’une voûte sombre et nageant dans une atmosphère humide ; elle sentit sous ses bras la rude dépouille des animaux sauvages, et, dans un horrible silence, la pâle figure d’Albert se pencha vers elle comme un spectre.
Consuelo se crut descendue vivante dans le tombeau ; elle ferma les yeux, et retomba sur le lit de feuilles sèches, avec un douloureux gémissement. Il lui fallut encore plusieurs minutes pour comprendre où elle était, et à quel hôte sinistre elle se trouvait confiée. La peur, que l’enthousiasme de son dévouement avait combattue et dominée jusque-là, s’empara d’elle, au point qu’elle craignit de rouvrir les yeux et de voir quelque affreux
<references/> |
Bréal - Mélanges de mythologie et de linguistique, 1877.djvu/13 |
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<br />
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{{c|{{t|HERCULE ET CACUS|250}}}}
{{c|{{t|ÉTUDE DE MYTHOLOGIE (1)<ref>(1) 1863.</ref>.|95}}}}
{{c|{{t|I. – DES MYTHES EN GÉNÉRAL.|90}}}}
L’interprétation du mythe d’Hercule et de Cacus n’est pas le seul objet de ce travail notre but est, en outre, d’exposer suivant quelles lois cette fable s’est développée et de parcourir la série de ses transformations, en remontant jusqu’à sa naissance. Après en avoir recherché l’origine, nous nous proposons de suivre l’histoire du mythe chez les différents peuples qui l’ont reçu, soit par héritage, soit par emprunt nous examinerons comment il s’est modifié et a pris les aspects les plus divers, selon l’esprit particulier des religions où il est entre. De même que l’histoire de certaines familles se confond avec l’histoire générale des nations auxquelles elles ont appartenu, et en offre une image abrégée, les destinées du mythe que nous essayons d’étudier pourront nous faire apercevoir les caractères essentiels des religions dont il a fait
<references/>
{{d|1}} |
Sébillot - Contes de terre et de mer.djvu/224 |
À l’instant, il sentit le château remuer ; et il le vit passer au-dessus des grandes forêts et des vastes mers qu’il traversait en un clin d’œil. Enfin, il le vit s’arrêter au milieu d’un pays où, aussi loin que l’œil pouvait porter, on n’apercevait âme qui vive.
En revenant de la chasse avec son beau-père, le jeune pêcheur arriva sur un tertre d’où il pensait qu’il apercevrait son château mais il fut bien surpris de ne plus le voir. Il tâta ses poches et vit qu’il avait oublié sa tabatière. Le roi, voyant que le château avait disparu, entra dans une grande colère, et il jura sa parole de roi que, si avant deux mois son gendre ne lui ramenait pas la princesse, il le ferait écarteler par quatre chevaux.
Le pêcheur était bien triste ; mais il pensa que ses beaux-frères pourraient lui aider, et il se mit en route pour aller les voir. Il commença par aller trouver le roi des Poissons ; en entrant au palais, il embrassa sa sœur qui était heureuse comme une princesse qu’elle était, et, ayant raconté son malheur à son beau-frère, il lui demanda s’il n’avait pas entendu parler d’un château suspendu au ciel par quatre chaînes d’or.
— Non, répondit le roi des Poissons, je n’en ai point eu connaissance ; mais attends, je pense que dans un instant je pourrai te dire où il est.
Il plongea dans la mer, et il assembla tous ses sujets, depuis la baleine jusqu’à la puce de mer, et il leur demanda s’ils n’avaient point vu un château suspendu par quatre chaînés d’or ; mais ils déclarèrent tous que c’était la première fois qu’ils en entendaient parler. Comme le roi finissait de les interroger, il vit arriver un vieux
<references/> |
Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/318 |
Peveril tressaillit, car c’étaient là en effet les propres paroles de
la comtesse ; mais il se remit à l’instant : « De quelque nature que
soient les rapports qui vous ont été faits, dit-il, je soutiens qu’il
ne peut en résulter contre moi aucune inculpation que l’on puisse
prouver. Il n’existe pas sur la terre un homme plus éloigné que
moi d’une pensée déloyale et plus étranger à tout projet de trahison ;
et ce que je dis pour moi, je le dirai et le soutiendrai de
tout mon pouvoir pour la noble comtesse à qui je dois mon éducation.
— Péris donc dans ton opiniâtreté ! » s’écria Bridgenorth,
et se détournant brusquement, il sortit de la chambre. Julien
l’entendit descendre précipitamment l’escalier tournant, comme
s’il se fût méfié de ses propres résolutions.
Le cœur oppressé d’inquiétude, mais plein de confiance dans
la Providence qui gouverne tout et qui n’abandonne jamais celui
qui est irréprochable et pur, Peveril s’étendit sur l’humble couche
qui lui était destinée.
<br />
{{SDT}}
{{t3|L’ATTAQUE.|CHAPITRE XXV.}}
{{épigraphe|Le cours de la vie humaine est changeant comme les vents inconstants et le ruisseau vagabond, ou comme la danse légère des feuilles d’automne agitées par la brise
dont le souffle impétueux les pousse çà et là, tantôt leur faisant raser la terre, tantôt les enlevant dans les airs : ainsi le destin se joue capricieusement de l’homme, son éphémère et faible vassal.}}
Tandis que vaincu par la fatigue et tourmenté par l’inquiétude,
Julien s’endormait prisonnier sous le toit de son ennemi héréditaire,
la fortune préparait sa délivrance par un de ces caprices
soudains qui trompent les espérances et déjouent les calculs de
l’esprit humain, et, comme elle se sert souvent d’agents fort
étranges pour l’accomplissement de ses desseins, il lui plut d’employer
en cette circonstance le personnage important de mistress
Deborah Debbitch.
Excitée sans doute par le souvenir du temps qui n’était plus,
cette duègne prudente et réfléchie ne se sentit pas plus tôt dans
le voisinage des lieux où elle avait passé les beaux jours de sa vie,
qu’elle se mit en tête d’aller faire une visite à la vieille femme de
charge du château de Martindale, dame Ellesmère, qui, retirée
depuis long-temps de son service actif, demeurait avec son neveu,<section end="2"/>
<references/> |
Sue - Mathilde, tome 5.djvu/127 | côté de la cheminée était la princesse d’Héricourt. Son pâle et doux visage exprimait à la fois la dignité et la plus angélique mansuétude ; elle portait ses cheveux gris bouclés sous son bonnet avec une sorte de coquetterie de vieillesse. Tout en causant avec madame de Semur, cette bonne princesse ne pouvait s’empêcher de regarder quelquefois le prince d’Héricourt avec une sorte de sollicitude tendre et satisfaite.
J’étais toujours émue à la vue de ces deux vieillards, qui avaient traversé d’un pas ferme tant d’époques désastreuses en s’appuyant l’un sur l’autre, et arrivaient au terme de leur longue carrière le front haut, le sourire aux lèvres et les yeux au ciel.
Madame de Semur, assise à côté de la princesse, offrait avec elle un contraste frappant : c’était une femme de quarante ans à peine, dont la physionomie, à la fois noble et piquante, semblait résoudre un problème insoluble : allier le plus grand air du monde aux mobiles vivacités de l’esprit le plus pétillant et le plus imprévu. Enfin, près de la table à thé placée entre les deux fenêtres de ce salon, Emma travaillait à sa tapisserie.
<references/> |
Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/21 | censeurs à leur tour. Vous auriez trouvé dans leurs intérêts
matériels de bien autres adversaires que dans les
routines administratives, et ils vous auraient envoyé
promener, vous et votre pensée, si vous aviez été trop
récalcitrants. — C’est alors que vous auriez regretté
cette bonne vieille censure, avec ses lunettes sans
verre et ses ciseaux mal affilés, dont on raconte les bévues,
le soir au coin du feu, duègne somnolente dont la
Muse vole si facilement les clefs quand elle veut courir
la campagne.
Ce qu’il faudrait, ce que vous voudriez, ce que je voudrais,
ce qui serait plus simple, plus digne et plus honorable
pour tout le monde, ce serait la liberté absolue,
loyale, sans restrictions ni surprises, qui laisserait au
spectateur, ce dont il s’acquitterait fort bien, le droit de
censurer tout seul, et qui ne mettrait pas un tiers entre
le producteur et le consommateur de la pensée. Malheureusement,
c’est un rêve.
« Eh bien, et l’Angleterre, où le mot censure n’existe
même pas ? »
L’Angleterre ! c’est vrai ! quel peuple ! quelle liberté ! Il
y a quinze ans que la France, pays flétri par la censure,
a laissé représenter ''la Dame aux Camélias'', je vous défie
de faire représenter cette pièce à Londres. Elle y est
défendue depuis le même temps. Par qui ? On n’en sait
rien. Quand la censure n’est plus faite par quelqu’un,
elle est faite par tout le monde. Des mots ! des mots ! des
mots ! comme dit ''Hamlet'', né comme tous les chefs-d’œuvre
sous un gouvernement despotique. Savez-vous
ce qui est difficile, quel que soit le gouvernement ? Ce
n’est pas de faire jouer une bonne pièce, c’est de la
faire. Commençons par là. Chef-d’œuvre écrit a le temps
d’attendre<ref name=p21>Au moment où j’imprime ces lignes, j’apprends que ''Ruy Blas'' est de nouveau et définitivement interdit en France. C’est une faute dont l’auteur bénéficiera plus tard et que le gouvernement regrettera bientôt ; mais au moins le {{tiret|gouverne|ment}}</ref>.
Tout à la joie du succès et à l’enthousiasme de la {{tiret|re|connaissance}}
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/256 | Plus loin la multitude des guérites en osier, sorte de fauteuil
américain sur lequel ou aurait planté une étroite capote de
cabriolet. Toutes tournent le dos au vent qui vient de terre et
regardent la mince ligne de l’horizon et la frange argentée du
premier flot. Beaucoup de femmes, en toilettes légères ; peu de
jolies. Myriades d’enfans plus jolis que leurs mères, qui font des
courses, des dessins, des trous dans le sable. Une voiture entre
en pleine eau, ingénieuse machine sur quatre roues hautes.
D’abord un coffre plein prenant le jour de haut, par des lucarnes.
Une tête rose y paraît. C’est la cabine roulante. Y attenant et
derrière une tente ouverte, une porte met en communication la
tente avec la cabine ; un escalier fixe descend sous la tente
de la cabine au flot. Le cocher, haut monté, ne voit rien de ce
qui se passe derrière lui. La voiture va droit au flot, y entre jusqu’aux essieux, se retourne et reste là. Le cheval a de l’eau
jusqu’au-dessus des genoux. La mer arrive, se brise sur l’obstacle, rejaillit sous la voiture, l’entoure d’écumes plus épaisses,
plus blanches, plus continues, et pendant ce temps on aperçoit
de loin à l’arrière un point sombre qui s’agite au milieu du remous blanchissant.
Admirable couleur claire, blonde et simple de tout cela.
Van de Velde est bien sensible : on lui voudrait un œil plus
attentif, une couleur plus vraie, un dessin plus sûr, plus varié,
qui mesurât mieux les grands espaces. Tout cela est plus grand,
plus ouvert qu’on ne l’a fait ; la grandeur en pareil lieu est bien
quelque chose, la couleur vraie d’ailleurs est plus rare. Un œil
moderne, avec l’habitude nouvelle de décomposer beaucoup de
nuances, y trouverait des tons exquis dans l’apparente uniformité
de l’ensemble. Cela fuit, se dégrade, se distingue, se succède à
l’infini. Le sable est gris violâtre, un peu réchauffé, comme
toutes choses humectées, par la montée régulière des marées.
La d’une est pâle, avec des verts tristes ; les chalets de cette
impalpable et forte couleur de brique dans l’ombre, couleur
hollandaise et presque unique dont la peinture ancienne a d’ailleurs très bien donné l’idée !
Que de taches charmantes font les figures ! Comme un noir marque, et comme une couleur claire y délaie une clarté tempérée !
L’horizon est entouré d’orages. Une grande nuée grisâtre,
simple et si bien peinte, s’élève à l’Ouest, et fait paraître la mer
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Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/916 | presque toujours se mélange à l’excès d’acide, prend naissance. Seulement, la liqueur ne restitue plus le métal primitif radicalement
transformé ; le phénomène n’est plus d’ordre purement physique.
Sans nous étendre davantage sur ce sujet par trop technique, notons en passant que l’eau est violemment décomposée par certains
métaux tels que le sodium ; de la soude se forme qui se dissout
dans l’eau et il se dégage tumultueusement de l’hydrogène naissant. En additionnant le sodium de mercure, qui ne prend pas
part à la réaction, le gaz s’échappe aussi doucement qu’on veut ; en
sorte que l’amalgame de sodium est un agent « hydrogénant » ou
« réducteur, » tantôt énergique, tantôt modéré, suivant sa composition. Par cela même, il est constamment employé par les savans
modernes dans leurs opérations de synthèse organique.
Nous venons de prononcer tout à l’heure, à propos du bore et du
silicium, le mot de ''métalloïde''. De même qu’en littérature a tout ce
qui n’est point prose est vers » et « tout ce qui n’est point vers est
prose, » de même pour les chimistes tous les corps simples sont ou
métalloïdes ou métaux. La première de ces deux expressions est
parfaitement impropre ; elle laisserait croire que toutes les substances
non rigoureusement métalliques sont par leurs caractères des
quasi-métaux. Au contraire, il s’agit de matières dont les propriétés
physiques diffèrent essentiellement de celles des élémens bien plus
nombreux rangés dans la seconde classe, tout en variant énormément d’un terme à l’autre de la série. L’iode, l’azote, le carbone
se distinguent tout autant comparés entre eux qu’opposés à l’argent
ou au zinc. Ce n’est guère qu’en lisant des livres de science théorique qu’on peut se rendre compte des différences d’allure si tranchées qui séparent les deux sections au point de vue chimique. Si
les caractères des différens métaux varient beaucoup en énergie, la
tendance générale change médiocrement ; des divergences beaucoup plus nettes séparent les métalloïdes : les transitions sont heurtées et brusques, non-seulement de groupe à groupe, mais d’élément à élément. Mieux encore, ces capricieuses matières ne sont
pas toujours identiques à elles-mêmes ; quelques-unes d’entre elles
peuvent revêtir diverses formes et au changement d’aspect extérieur correspond une modification dans la nature chimique. Expliquons-nous : le gaz oxygène peut, à basse température et grâce à
divers procédés, notamment par l’action de l’effluve électrique, se
transformer en ozone, sans qu’il y ait, bien entendu, aucune absorption de matière. L’ozone chauffé redevient oxygène facilement, trop
facilement même au gré des chimistes, et cette modification du gaz
vital est douée d’une odeur sulfureuse spéciale, d’une saveur caractéristique analogue à celle du homard, au lieu que la substance
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Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/697 | son enfance, on lui fit étudier les lettres. Ses progrès
furent prodigieux ; mais il se sentait entraîné
ailleurs par sa vocation, au grand déplaisir de
Ser Brunellesco, qui le destinait à l’état de notaire
qu’il exerçait lui-même, ou à celui de médecin, dans
lequel s’était distingué Maestro Ventura Bacherini.
L’aptitude du jeune Filippo pour toutes les choses
d’adresse, et son intelligence pour les ouvrages de
la main, déterminèrent enfin son père à le placer
chez un orfèvre de ses amis, après lui avoir fait
apprendre l’arithmétique. Filippo travailla avec
ardeur, et ne tarda pas à savoir monter les pierres
fines, mieux que les plus anciens du métier. C’est
alors qu’il exécuta les deux Prophètes en argent qui
ornent l’autel de San-Jacopo de Pistoia, et des bas-reliefs
qui annoncent que son génie devait le pousser
vers de plus hautes entreprises. Il rencontra des
artistes laborieux, qui lui dévoilèrent les secrets de
la physique et de la mécanique, et bientôt il produisit
des horloges d’une beauté extraordinaire. Il
aspira ensuite à devenir l’émule du jeune sculpteur
Donatello, avec lequel il se lia d’une telle amitié,
qu’il semblait ne pouvoir vivre sans lui. Tout en se
livrant à ces nombreuses études, Filippo prouva
qu’il était habile architecte, en présidant à la construction
de la maison de son parent Apollonio
Lapi, et de la tour della Petraia, à Castello, hors
de Florence ; et en opérant diverses distributions
dans le palais de la Seigneurie, qu’il décora de
portes et de fenêtres imitées de l’antique, qui alors
était si peu usité en Toscane.
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Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/197 | }}ma face, tu as ému le sang de mes aïeux, surtout
celui d’un père qui a travaillé dans la cuisine d’un
duc ; il faut à l’instant que j’apaise leurs mânes
irritées par la vengeance que je vais tirer de ton
audace » : il me roua de coups, j’échappai heureusement,
je sortis de Paris, je demandai mon pain
dans les environs de Tours. Je restai quinze jours à
Chenonceaux, où je vis l’entrée de M. l’Archevêque.
Les paysans avaient fait des préparatifs pour
fêter Sa Grandeur ; et pour la recréer noblement, ils
avaient appelé le sieur Bienfait, qui faisait alors
danser les marionnettes dans la Touraine. Ce dernier,
de concert avec les fortes têtes de Chenonceaux,
arrangea l’entrée triomphante de M. de
Fleury. On avait tapissé une charrette à deux roues,
de tentures de lit de diverses couleurs. Le char
était tiré par deux bœufs enjolivés comme celui du
Mardi-Gras. On alla à la rencontre de Sa Grandeur,
on la fit monter dans sa voiture. Le bailli du village
se plaça derrière Monseigneur, en soutenant
sur sa tête un parasol de papier vert ; Bienfait précédait
le char en sonnant de la trompette. Cette
pompe avait l’air de l’arrivée d’un charlatan sur une
place publique ; la mine petite et mystique du
prélat réchauffait infiniment cette cérémonie.
Le soir, on donna le spectacle des marionnettes à
Sa Grandeur. Les paysans avaient une confrérie de
Saint-Roch. Ils voulaient obtenir la permission de
l’Archevêque, d’exposer le Saint Sacrement le jour
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{{d|12|4|fs=90%}} |
Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/130 | non-seulement vous connaissez mal M. Lewes, mais vous ignorez les changemens qui se sont faits en moi dans les dernières années... Mais il est une chose du moins que je puis vous dire. Les liens formés et rompus à la légère sont ce que je n’accepte pas en théorie et ce que je ne pourrais admettre dans ma vie. Les femmes qui se contentent de ces sortes de liens n’''agissent pas'' comme je l’ai fait. Qu’une personne élevée au-dessus des opinions du monde, affranchie des superstitions et suffisamment familière avec les réalités de la vie, déclare que mes relations avec M. Lewes sont immorales, je ne puis me l’expliquer qu’en me rappelant toute la subtilité et toute la complexité des influences qui façonnent l’opinion. Mais je fais en sorte de m’en souvenir et je ne me laisse pas aller à des pensées arrogantes ou peu charitables sur le compte de ceux qui nous condamnent, alors même que nous avions le droit d’attendre d’eux un verdict un peu différent. » (Lettre du 4 septembre 1855.) A une autre correspondante elle déclare sa volonté formelle d’être appelée désormais Mme Lewes. — « J’ai accepté et supporté, ajoutait-elle, toutes les responsabilités d’une femme mariée, et lorsque je vous aurai dit que nous avons trois grands garçons qui m’appellent : « mère » vous comprendrez que ce n’est pas seulement par égoïsme ou par dignité personnelle que j’invite toute personne qui me respecte à ne plus me désigner par mon nom de fille. »
A ne juger que superficiellement, la suite donna un démenti à la fameuse théorie sur laquelle George Eliot, romancière, devait échafauder tout son système de morale et qu’elle a exposée dans maint endroit de ses ouvrages, entre autres dans ces lignes de ''Romola'' : « Nos actions sont comme nos enfans, qui vivent et agissent en dehors de notre propre volonté. Bien plus, on peut étrangler des enfans, des actions, jamais : elles possèdent une vitalité indestructible, à la fois en nous et hors de nous. » Miss Evans parut aussi heureuse avec Lewes que si leur bonheur avait été légitime. Elle reconquit en partie ses amis et, sur la fin, le monde, à force de dignité et de tenue. Elle eut la gloire, elle fut aimée comme elle avait rêvé de l’être et, ce qui est plus extraordinaire que tout cela, elle n’expia pas plus au dedans d’elle qu’au dehors. Loin de subir l’espèce de détérioration morale qui est la suite habituelle et la punition de la faute, son âme alla s’épurant et s’élargissant, preuve bien forte, en l’absence du bienfait du remords, de la sécurité de sa conscience.
Il fallait pourtant que justice se fît. Elle éclata aux yeux lorsque vint cette gloire si peu attendue en 1854. « Elle croyait savoir, dit lord Acton, ce qu’elle avait perdu en suivant Lewes, elle ne le savait pas. Ce qu’elle sacrifia en réalité, ce fut la liberté de la
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Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/173 | ne peuvent non plus servir l’humanité par les dons qui sont propres à l’homme et le rapprochent des dieux. Ils n’ont ni temples, ni statues, ni théâtres, ni musées. Ils disent qu’ils n’en ont pas besoin. Le meilleur moyen de ne pas rougir de sa propre bassesse, c’est de mépriser la noblesse. C’est ce qu’ils font. Ils sont impies. Ils refusent de reconnaître les dieux et leur intervention dans les affaires humaines. Ils ne reconnaissent que le Père de leur Maître, qu’ils appellent leur Père, et qui, disent-ils, leur a {{corr|révelé|révélé}} tous les secrets de la vie. Leur doctrine est une misérable tromperie. Comprends bien ce que je vais dire. Notre croyance à nous est que l’univers est maintenu par les dieux qui veillent sur les hommes et les protègent. Pour vivre bien, les hommes doivent honorer les dieux et rechercher la vérité et la justice. Par conséquent, d’un côté c’est la volonté des dieux qui guide notre vie, de l’autre, la sagesse collective du genre humain. Nous vivons, nous pensons, nous cherchons, et, aussi nous nous rapprochons de la vérité. Les chrétiens, au contraire, n’ont ni dieux, ni volonté divine, ni sagesse humaine, ils n’ont qu’une chose : la foi aveugle en leur maître crucifié et en ce qu’il leur a enseigné. Maintenant décide toi-même ce qui doit nous guider plus sûrement : la volonté des dieux et l’activité et la sagesse de toute l’humanité, ou la foi aveugle dans les paroles d’un seul homme ?
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Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/426 | la formation. » C’était là une constatation dont il eût fallu que les
représentans successifs de la France à Philadelphie tinssent, pendant toute cette période, un plus large compte, mais combien
souvent encore en devaient-ils méconnaître l’instructive vérité !
{{c|III}}
La mission confiée à Fauchet et à ses collègues, qui avait duré un
peu plus d’un an, prit fin après le 9 thermidor ; la fraction modérée
de la Convention, qui arriva alors aux affaires, s’empressa de révoquer leurs pouvoirs et de les remplacer par un seul plénipotentiaire, auquel le nouveau Comité de salut public, qui comptait notamment parmi ses membres Eschasseriaux, Treilhard, Fourcroy, Merlin (de Douai), remit de très sages instructions<ref> Le plénipotentiaire tout d’abord désigné avait été Oudart ; mais celui-ci n’avant pas accepté, ce fut Pierre-Auguste Adet, ministre de France à Génère, qui le remplaça et reçut ces instructions. Adet arriva à Philadelphie le 13 juin 1795. </ref>. En
appelant son attention sur les principales clauses des traités conclus
et à conclure, on recommandait au nouveau ministre de s’appliquer à gagner la confiance du Président et du Congrès, « de mettre
dans ses communications officielles le calme et le sang-froid qui
caractérisent toutes les démarches du gouvernement américain, »
et aussi « de ne s’en permettre aucune qui pût donner ombrage
aux citoyens des États-Unis à l’égard de leur gouvernement. » Tout
en ayant soin de se lier avec le parti favorable à la France, le
nouveau ministre ne devait, cependant, pas repousser les avances
qui pourraient lui être faites par l’autre parti. Il devait user de ces
bons rapports pour négocier un emprunt de trente millions en
insistant auprès de tous sur l’intérêt qui devait déterminer les
États-Unis à aider la France, « puisqu’il n’y avait pas de doute qu’il
existât contre eux une alliance offensive et défensive entre l’Angleterre et l’Espagne, » ces deux puissances s’appuyant réciproquement dans leurs prétentions, l’une en gardant les ports de l’Ouest,
l’autre en fermant le Mississipi et en excitant contre l’Union
américaine les Indiens de ces contrées. A une heure où il n’était
que trop notoire que la République française était sous le coup des
plus graves embarras financiers, on ne facilitait guère, ce semble,
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Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/979 | Constantinople pour le règlement de l’affaire bulgare, les propos belliqueux attribués à M. de Moltke, le discours du statthalter d’Alsace-Lorraine, les articles de la ''Gazette de Moscou'', le désastre des Italiens
à Massouah, la crise ministérielle qui s’en est suivie à Rome, le vote
des 86 millions du budget extraordinaire de la guerre à Paris et les
commentaires de la presse allemande sur ce vote.
La conviction bien arrêtée que toute cette agitation, si dangereuse
pour le maintien de la paix, au cas où la France se fût montrée moins
calme et moins réservée, n’a pour objet que d’assurer le triomphe du
septennat dans le prochain Reichstag, explique suffisamment que la
réaction n’ait pas fait de nouveaux progrès depuis la liquidation.
Le marché est en effet devenu beaucoup plus calme; il subit encore
quelques mouvemens brusques en hausse ou en baisse; cependant les
grands coups de panique ne se sont plus reproduits. Les écarts d’un
jour à l’autre sont moins considérables, et les tendances sont, sinon à
la hausse, du moins à la consolidation des cours. Du reste, les transactions sont en quelque sorte suspendues. Malgré l’importance extraordinaire des paiemens à effectuer après la liquidation, les intermédiaires se sont tirés à leur honneur de ce pas difficile. Tous les
engagemens ont été réglés, mais cette ponctualité si remarquable n’a
pas été obtenue sans de grands sacrifices. Aujourd’hui, les intermédiaires conservent une grande défiance à l’égard les uns des autres, et
non pas seulement à l’égard de certains de leurs cliens. Les crédits
sont étroitement limités, et les ordres à terme reçus avec circonspection.
Quant au marché du comptant, il a montré pendant quelques jours
d’excellentes dispositions. Les capitaux semblaient vouloir revenir en
masse à la Bourse. Sur les fonds publics, la demande était très empressée, et l’on cotait des cours bien plus élevés qu’à terme. On a
atteint ainsi jusqu’à 79 francs sur le 3 pour 100 et 83 francs sur
l’amortissable. On commençait à escompter des rentes, comme si le
titre allait faire brusquement défaut.
Cette ardeur de l’épargne s’est bientôt attiédie, et même, vers la fin
de la semaine, transformée en un semblant de méfiance. Le vote malencontreux de la chambre en faveur de l’établissement, à partir de
1888, d’un impôt sur le revenu, n’a pas été étranger à ce fâcheux
revirement. Il est incontestable, au surplus, que dans l’innombrable
armée des porteurs d’obligations quelques-uns ont pris peur, ou du
moins ont pensé que la situation comportait des mesures de prudence.
De là des ventes de titres assez continues pour que la plupart des catégories d’obligations, soit du Crédit foncier, soit des compagnies de
chemins de fer, aient fléchi depuis le commencement de la crise d’une
dizaine de francs.
Dans quelques semaines, lorsque les appréhensions relatives à
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Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/666 |
Oui, la police américaine est brutale. Si cela est vrai, pourquoi le cacher ? le soir de l’incendie du temple maçonnique, Riis vit un agent frapper de son bâton, en l’injuriant, le général Grant lui-même, qui, sans se faire reconnaître et trop bien enveloppé d’un manteau d’où n’émergeait qu’un bout de cigare, s’était engagé dans une rue barrée. Grant tourna les talons et ne réclama pas. Après tout, la sentinelle s’était acquittée de sa consigne, mais le coup de bâton était de trop.
Plus tard, en Angleterre, visitant, dans les bas quartiers de Londres, des bouges qui ne valent guère mieux que ceux de New-York, Riis s’étonna que la police n’intervînt pas davantage.
L’agent qui le conduisait répondit que ces individus étaient en somme chez eux, et parut stupéfait lorsqu’il apprit qu’en Amérique la police entre partout, fût-ce au milieu de la nuit ; qu’elle jette dehors ceux qui s’obstinent à coucher dans des caves ; et qu’on en ferme la porte à clef derrière eux pour les empêcher de rentrer. Encore Riis ne lui parla-t-il pas des coups de revolver tirés impunément dans l’oreille des dormeurs, sous prétexte de photographie.
— Je croyais que votre pays était un pays libre, dit l’agent.
Ce mot a dû être prononcé bien souvent par les pauvres diables d’émigrans persuadés qu’en touchant le sol de la grande République ils seront autorisés à toutes les licences.
L’avènement de M. Théodore Roosevelt au poste de président de la police inaugura ce que Jacob Riis appelle l’âge d’or de Mulberry Street : le triomphe de la force morale et d’une discipline fondée sur le devoir. M. Roosevelt prétendait tout vérifier par lui-même et appliquer énergiquement de prompts remèdes. La lecture de ce livre poignant : ''Comment vit l’autre moitié'' lui avait donné la très juste idée que, dans les cercles de l’enfer, où s’exerçait momentanément son pouvoir, il ne pouvait avoir de meilleur guide que Jacob Riis. Avec lui il entreprit pendant deux ans ces fameuses rondes de nuit qui le firent surnommer Haroun-al-Roosevelt (avec accompagnement de calomnies), tournées dont beaucoup de bien sortit pour la ville de New-York. C’est au cours de l’une d’elles que Riis le conduisit dans le logement de police où, vingt-cinq années auparavant, pauvre petit émigrant sans asile,
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