bien
on va d'abord euh
disons pour ouvrir la discussion et ch-
je pourrais peut-être vous demander
de nous expliquer comment vous voyez le rôle
euh de la presse locale dans une ville comme Orléans
alors c'est évidemment un
sujet assez vaste
je crois que
il faudrait peut-être euh situer le rôle de la presse euh à Orléans en fonction du rôle de la presse
régionale en France sur un plan un peu plus général
car euh il est certain que le
le visage de la presse régionale a beaucoup changé depuis la guerre
je crois que quelques chiffres le le disent le montrent
c'est ainsi par exemple que qu'avant la guerre le tirage euh
global des quotidiens parisiens
était très nettement supérieur aux tirages d'ensemble euh de la presse régionale
bon cette situation s'est complètement renversée
c'est-à-dire qu'à la suite euh de difficultés euh qu'a connue la presse parisienne
euh son tirage est nettement moindre que celui de la presse régionale
pourquoi?
je crois parce que les journaux régionaux se sont équipés
euh c'est pas sans une certaine satisfaction que je vais vous dire par exemple que la République du Centre où vous êtes en ce moment
est en train de prendre une position de pilote un peu puisque dans quelques mois euh nous serons le premier quotidien français à utiliser l'offset
hm hm
nous sommes en train de construire une usine
qui est en fait est construite d'ailleurs complètement il n'y manque plus que euh
l- les installations techniques proprement dites
la pièce essentielle notamment qui est la rotative et si nous sommes un peu en retard je suis au regret de vous dire c'est la faute à l'Angleterre
c'est la faute à l'Angleterre car cette rotative euh
américaine est construite sous licence en Grande-Bretagne
et qu'elle devait être là le 15 juin et qu'on l'attend encore
bon
mais enfin ceci dit ne désespérons pas elle est annoncée pour la semaine prochaine
la rotative se fait attendre
je vous autorise
nan je vous dit ça en toute amitié ça n'est qu'une parenthèse
donc nous allons euh tenter une expérience qui n'est pas sans
sans risque sûrement car
on va complètement comme on dit chez nous changer notre fusil d'épaule
au point de vue technique on va aborder des technique entièrement nouvelles
qui posent des problèmes très sérieux en particulier de reconversion du personnel
ça va même jusque au plan social puisque
nous nous sommes promis de ne nous priver d'aucun de nos collaborateurs bon
certains sont très anciens
on va essayer de les reconvertir euh
nous avons déjà des techniciens qui ont fait des stages euh non seulement en Grande-Bretagne mais aux Etats-Unis
et on pense que ça va marcher
alors ça c'est pour vous donner un exemple de
un certain dynamisme je crois de la presse euh régionale qui
est peut-être euh d'un point de vue alors euh administratif un peu plus
un peu plus raisonnable un peu plus sage que la presse de Paris qui pense euh plus à l'avenir qui pense plus à ses investissements
euh il est certain qu'on ne vit pas du tout ici et surtout chez les journalistes on ne vit pas du tout
comme vivent nos confrères de Paris
euh les gens travaillent plus généralement
les états majors sont beaucoup moins étoffés
et
en revanche euh
comme je vous le disais on se soucie beaucoup plus de l'efficacité euh
et des problèmes de gestion d'une maison ce qui nous permet souvent d'aller de l'avant
alors voilà une illustration du
euh du comportement de la presse régionale en France
alors il y a d'autres euh éléments bien sur qui sont entrés en ligne de compte euh
et en particulier les moyens de transmission moderne les moyens de télécommunication
qui font que avant la guerre euh
les dernières nouvelles on était obligé de les
prendre par téléphone euh ça supposait une sténo ou quelques fois même un rédacteur avec un casque
qui prenait le
le dernier coup de fil de l'agence Avas euh éventuellement des agences étrangères
mais c'était bien rare
ce qui fait que les toutes dernières nouvelles bah c'était
c'était quelques lignes dans un coin de la première page maintenant avec les téléscripteurs avec les transmissions de photos par fil ou par radio
on est pratiquement aussi bien informé que les journaux de Paris et aussi vite
hm hm
et
hein on notre euh notre euh papier arrive beaucoup plus vite près du client que celui des journaux de Paris
c'est ainsi par exemple que le
le Figaro qui est
un des grands journaux parisiens qui est un journal euh très estimable et très bien fait
pour arriver dans certains coins de province en France
est obligé de boucler une édition le soir assez tôt
aux alentours souvent de vingt et une heures
alors que nous on peut diffuser une nouvelle qu'on reçoit ici jusqu'à une heure du matin et
quelques fois même plus tard
hm
ça c'est je crois notre force
autrement dit nos moyens d'informations nous ayant mis sur un pied d'égalité avec les journaux de Paris
on est arrivé avec de nos moyens techniques à les battre sur le plan de l'information
en outre on arrive à donner
aux à nos lecteurs des des informations de caractère local et régional que
les journaux de Paris ne peuvent pas donner
en conclusion je crois qu'on arrive euh à avoir un journal plus complet
il est souvent pas aussi brillant parce que comme je vous le disais les états majors ne sont pas
si nombreux euh il faut dire aussi que les
souvent les les très bons journalistes sont tentés d'aller à Paris
et qu'en un certain sens on peut dire que
c'est peut-être mieux fait à Paris
mais finalement je crois que lecteur est sensible au fait que son journal régional
euh le satisfait
voilà en
d'une manière générale ce que je peux vous dire
hum
qu'est-ce que le lecteur euh attend
dans euh dans votre journal ? vous avez parlé des informations
oui alors ce que j- ce que je peux peut-être ajouter c'est que
euh l'évolution dont je viens de vous parler
s'est doublée d'une autre évolution
qu'on peut regretter peut-être d'un certain point de vue c'est que euh autrefois et notamment avant la guerre
le journal régional était souvent
assez nettement marqué au point de vue politique
représentait euh
quelque fois un groupe d'intérêts dans une ville
où il était le plus souvent je crois euh conservateur par exemple
et peu à peu
l- la tendance politique du journal s'est un petit peu estompée
ça c'est un fait
on a voulu faire de la grande information de l'information pure dans la mesure où c'est possible
j'en suis pas très sûr car
on ne peut pas rendre compte d'un évènement sans prendre une position aussi discrète qu'elle soit
mais enfin je crois que c'est un des traits aussi de cette évolution on fait de l'information
sur les grands sur les grandes options euh il est pas possible
que le journal ne
s'encombre d'une position très très marquée
c'est euh il est pas possible qui qu'elle ne se manifeste pas d'une façon ou d'une autre sur un grand problème comme je ne sais pas euh je pense euh en particulier à l'Algérie
ah il était difficile de de de ne pas marquer sa position
maintenant on
on a on a fini par euh essayer de ne pas heurter
le le sentiment politique du lecteur
c'est peut-être pas très courageux c'est peut-être pas très noble euh ça répond peut-être surtout à des
préoccupations commerciales mais c'est un fait c'est comme ça
et je crois que c'est une des raisons pour lesquelles l'audience des des grands régionaux s'est s'est élargie
et dans la mesure où le Français s'intéresse encore à la politique
euh je suis pas très sûr de
de l'ampleur de cette mesure
dans cette mesure je crois que quelqu'un qui s'intéresse vraiment à la politique en arrive à prendre euh
euh son journal régional et à chercher dans un organe parisien ou national
euh les éclaircissements ou les satisfactions qu'il attend
je crois que c'est comme que ça se passe maintenant
hm hm
sur le plan euh local et régional
il faut bien dire que euh
de plus en plus je crois que c'est un des traits de notre époque euh
l'économique prend le pas sur le politique
et qu'on se soucie davantage euh à Orléans par exemple ou dans d'autres villes
euh des problèmes qui tiennent qui concernent l'équipement de la ville des grands travaux des choses comme ça
et où la politique intervient quand même de moins en moins
hm
voilà
est-ce qu'il y a eu un développement de votre journal qui
oui alors le développement est est très réel
euh
je peux vous le situer en quelques chiffres
ce journal avait pratiquement été fondé à la libération du territoire c'est-à-dire en quarante euh quatre
il a pris la succession d'un d'un d'un autre journal
qui euh à la sui- à la fin de l'occupation avait été interdit
vous savez que c'est une mes- que ça a été une mesure générale
et que les journaux qui avaient paru sous l'occupation allemande n'avaient plus le droit de reparaître à la fin de cette occupation
bon
ce journal s'appelait celui dont nous avons pris la succession s'appelait le Républicain orléanais
et euh au mois d'août mille neuf cent quarante-quatre quand les troupes euh
alliées nous ont délivré
le Républicain n'avait plus le droit de paraître
pendant quelques jours
le commissaire de la république qui était le représentant du pouvoir du gouvernement sur le plan régional
a autorisé la parution d'un petit bulletin d'information compte-tenu des circonstances il était tout petit
y a avait pas de papiers y avait pas beaucoup de courant bref
ça a duré quelques quelques semaines
et puis
un beau jour et
on a vu paraître la République du Centre qui prenait la succession du Républicain orléanais
avec un état major rédactionnel d'ailleurs
euh à peu près inchangé car euh
les journalistes du temps plus librement j'en faisais pas partie j'étais trop jeune pour ça les journalistes qui avaient assuré la parution du Républicain
sous l'occupation ne s'étaient pas compromis bien au contraire
si vous voulez c'est le
euh le capital euh la propriété qui a été dé- dessaisie
de son autorité sur le journal une nouvelle société s'est constituée
et le journal est reparti
je crois qu'à ce moment-là à la fin de l'occupation le Républicain orléanais devait tirer à vingt-deux mille exemplaires par jour c'était donc un petit journal
nous approchons maintenant les quatre vingt mille c'est-à-dire que
bien sûr on
a fait quelques efforts et que ces efforts ont donné un résultat
l'évolution sur le plan de
du tirage ou de la circulation comme on dit chez vous
est-ce que l'expansion de la ville
euh
alors l'expansion de la ville bien sûr ça s'explique de dans une certaine mesure
par euh l'expansion de la ville mais dans une une mesure euh très partielle car euh la population n'a pas
quadruplé
oui
en vingt ans
pas du tout parce qu'il devait y avoir à Orléans
en mille neuf cent quarante-quatre euh quelque chose comme euh soixante dix mille habitants
y en a maintenant environ quatre-vingt-dix mille
c'est vous dire que l'augmentation du tirage est nettement supérieure à l'accroissement de la population
oui
non c'est plutôt je crois que nous nous sommes étendus nous avons d'abord un petit peu étendu notre zone de diffusion car avant
nous étions en
plus cantonné à Orléans et dans la région orléanaise
nous avons
complètement
euh saturé le département du Loiret
et en outre nous avons fait notre apparition dans un département voisin qui est celui de l'Eure-et-Loir
dont Chartres est le chef-lieu
et nous avons euh acquis une position très forte
en Eure-et-Loir nous rayonnons maintenant sur deux départements en gros
plus la frange de quelques autres départements limitrophes
est-ce que vos lecteurs euh appartiennent plutôt à euh certaines catégories sociales
plutôt
non je n'ai pas les statistiques
sous la main mais
euh
nous nous atteignons à peu près tous les milieux
tous les milieux aussi bien le l'ouvrier que le cadre supérieur ou les personnalités locales euh
tout le monde lit la République du Centre pour être complet il faut quand même que je dise
que nous avons ici un concurrent qui s'appelle la Nouvelle république
dont le siège est à Tours qui est un grand régional qui est nettement plus important que nous car je crois qu'il tire aux environs de trois cent mille exemplaires par jour
ils rayonnent eux sur notre département
mais le département du Loiret où nous sommes est leur département le plus faible
leur tirage est vraiment très modeste euh dans le Loiret et ils ne vont pas du tout en Eure-et-Loir qui est notre deuxième département
voilà en gros la situation
bon est-ce que je pourrais vous poser une question ?
bien sûr
presque certainement indiscrète euh sur le financement de la gestion de ce journal parce que vous avez parlé tout à l'heure du tirage
oui
de la République du centre
oui oui
étant quatre-vingt mille exemplaires par jour
oui
ce qui de mon point de vue depuis depuis longtemps
m'étonne un peu j'ai dans la mémoire le cas d'un quotidien anglais
décédé
oui
parce que
avec son tirage quotidien de presque deux millions d'exemplaire ce n'était plus rentable
ah oui alors
comment
comment arrivez-vous à vivre sur un tirage de quatre-vingt mille par jour ?
oui alors euh bien sur je comprend euh que cette question vous vienne à l'esprit
euh je vous av- je vous avoue que moi-même je me suis souvent interrogé là-dessus
et je crois que euh
et je crois que il faut absolument euh se sortir de l'idée chasser de cette idée
euh la thèse selon laquelle euh la prospérité d'un journal est proportionnelle à son tirage ça c'est complètement faux
nous avons nous aussi
euh en France
des journaux qui
euh sans sans doute atteindre les deux millions d'exemplaires atteignent facilement un million je pense à France soir
euh ce n'est un secret pour personne
que France soir est un journal qui connaît des difficultés financières
je crois que d- la prospérité d'un journal dépend euh de l'équilibre qu'on arrive à établir
entre euh ses dépenses et ses recettes c'est tout simple
c'est une affaire de gestion et il se trouve que
ici nous avons réussi à proportionner nos dépenses à nos recettes et à même faire en sorte que les recettes l'emportent sur les dépenses
euh nous avons sans faire appel pratiquement enfin je ne suis pas dans les secrets de l'administration du journal mais nous avons quand même investi
près d'un milliard d'anciens francs dans l'usine dont je vous parle
doit faire dix millions de nouveaux francs
si je compte bien
sans pratiquement recours euh à des emprunts
nous avons fait ça uniquement en auto-financement
je connais peu de journaux
même euh d'un tirage très supérieur au nôtre qui seraient en mesure d'en faire autant
alors euh
le prix de vente d- il faut dire je crois d'abord que nous sommes parmi les journaux nous ne sommes pas les seuls
mais nous sommes parmi les rares journaux et
ce sont presque toujours des provinciaux même toujours des provinciaux
chez qui
le prix de vente du journal
représente
une part des recettes
au moins égale ou supérieure aux recettes d'ensemble
je veux dire que la publicité
ne joue pas chez nous un rôle aussi considérable que dans les grandes publications
c'est déjà un q- un équilibre très important et qui est la base de la réussite
si vous voulez la publicité
et les ret- nos recettes publicitaires compte tenu de notre taille sont appréciables
je dirais pas que c'est du bénéfice mais presque
alors voilà le secret
alors bien sûr j'ai j- j'y ai fait allusion tout à l'heure
pour qu'une maison marche comme ça
cela suppose que euh
on ait du personnel euh rédactionnel en particulier
qualifié bien sûr mais qui surtout n'ait pas peur du travail
car je vois souvent je travaille aussi avec euh des journaux de Paris ça m'est arrivé j'ai de bons camarades
dans des journaux de Paris
je suis toujours un petit peu étonné
par euh la modestie du travail qu'on leur demande
je connaît des reporters qui sont quinze jours
sans faire un papier
car ils appartiennent à une équipe nombreuse
ou dans laquelle on prélève euh par exemple une équipe composée d'un chauffeur d'un reporter d'un reporter photographe qui s'en vont à l'autre bout de la France pendant deux ou trois jours
qui téléphonent un papier de cinquante lignes qui prennent leur temps pour rentrer
c'est pas une critique inamicale que je fais mais c'est ainsi
qui reviennent avec une note de frais considérable
et finalement ça coûte très cher
or nous étant donné que notre région d'action est petite
les déplacements
prolongés sont rares
le plus souvent les journalistes traitent plusieurs affaires dans la journée
il arrive même euh non pas chez nous je dois dire car on est organisé autrement mais je pense à mon confrère de la Nouvelle république qu'il n'y ait même pas de reporter photographe
que le journaliste fasse ses propres photos
tout ça ça réduit les frais considérablement
et euh
je crois que le ce qui est important c'est
la limitation du rayon d'action
alors il se trouve que oui en effet c'est paradoxal mais c'est comme ça
avec quatre-vingt mille exemplaires on arrive à vivre et très bien
et ça nous permet
d'aborder des techniques nouvelles
euh que les grands journaux sont pour l'instant
bien incapables euh d'aborder
il est absolument impensable
qu'un grand journal euh parisien euh se lance en ce moment dans l'offset
pour des raisons d'investissements et je dois dire aussi pour être euh
précis
que l'offset n'est pas pour l'instant
accessible à à des gros tirages
pour des raisons techniques
car y a pas encore de rotatives qui débitent
un nombre d'exemplaires supérieur à deux ou trois cent mille je crois enfin c'est l'affaire de techniciens
voilà j'ai pas peut-être répondu très clairement à votre question mais enfin c'est
voilà quelques éléments qui qui l'éclaircissent un peu
ah si est-ce que je pourrais maintenant vous poser encore une question ?
hm hm
sans doute indiscrète
vous avez dit que
votre rayon d'action est relativement restreint
oui
bon dans ce cas-là comment est-ce que vous faites pour les grandes nouvelles nationales ou pour les nouvelles internationales ?
alors nous sommes euh notre principale source c'est l'Agence France Presse avec laquelle nous sommes reliés
par euh télétype bien sûr
c'est la principale nouvel- c'est la principale source nous avons aussi des collaborateurs à Paris
qui sont euh quelques fois les collaborateurs occasionnels euh
euh dans des domaines un petit peu spécialisés comme euh
euh la chronique judiciaire euh la chronique parlementaire
mais notre principale source c'est l'Agence France Presse
bien sûr euh
ça a un inconvénient il faut le dire ça a un inconvénient
c'est que tous les journaux régionaux
étant aban- euh et nationaux aussi
et même les étrangers
enfin les journaux régionaux ayant pour principale source cette Agence France Presse
on arrive à trouver dans les informations générales une espèce d'uniformité
c'est-à-dire que dans toute la France à peu près
sur un grand sujet national ou international vous retrouverez
pas toujours le même texte car on a la coquetterie généralement de revoir un peu les choses de les arranger
et puis le titre-même la place l'importance donnée à une information
change l'éclairage que l'on donne à une information
donnée mais
en fait on arrive à une certaine uniformité et l- l'originalité
la personnalité du journal il faut bien le dire
apparaît maintenant surtout dans les chroniques régionales et locales
ça c'est un fait
est-ce qu'il y a eu depuis la guerre euh
une évolution dans l'importance relative des différentes rubriques ?
oui sans doute
maintenant comment la préciser
vous savez là on aborde un petit peu
ces très graves problèmes euh
que entre nous avec la direction nos nous agitons quelques fois
la question est de savoir
qui
du journal ou des lecteurs
a le plus d'influence
sur la physionomie du journal
est-ce que c'est le journal qui guide le lecteur ? le tient un petit peu par la main lui impose euh dans une certaine mesure aussi euh
euh une certaine mode euh
lui
lui assigne les sujets qui méritent le plus d'intérêt
où est-ce que c'est le goût du lecteur qui influence le journal ? y'a un peu les deux
je serais d'ailleurs tenté de dire que
c'est souvent le lecteur qui qui fait la loi
car on est malheureusement peut-être tenté de lui offrir ce dont on est ce dont on sait
il lui plaira
ça
c'est c'est le au fond c'est le grand problème de conscience du journaliste
est-ce que vous pouvez précisez enfin quelles sortes de lois
et je pense surtout aux faits divers
je pense surtout aux faits divers
il est certain que
beaucoup de journaux ont
ont mis l'accent euh sur le fait divers sur le crime de sang sur le sensationnel
je dois dire qu'ici euh on a toujours plutôt freiné un peu
on a freiné euh non pas que nous soyons des anges
pas du tout
disons peut-être quand même que c'est les grâces euh
à monsieur Secrétin euh qui est le
président directeur du journal qui
est aussi maire d'Orléans
et qui défend euh
certaines morales une certaine éthique qui ne
n'admet pas que le journal euh s'abaisse trop
euh
en souscrivant euh
un peu servilement au goût du au goût de la masse
alors nous avons les instructions c'est pas un mystère nous avons les instructions pour ne pas exagérer
pour ne pas trop faire de sang à la une
alors
on essaye de se tenir à ce à cette règle
alors vous savez bien y a pas que ça y a
y a une espèce de démagogie qui consiste à
à donner beaucoup d'importance à un sujet quand on sait qu'il est dans l'air
ce serait pas difficile d'en trouver quelques uns actuellement
la pilule par exemple
hein vous savez qu'en ce moment ça a fait un certain bruit
en cyclique
la liberté sexuelle tout ce que vous voudrez
il est il est certain que si on faisait un
un papier euh on en a fait bien sûr mais si on en faisait un qui qui vraiment
euh donne satisfaction à ce que
nous sentons bien être le le courant le plus général
c'est une façon comme une autre de d'attirer le lecteur
ça on s'y refuse un petit peu euh
on essaye de ne pas être
de de de créer d'atteindre un certain équilibre
euh au terme duquel euh chacun euh
garde tienne son rôle le mieux possible le lecteur son rôle de lecteur et puis le journaliste son rôle de journaliste et puis c'est quand même nous
qui devons donner la physionomie du euh
préciser la physionomie du journal
moi je dis souvent je me trompe peut-être mais enfin je dis souvent que
même brutalement que je fais le journal euh avec les gens qui travaillent avec moi je j'essaye de le faire
comme je crois qu'il doit être fait puis si ça plait pas au lecteur il a qu'à en acheter un autre
tant pis qu'est-ce que vous voulez
faut quand même prendre ses responsabilités
est-ce que vous recevez souvent des lettres euh de
oui alors ça euh
c'est un des charmes de de la presse régionale c'est qui je crois qu'il y a un contact assez étroit
entre la rédaction et le lecteur
le lecteur est pris très volontiers
euh pour pour un sujet qui le préoccupe oh souvent hein
comme ont dit vulgairement ça vole assez bas hein c'est c'est c'est
c'est c'est
l- le lecteur ne ne ne s'aventure pas dans les sphères métasi- métaphysique
mais souvent c'est un petit problème local euh
et puis alors le plus souvent il prend la plume parce qu'il est pas content hein ça des lettres de compliments je vais vous dire qu'on en voit rarement
rouspète
ah c'est des rouspéteurs c'est bien connu
mais ça permet un contact avec le lecteur on essaye de lui répondre de de faire une petite enquête
de faire le point sur la question qui les préoccupe
est-ce que vous publiez les lettres euh ?
nous publions les lettres souvent
enfin pas toutes
vous les choisissez
eh bien quand on pense que le point de vue
est soit d'abord euh et alors là
euh on fait une concession à ce que je prétendais ne ne dédaigner tout à l'heure
euh souvent quand on a le sentiment que ça exprime l'opinion d'une grande ma- partie de nos lecteurs ou alors à l'inverse
quand on pense que le point de vue est original
c'est c'est en somme deux critères mais nous avons une rubrique que nous appelons courrier de nos lecteurs
où nous passons assez souvent de des lettres euh on s'efforce qu'elles soient pas trop longues
pour pas donner la tentation aux gens d'écrire trop et n- d'envahir nos colonnes
mais enfin on le fait assez souvent
et on s'est aperçu que
c'était un bon moyen de maintenir une communication entre le journal et les lecteurs
est-ce que vous publiez plus facilement des des lettres de responsables ou bien euh
non pas spécialement
il est évident que
les responsables sont peut-être parmi ceux qui se manifestent le plus souvent précisément parce qu'ils sont responsables
ou qu'ils ont le sentiment de l'être
bien sûr
mais souvent ce sont de simples particuliers
sur un problème euh communal sur un problème euh régional euh
par exemple euh il y a eu hier soir euh
au palais des sports le les coeurs de danse de l'armée soviétique
j'ai pas besoin de vous dire que compte tenu de ce qui vient de se passer euh en Tchécoslovaquie ça avait
provoqué une certaine émotion
c'est d'ailleurs
à peu près tous les gens ont considéré
quoi qu'on puisse penser des des de ces événements ben
il semble ces gens-là sont venus là pour chanter pour danser et puis qu'à près tout c'est peut-être la sagesse que
ne serait-ce que pendant deux heures que d'écouter la musique non
bref il n'y pas eu d'incidents mais il y a eu de violents remous on peut le dire dans nos lecte- parmi nos lecteurs et on a passé plusieurs lettres
euh généralement indignées de la venue de de cette troupe
c'est je crois un exemple de
de la façon et des occasions
dans lesquels se manifeste le le sentiment de nos lecteurs à travers nos colonnes
est-ce que vous pourriez est-ce que vous pourriez parler de la formation des principaux journalistes de la République du Centre ?
ah je pourrais en parler bien sûr
je pourrais en parler d'autant plus facilement que
je me trouve euh confronté assez souvent
avec le problème qui consiste à à renouveler les
les cadres si vous voulez puisque
les gens vieillissent les gens prennent leur retraite il faut les remplacer
alors ça mon opinion euh
euh alors se- elle vaut ce qu'elle vaut et puis elle elle a pas la prétention d'être la bonne mais
mais mon opinion est que en France on a encore
pas organisé vraiment le la formation des journalistes
y a bien sûr y a plusieurs écoles
des écoles privées euh organisées
quelques fois avec le concours de la profession y en a à Paris
y en a aussi en province
et euh pour la première fois il y a un an ou deux
le journalisme a fait son apparition dans l'enseignement supérieur
ça a commencé à Strasbourg à la faculté de Strasbourg ou un certificat de de licence
préparant au journalisme
a été crée
y a un deuxième euh une deuxième manifestation de euh de du désir de l'Education Nationale de d'organiser l'enseignement du journalisme
qui se traduit par euh l'ouverture au mois d'octobre je sais pas très bien sur quelle base d'ailleurs
de
cours
préparant aux carrières de l'information dans le cadre des IUT
ça je ne sais pas très bien si
ça vous si cette notion vous est familière les IUT c'est t- les ce sont les Instituts Universitaires de Technologie
qui doivent dispenser un enseignement court
c'est-à-dire en deux ans
et qui permet doivent permettre euh d'insérer assez rapidement les les gens qui ont fait des études supérieures relativement brèves dans différents
différentes activités
alors
je dois dire que les les expériences que j'ai faites
avec des jeunes gens qui sortaient
euh des écoles de journalisme parce que j'ai pas eu l'occasion d'en voir qui sortent euh de ces établissements d'enseignement supérieur officiels
les classes que j'ai faites sont pas très pas toujours très heureuses
ça
c'est un peu ennuyeux mais c'est vrai
le pire je suis euh je suis peut-être un peu partial parce que moi j'ai
j'ai appris mon métier sur le tas comme on dit
et je considère que c'est la meilleure école
à tort ou à raison mais enfin c'est mon opinion
vous savez c'est c'est c'est un métier que vraiment on
on apprend en le pratiquant c'est c'est en forgeant qu'on devient forgeron et moi je crois
c'est ça n'exclu pas qu'il y ait une formation de base euh
plus théorique à mon avis que pratique qui puisse être donnée et organisée
enfin généralement
les gens que nous avons recruté ici n'étaient pas passés par une école de journalisme
et
on s'est aperçu qu'on arrivait très bien à les former en quelques mois
à la condition que la base
que que la base euh culturelle soit solide
trop souvent malheureusement les jeunes gens
sont tentés par le journalisme
et il faut bien le dire ne ne possèdent pas euh
les compétences élémentaires vous comprenez que moi quand je reçois euh
un jeune euh que je le mets à l'épreuve
et que on constate avec horreur
qu'il sait pas accorder un participe passé
je lui dis ben je crois qu'il est pas nécessaire
je vous remercie de poursuivre l'expérience à moins que
à moins que vous recommenciez vos études
enfin dans le monde de la semaine dernière il y avait aussi euh en première page une faute d'accord du participe passé
oui alors ça vous comprenez
ça je crois pas qu'il faille jeter la pierre aux
aux journaux euh sur les fautes qui sont commises
ce qui m'étonne toujours un petit peu quand je
c'est une de mes réflexions favorites quand je fais visiter le journal euh à des gens
on me dit toujours mais comment se fait-il que
qu'il y ait tant de fautes
alors je leur dit écoutez euh si vous me posez des vous me poser cette question avant que la visite ne commence euh
je comprends très bien
seulement quand vous aurez terminé la visite vous demanderez pas pourquoi y en a tant vous demanderez pourquoi y en a si peu
car au fond c'est quand même un petit tour de force quotidien que que de commencer à sept heures du soir un journal qui doit être terminé à une heure du matin
euh à sept heures y a absolument rien dans les formes sur le marbre euh
faut quand même faire ça très vite alors
puis alors hein euh nous on traverse une très mauvaise période il faut bien le confesser car
dans le cadre de ces transformations dont je vous parlais de ces bouleversements techniques
on on inaugure de nouvelles méthodes on abandonne
peu à peu la linotype pratiquement y en a plus ici on a des des robotypes
qui sont des machines qui font euh largement appel à l'électronique
et
comme on veut conserver notre personnel on est en train de le convertir
alors j'aime mieux vous dire que les premières semaines les m- les premiers mois c'est affreux
parce que on un monsieur qui a travaillé pendant quelques fois vingt ans sur une machine et qui passe sur une autre machine
commet des fautes bien sûr très nombreuses
et les fautes sont si nombreuses et multipliées par le nombre des opérateurs que quand arrive le moment assez tard dans la nuit où on pourrait entreprendre de les corriger
le nombre même des fautes nous décourage et nous ren- met dans l'impossibilité de les corriger hein
alors c'est une situation assez tragique et en ce moment on a pas à être très fiers de
de la composition du journal mais c'est un mauvais moment à passer
est-ce que vous pourriez peut-être euh je crois que ça serait intéressant
parler de votre propre carrière
euh comment vous êtes venu
oh ben écoutez moi je veux bien parler de ma carrière
elle n'a pas grand intérêt pour les autres mais enfin
est-ce que vous êtes euh orléanais également ?
je suis orléanais
je suis orléanais j'ai fait des études secondaires
et j'avais toujours pensé euh enfin j'avais toujours été tenté p- non pas spécialement par le journalisme mais j'aimais écrire
et puis je en fait je me destinais à la médecine
je voulais être médecin et puis euh pour des raison personnelles je peux le dire parce que ça
ça n'a pas de caractère secret et
et ça ne me gêne pas de le dire m'enfin il se trouve que la guerre a
a complètement bouleversé le la situation de mes parents et que
j'ai dû travailler très vite
si vite que
j'ai passé mon baccalauréat
un après-midi et le lendemain matin j'allais travailler
sans même savoir si j'étais reçu j'ai commis un pieux mensonge ou plutôt la personne qui m'a engagé a commis un pieux mensonge en
en couchant sur ses papiers que j'étais titulaire du baccalauréat alors on a prié le bon Dieu pour que les résultats soient favorables ils l'étaient bon
alors j'ai su ça se passait tout de suite après la Libération et
il s'est trouvé que comme j'avais été en contact euh par la résistance avec euh
avec des gens qui ont participé à la libération du territoire
je suis entré
donc le lendemain de l'examen euh comme attaché de cabinet auprès du commissaire de la république de la région d'Orléans
euh mes parents euh étaient assez satisfaits c'était le
c'était l'administration préfectorale ils me voyaient déjà avec une casquette euh
galonnée
et puis je me suis aperçu très vite que
que j'étais pas fait pour l'administration ou que l'administration n'était pas faite pour moi m'enfin je
c'était pas possible je voulais pas rester
je m'ennuyais abominablement
et puis l'occasion ou le hasard a voulu que un de mes camarades de de lycée
qui lui aussi avait des des vocations diverses puisque il se destinait à
à la chirurgie dentaire il est effectivement devenu chirurgien dentiste mais il avait un
un très très grand talent de caricaturiste et pour euh gagner un peu d'argent il travaillait au journal ici
puis un jour on lui a dit ben écoutez on cherche un journaliste pourquoi ne rentreriez-vous pas ?
alors il a dit non moi je peux pas euh c'est pas possible euh
je dois faire mes études dentaires mes parents y tiennent beaucoup euh
mais par contre j'ai un camarade euh
qui s'ennuie à la préfecture et peut-être qu'il pourrait rentrer ici
j'ai donc été mis comme ça en contact avec monsieur Secrétin
qui m'a engagé toutes affaires cessantes et
je me suis dépêché de donner ma démission à la préfecture et puis je suis rentré ici
j'étais jeune j'avais 19 ans
et le journal était
très modeste comme je vous le disais tout à l'heure c'était à l'époque où on tirait à vingt-deux mille exemplaires
et nous étions euh si ma mémoire est bonne nous étions
quatre rédacteurs au siège
avec une quinzaine maintenant tout de même
alors j'ai tout fait euh j'ai fait ce qu'on appelle les chiens écrasés
c'est-à-dire les
les divers j'ai fait les tribunaux
ça a pas été toujours très très rigolo parce que
quand on est jeune euh
on aime quelques fois bien se distraire un peu et faut bien dire que
le petit nombre que nous étions euh faisait qui qu'il fallait être présent presque sans arrêt qu'y avait pas de jours de congés enfin
c'était l'époque héroïque
et puis ben euh
on a essayé de de s'en tirer ça a pas mal marché la rédaction s'est étoffée
on a considéré que j'étais capable de faire travailler les autres et que j'avais suffisamment écrit parce que c'est ça le drame au fond c'est que quand on prend quelques galons
on fait écrire les autres et soi-même on n'écrit plus beaucoup et ça je le regrette d'ailleurs
enfin c'est la vie qui veut ça
et puis maintenant je je suis responsable du service des informations surtout locales et régionales
mais ce que ce qui m'a fait beaucoup de bien c'est q-
pendant
vingt-trois ans hélas maintenant
je suis passé dans tous les services absolument tous
j'ai fait du secrétariat de rédaction j'ai fait la première page euh
à un moment d'ailleurs euh
on m'a confié aussi les les quelques reportages à l'étranger que un journal régional peut être amené à faire et c'est
bien sûr ça ça m'a beaucoup apporté et
je crois que ça a complété ma formation si tant est qu'elle soit encore complète
j'en suis pas sûr parce que c'est un métier où on
on ne cesse pas d'apprendre puisque le la matière sur laquelle on travaille évolue constamment puis les techniques changent aussi
enfin je crois que j'ai pas la peine il est pas nécessaire que
que j'ajoute que j'adore ce métier
voilà
est-ce est-ce que pourriez euh décrire un peu pour les les anglais enfin euh les Orléanais ?
ah
dans les différents domaines enfin travail loisirs euh
décrire les Orléanais
c'est difficile vous savez parce que
je crois pas que ce soit un Orléanais qui soit le mieux placé pour parler des Orléanais
parce qu'on voit les choses de l'intérieur et qu'on a pas un jugement objectif
bah vous savez Orléans c'est une ville euh que
avec toute euh sa diversité et avec euh l'avis change beaucoup selon selon les classes sociales euh
je pourrais je pourrais vous
dire plus facilement comment je le vis moi quoi que ce serait un mauvais exemple
que que comment vivent les Orléanais en général
que
d'autant plus que vous savez y a pas y a peu de différence entre la vie des Orléanais et la vie des des Bordelais
ou des Lillois
y a pas grande différence si des différences mais qui tiennent si vous voulez aux dimensions de la ville
qui tiennent aussi au climat
il est certain que dans le midi on vit beaucoup plus dehors que que dans nos régions qui sont
moyennes et
euh affligées d'un climat continental qui est pas toujours agréable il pleut beaucoup il
on dit qu'à Orléans il pleut souvent qu'y a beaucoup de vent je crois que c'est vrai
nous aussi
vous le pensez aussi
non ça c'est pas le climat idéal les bords de Loire ont la réputation d'être euh
d'être malsains de donner des rhumatismes ou des angines
on voyait ça aussi en Angleterre
est-ce que vous croyez que les les Orléanais enfin ont des qualités spéciales enfin
alors ça pour moi c'est très di- il est très difficile de faire la
la part de
de de ce qui est la réalité puis de de ce qui est un un petit peu le la légende tout ville a
a une espèce de légende sur ses habitants euh
on dit par exemple que l'Orléanais est
est froid
on dit qu'il est froid qu'il est assez réservé
je le crois d'ailleurs je crois que c'est vrai dans une certaine mesure nous sommes évidemment beaucoup moins expansifs que dans le midi
on dit aussi qu'il est fidèle et alors là on rejoint
des tas d'anecdotes euh historiques et on on
on dit souvent on vous parle souvent de la fidélité des Orléanais à Jeanne d'Arc et j'apporte ici un sujet brûlant et
mes amis anglais
oui euh on dit on dit aussi que l'Orléanais
comment dire
a la dent dure
on dit il y a d'ailleurs on sur- on l- les Orléanais ont surnom je sais pas si vous le savez d'abord déjà on dit que ce sont des guêpins
on dit que ce sont des guêpins
euh car euh ils ont la réputation comme la guêpe
d'avoir une sorte d'aiguillon
qui picote quelque fois euh on leur d- euh attribut un esprit incisif euh
on dit que euh ils voient volontiers le les petites travers ou les petits ridicules des gens et que
se font pas faute de de l'exprimer
alors tout ça oui y a du vrai bien sûr y a du vrai y a y a une part de de légende parce que
quand une ville euh grandit c'est le cas d'Orléans comme de toutes les villes de France comme de toutes grandes les villes vous savez bien que
en France euh j'imagine que ce doit être la même chose en Angleterre y a un phénomène qui qui vide les campagnes au profit des villes
alors c'est quand de la population d'Orléans s'accroît bah euh bien évidemment
ce ne sont pas uniquement des des gens de la périphérie qui viennent
y a des gens d'un peu partout
vous avez des industries qui s'implantent qui apportent leur personnel
vous avez les pas mal euh
de Parisiens qui se sont installés à Orléans ou dans la région parce que des entreprises
de Paris se sont décentralisées alors tout ça ça crée
un brassage des populations
qui fait que petit à petit les caractéristiques
propres aux Orléanais dans la mesure où elles existent
ben s'estompent euh disparaissent un petit peu et on finit par vivre ici
un petit peu comme on vit ailleurs euh dans une autre ville de France
tout à l'heure vous aviez prononcé le mot de classe est-ce que vous pourriez décrire euh d'après vous quelles sont les classes sociales à Orléans ?
bah là aussi y a un y a un nivellement qui se produit
autrefois et pendant très longtemps Orléans a été une ville
a été une ville commerçante
pour des raisons qui tiennent surtout à sa situation géographique
et surtout au fait qu'Orléans était un port
un port sur la Loire
et que la navigation sur la Loire était importante
alors euh
y avait un mouvement d'affaires importantes qui se faisait ici y avaient de vastes entrepôts
on recevait euh même par la Loire
euh des denrées exotiques euh
et puis on les transformait
Orléans était aussi et l'est encore
une des capitales du vinaigre
et de la moutarde
alors euh c'était incontestablement une ville d'affaires une ville commerçante
et aussi une ville
dans laquelle venaient se retirer les gros cultivateurs
de la région surtout du nord de la Beauce qui comme vous le savez est une région agricole active et prospère
tout ça faisait que
en vérité finalement une ville assez bourgeoise
peu industrialisée
ça a changé ça a changé très nettement
d'abord parce que le déclin de la navigation sur la Loire a complètement ruiné une partie des activités commerciales
d'Orléans
les cultivateurs maintenant eux tiennent pas spécialement à se retirer à Orléans vous savez euh
ils sont tous très bien installés
sur les lieux même de la culture ils ont fait construire de belles maisons tant mieux pour eux
et puis euh finalement ils préfèrent aller à Paris qu'à Orléans
alors euh
l'industrialisation a fait que on a vu apparaître euh
non pas un prolétariat mais une classe ouvrière aussi
ce qui fait que maintenant il y a vraiment une gamme très très variée de de classes sociales
et alors
c'est difficile de parler des conditions de vie de
d'une classe ou d'une autre parce que ça aussi c'est un phénomène euh mondial
le niveau de vie s'élevant
de façon générale
il y a peu de différences entre euh la façon dont vit un
contremaître d'une usine et un cadre euh et même quelque fois le patron
maintenant ils partent presque tous en même temps à la mer ils vont presque tous au sport d'hiver l'hiver
ça se voit à quoi
bah ça se voit au compte en banque et par conséquent ça se voit pas parce que vous connaissez la discrétion qu'on a là-dessus
ça se voit à les feuilles d'impôts n'en parlons pas parce qu'alors ça c'est le sujet tabou en France
ça se voit à quoi à la puissance de la voiture ?
bof pas forcément parce que
quelque fois quelqu'un qui a des revenus très modestes euh met un point d'honneur à avoir une voiture plus belle que son celle de son patron
ça transparaît pas très bien dans le logement
bah dans le logement oui un peu
je crois que ça se voit surtout à la résidence secondaire car ça c'est un grand phénomène
le patron il a une il est pas tellement mieux logé que son contremaître
seulement le patron il a une résidence secondaire en Sologne ou aux bords de la Loire
et le contremaître en a pas le contremaître il a que sa voiture alors le dimanche il sait pas quoi faire
il se promène sur la route
et il tourne même il arrive même sans avoir qu'il tourne pas loin de la résidence du patron
et puis qu'il est qu'il serait tenté de rentrer dans le bois ce que le garde-chasse lui interdit
nan vous voyez c'est y a pas y a pas si vous voyez dans la vie de tous les jours une une très grande différence
oh j'imagine qu'en Angleterre c'est un peu la même chose
il est très difficile maintenant de juger de la condition sociale des gens
c'est comme euh vous les
quand vous voyez ces gens marcher dans la rue
y a cent ans ça se voyait tout de suite on distinguait le paysan l'ouvrier du bourgeois ou du notaire
maintenant non
alors tout ça je crois pas que ce soit très caractéristique d'Orléans et là je vous déçois peut-être un peu
dire euh que le français pur c'est ailleurs c'est pas
il me parle
et quoi que si ils sont
euh est-ce qu'il y a
un français pur puis
comment le définir ? c'est le grand problème
bah oui justement
moi j'ai des amis à Marseille qui considèrent qu'on parle abominablement le Français
et si vous parlez pointu et on vous comprend pas
mais je suis en train de lire le bouquin de Paul Guth en ce moment alors euh on a peine à y croire
où justement il essaie de parler pointu
quand
pourquoi est-elle euh
professionnelle euh
au fait euh vous avez parlé tout à l'heure de la décentralisation
hm hm
enfin d'après mes lectures dans les journaux j'ai l'impression qu'il y a tout un une politique centrale de régionalisation n'est-ce pas ?
oui
d'encourager un peu la vie régionale est-ce que à votre avis ça va
ça va affecter
la presse locale est-ce que la presse locale peut y contribuer plus qu'avant ?
c'est-à-dire que
jusqu'à présent euh la régionalisation oui euh on a commencé timidement
à la promouvoir
est-ce que ça a affecté le la physionomie du journal ? oui
ainsi par ex- ainsi par euh
avant la guerre ou même il y a encore quelques années
ben Orléans c'était Orléans c'était le chef-lieu du département du Loiret c'est
ça a Orléans a été réduit un peu euh à
à une vie euh
une vie de à la vie d'un d'un chef-lieu de département ce qui n'allait pas bien loin ce qui n'engageait pas de de grandes responsabilités alors et j'ai trouvé qu'Orléans
est devenue capitale régionale
est devenue capitale de la région Centre
q- qui comme vous le savez certainement euh groupe six départements
ça a supposé
la venue à Orléans la création de d'administrations régionales
il est bien évident que
nous avons été obligé nous d'ouvrir une rubrique un peu une rubrique euh on a crée une chronique de la région Centre
y a une es- euh bien que les liens soient encore euh assez faibles assez lâches euh avec les les cinq autres départements de la région
les Orléanais alors là je pense pas du tout aux lecteurs moyens mais
aux fonctionnaires par exemple
qui appartiennent à des administrations qui qui ont
qui ont acquis une structure régionale
que ceux-là de nos lecteurs sont intéressés par ce qui se passe
à Bourges ou euh comme à Châteauroux
et on a fait on a été amené oui à faire une place un peu plus grande aux nouvelles de la région
alors comment comment cela va évoluer ça c'est un problème de gouvernement
vous savez qu'en ce moment euh y a des projets pour ça qu'on parle
de d'accroître l'autonomie des régions
est-ce que ça se fera est-ce que ça se fera pas ça on en sait rien enfin on sera bientôt fixé certainement
alors si le mouvement s'amplifie
je crois qu'à ce moment-là
le journal devra aussi euh en porter témoignage
si par exemple on crée une assemblée régionale élue peut-être
avec des pouvoirs euh plus étendus que
qu'il y ait même un budget régional
bien évidemment la la vie et la vie à Orléans changera encore
les les projets les projets d'urbanisme par exemple la construction d'un grand ouvrage routier
et dont la nouvelle nous était
auparavant euh apportée euh
par le député local euh m'enfin
la décision était prise à Paris c'était comme le bon dieu qui nous apportait la bonne nouvelle
si maintenant ça ce ce projet est débattu
dans une euh enceinte euh
orléanaise
il est certain que nous on sera amené à rendre compte des débats de cette assemblée et que
le la nature même du le contenu même de nos informations changera
puis qui s'éveillera certainement une une espèce de conscience régionale qui pour l'instant n'existe pas ça peut être en effet un grand changement oui
bon
ah oui ces projets je crois qu'il y a aussi un projet de
régionaliser la télévision et la radio
alors ça ça existe déjà
ça existe mais
euh la télévision a des émissions régionales
y en a une
qui est en particulier une euh
une antenne euh de la télévision à Orléans
les studios sont près de Bourges
alors ça y a un projet qui est je crois est en cours de réalisation
le siège euh
administratif étant déjà à Orléans
il y restera bien sûr il va sans doute s'étoffer et les studios vont être construits à Orléans
pour l'instant il faut bien dire oh sans sans méchanceté que le la télévision régionale ce c'est peu de choses que
c'est d'ailleurs assez assez étonnant enfin moi ça m'étonne toujours beaucoup
parce que la télévision régionale euh doit disposer sur les écrans sur la
première chaîne
je suis pas très sûr hein parce que je regarde pas la télévision
euh doit disposer d'une demi-heure le soir entre sept heures et demie et huit heures
mais alors faute de moyens je crois faute aussi peut-être euh du personnel euh compétent
ils sont dans un cas exactement à l'inverse de ce que nous avons fait
c'est dire que nous au fur et à mesure que
nos journaux et pas seulement de la république du Centre
prenaient de l'importance étendaient son rayon d'action ses moyens d'informations on a essayé de
de sortir un petit peu ju- du caractère local trop strictement local vous savez les petites nouvelles sans intérêt
alors eux
précisément font l'inverse
et vont vous passer des images sans intérêt euh sur un commisse agricole où on va voir en gros plan pendant trente secondes le la queue d'une vache euh ce qui est évidemment très intéressant
on s'en lasse
alors ça je crois que ils ont ils ont beaucoup de travail à faire euh encore une fois je dis ça sans méchanceté parce que ces gens-là travaillent avec les moyens dont ils disposent
et les moyens qu'on a mis à leur disposition pour l'instant leur permettent n- ne leur permettent pas de faire du bon travail
j'espère pour eux que ça changera parce que
personnellement moi je suis pas très
très inquiet de la concurrence de la télévision
elle existe bien sûr
c'est vrai que la télévision nous fait de la concurrence mais
après tout la concurrence c'est sain euh oui c'est une émulation euh
moi j'ai toujours considéré le le côté sportif du métier et
faut pas avoir peur de se battre euh
avec euh le fair-play nécessaire mais faut se battre un peu
est-ce qu'il y a des journalistes qui travaillent à la fois ?
non
non euh jusqu'à présent les
la télévision régionale a a ses propres journalistes
elle en a peu
je parle pas de leurs qualités
et ils n'ont pas fait appel à
à la télé à la presse régionale et je crois que là ça poserait un problème
je crois po- je crois que ça poserait un problème car euh
je ne sais pas
si la la direction des journaux autoriserait les journalistes à
à ce que à participer aux émissions de la télé car
euh si moi je suis pas très inquiet enfin si je vois ça sans appréhension c'est peut-être pas toujours le point de vue des patrons
qui eux me semble-t-il euh
voient peut-être pas ça d'un bon oeil
je crois d'ailleurs que ça serait ça la solution ça serait que
bien sûr il faut d'abord que la télévision s'équipe euh et recrute les journalistes qui qui qui sachent faire leur métier
et je crois que si elle veut faire du bon travail il lui sera nécessaire de temps en temps de faire appel à un journaliste de la presse écrite
c'est pas du tout que que moi je tienne personnellement à travailler pour la télévision mais
je considère que
le problème pourrait être réglé si de temps en temps par exemple dans un un événement régional d'importance ou même euh pourquoi pas un gros fait divers
la télévision pourrait faire appel au journaliste de la presse écrite qui s'est rendu sur les lieux qui a fait une enquête qui connaît bien la question
je crois que ça pourrait être intéressant pour le lecteur et
vous savez le journaliste de la presse écrite pourrait conserver une certaine euh
liberté ne pas se sentir gêné par cette collaboration occasionnelle si précisément elle é- elle n'était qu'occasionnelle euh
si on changeait souvent de de de journaliste euh
auquel on pourrait faire appel je crois que c'est c'est une solution
vous savez on est fait pour vivre ensemble euh
et pour partager les les moyens d'informations y a pas de raison de se battre autrement qu'à la loyale
je crois
je peux sauter
oui
à un autre sujet merci
euh j'aimerais savoir quel est le rôle
du syndicat
à l'intérieur du journal euh du syndicalisme en générale
oui
surtout dans le contexte de la modernisation
si euh
oui ce qu'il faut dire d'abord c'est que
en gros vous avez
vous avez deux catégories
vous avez deux deux sortes de syndicats il y a les syndicats ouvriers
qui est
bien entendu regroupe les les ouvriers et le personnel technique
et puis y a les syndicats du journalisme
alors le syndicat ouvrier
les ouvriers ici appartiennent tous au syndicat du livre
qui est un syndicat national et qui
est affilié à la CGT
euh
il y a une petite déne- peut-être une petite particularité à signaler rapidement c'est que l-
le syndicat du livre est un des
plus anciens syndicats français
au moment des des difficultés qui rem- maintenant remontent à une quarantaine d'années
où il y a eu une scission entre euh dans le milieu syndical
entre les gens qui étaient communistes ou communisants et ceux qui ne l'étaient pas
euh délibérément le syndicat du livre est resté
à la CGT
et est resté euh
du côté de de ce qu'on pourrait être tenté de de de qualifier de de communisme ou de communisant
mais tout en préservant sa personnalité
et le syndicat du livre euh il me semble que dans sa grande majorité
fait preuve tout en restant à la CGT d'une grand indépendance
vis-à-vis du parti communiste
euh ici la situation est particulière car euh ils sont affiliés à au syndicat du livre donc à la CGT
euh
je crois qu'on serait bien en peine de trouver quelqu'un
qui ait beaucoup de sympathie pour le parti communiste un seul même dans la maison
pourquoi c'est comme ça ?
hum je sais pas trop
on dit souvent en manière de plaisanterie quand euh
un conflit social euh se produit en France et qu'il euh retentit même sur le plan du journal ça arrive
ont dit souvent que les ouvriers ici sont
les pires réactionnaires qu'on ait jamais rencontré et qu'ils sont beaucoup plus réactionnaires que les journalistes
c'est comme ça
c'est pas ils ont l'imp- ils ont je crois qu'ils ont le sentiment d'appartenir un peu à une
une espèce de petite bourgeoisie euh du prolétariat ils sont d'abord pas mal payés généralement
ils tiennent beaucoup à ce qu'ils bossent seuls et
c'est très respectable après tout
alors les journalistes eux appartiennent tous alors y a plusieurs syndicats de journalistes
y en a en gros trois
y a le syndicat national des journalistes qui est un syndicat autonome
c'est-à-dire qui n'est rattaché à aucune centrale ouvrière
et tous les journalistes
ici appartiennent à ce syndicat
y a également un syndicat
euh je vous demande pardon y en a quatre
y a également un syndicat CGT
qui groupe surtout les journalistes travaillant à la publication communiste ou communisante
y a le syndicat CFDT les journalistes et le syndicat force ouvrière mais en somme
les trois grandes centrales syndicales ont leurs syndicats de journalistes
propre
et puis y a le syndicat SNJ autonome dont je vous parlais et qui est le plus
oh je crois pouvoir dire qui est qui
que c'est lui qui a le plus grand nombre d'adhérents
alors comment euh car au fond c'est ça votre question
comment les syndicats sont-ils associés à la vie du journal ?
et surtout au projet de transformation
alors ça je dois dire que rien de systématique n'a été fait qu'y a pas eu vraiment cette fameuse participation dont on parle tant
que la direction n'a pas
te- cette euh vous pou- vous pouvez considérer ça comme une critique dans mon esprit ç'en est pas une c'est une constatation
que la direction n'a pas mené un campagne euh d'information systématique
qu'on sait surtout ce qui va se passer euh
comme ça par des conversations euh
mais enfin
les gens qui surtout dans le personnel ouvrier qui vont être euh
affectés par euh
une euh modification de leurs outils de travail en somme
les linotypes par exemple qui qui vont devenir devenir des
je sais pas très bien comment on dit les gens qui vont travailler sur des robotypes
m'enfin
qui vont changer
qui vont changer l'instrument eh ben ça ils sont ils en sont avisés bien sûr ils sont au fait de la transformation puisque euh aussi bien depuis plusieurs mois ils ont déjà changé de machines
mais ils savent pas très bien euh ce qui va vraiment changer dans l'ensemble du journal
les les journalistes le savent mieux parce que
on est au contact euh du patron plus directement du rédacteur en chef euh qui lui euh
euh bien souvent nous entretenir euh des projets
alors si vous voulez c'est un y a pas eu de plan d'information
mais
on on sait finalement ce qui se passe parce que la maison est ainsi faite
que
elle est pas grande
et euh
y a pas tell- y a pas tellement d'écrans
entre les responsables et les exécutants
alors euh quand on sait pas très bien ce qui va se passer ben
on coince le rédacteur en chef dans un couloir et puis on lui dit dites donc à propos comment ça va se passer là-bas
et ben puis on s'assoit et puis on bavarde de tout ça et il nous l'explique
y a pas y a pas bien sûr de de de parti pris
euh de mystères de la part de la direction
pas du tout
on considère ben que tout le monde est embarqué dans la même aventure que chacun y tiendra son rôle et puis que
certainement tout se passera bien du moins on l'espère
alors vous voyez le le problème n'a pas été du tout traité comme il le serait
dans une grosse entreprise
où il faut où là ce serait absolument nécessaire que ne serait-ce que de réunir les gens et puis de leur expliquer un peu
alors il faut quand même dire qu'il y a ici des
des structures où
où le dialogue euh existe il y a par exemple un comité d'entreprise
qui se réunit quelques fois et devant lequel
la direction a plusieurs reprise a expliqué les projets
y a aussi une coopérative euh ouvrière
où ça s'est fait de la même façon
car je sais pas si ça vous intéresse mais enfin sur le
l- la structure euh
financière pourrait-on dire de du journal
il y a une petite particularité c'est que
c'est une société anonyme
à coopération ouvrière
c'est-à-dire que c'est une société anonyme comme les autres
euh par actions
mais que le nombre des actions à été
limité volontairement c'est-à-dire que personne
ne peut en posséder plus d'un certain nombre je crois que c'est de l'ordre de soixante-dix ou quelque chose comme ça
et le nombre des actions doit être de seize mille
c'est-à-dire qui on a absolument écarté la possibilité pour qui que ce soit de jamais détenir
la majorité du capital
bon
et le personnel
est euh intéressé au bénéfice
alors là d'une façon un petit peu symbolique il faut bien le dire
car moi il y a je vous le disais presque vingt-trois ans que je suis ici
la répartition du bénéfice s'est toujours traduite par l'octroi
de trois mois de salaire supplémentaires c'est-à-dire qu'au lieu de toucher douze mois de salaire tout le monde en touche quinze
et quelque soit la situation et le résultat de l'exercice de l'année c'est toujours quinze mois de salaire
alors c'est donc un petit peu symbolique si vous voulez ça n'est pas pour euh ça n'est pas
sans intérêt pour autant pour le personnel
enfin c'est une participation qui n'en est pas une vraiment
mais il semble que les gens s'en satisfassent et qu'i- qu'ils en soient content
et est-ce que les syndicats influencent enfin influent plutôt sur le contenu des informations ?
non absolument pas
absolument pas et
là je suis très net et je crois pouvoir affirmer
que jamais ne viendrait euh à l'idée de qui que ce soit ici
euh
je dis même pas d'exiger
euh que quelque chose soit fait en un sens ou dans un autre dans la présentation du journal mais même de le suggérer
on a admis une fois pour toute qui y a ici un état major euh le rédacteur en chef euh
en particulier qui a plein pouvoir
pour euh ce qui concerne la présentation du journal on a considéré que c'était son affaire
que c'était aussi l'affaire des
des chefs de t- de service qui travaillent sous son contrôle
euh non si vous voulez y a pas du tout
y a aucune manifestation de caractère euh politique
dans l'activité des syndicats
à l'intérieur du journal et ça ne se répercute en aucune façon sur euh
la présentation du journal
si on prend par exemple euh les événements qui ont eu lieu en mai juin est-ce que à ce moment-là euh le syndicat CGT qui est ici mais enfin euh
non
euh
non d'ailleurs euh
je sais pas si vous le savez mais on a été euh
on a été de- délivré de tout cas de conscience si vous voulez
en ce sens que le syndicat
du livre CGT donc et les syndicats de journalistes aussi
de leur co- et le syndicat de journalistes de aussi de son côté
ont donné pour instruction aux syndiqués de continuer à travailler normalement
car dans les événements que la France traversait ils considéraient qu'il était nécessaire que les gens continuent à être informés
alors par conséquent y a pas eu du tout on n'a jamais envisagé d'arrêts de travail
ah y avait donc pas de problème voilà si vous voulez
les gens ont pu penser ce qu'ils voulaient bien sûr m'enfin
rien n'a permis de penser qu'il y avait un un remous un malaise euh
les ouvriers qui travaillaient ici ont ont subi les les événements les les ont même apprécié comme euh s'ils avaient travaillé ailleurs que dans un journal
vous avez parlé tout à l'heure de hum vous avez dit que le le contremaître euh
vit à peu près comme son patron et c'est comme vous l'avez dit c'est un phénomène auquel on assiste euh un peu partout
euh est-ce que dans le choix du logement le quartier
où la personne habite il n'y aurait pas des différences il n'y aurait pas des
quartiers
ah si alors certainement
y a des quartiers résidentiels
oui
y a des quartiers résidentiels
y a encore quelques euh certaines zones euh
je vous demande pardon
certains zones orléanaises de la ville d'Orléans
où euh vous rencontrerez surtout des bourgeois
aucun doute
vous avez c'est des quartiers y a quelques rues dans le centre comme ça qui ont été
des rues euh
je pense à celle de la rue Jeanne d'Arc celle la grande rue qui était ouverte euh devant la cathédrale
et puis alors y a des quartiers aussi euh
un petit peu excentriques en dehors de l'enceinte des boulevards où vous avez les maisons qui
qui alors là sont souvent précisément euh je vous le disais tout à l'heure ces maisons assez cossues que des cultivateurs retirés faisaient construire euh surtout
à la fin du siècle dernier ou au début de ce siècle
par contre euh vous avez aussi des des quartiers populaires
vous avez certains quartiers du côté des halles la rue de bourgogne tout ça c'est
c'est assez populaire on y trouve beaucoup d'ouvriers
mais alors ça aussi ça change énormément ça change énormément parce que
euh des programmes de construction de logements
ont été réalisés
bien entendu il était pas question de les réaliser à l'intérieur même de de de la vieille ville
pour des raisons de terrains car y avait de pas terrains disponibles
alors on fait ça un peu à la périphérie
et on assiste à à ce phénomène que bon nombre de familles ouvrières qui habitaient des quartiers
dans la vieille ville
vont à la pé- vont s'installer à la périphérie ça c'est très net
et par exemple rue de bourgogne je voyais encore récemment que
quartiers essentiellement populaires euh
on voit beaucoup de volets fermés et des appartements qui sont inoccupés car les gens sont partis dans ce qu'on appelle des HLM maintenant à à la périphérie
là il est là il est certain que la la la structure
euh sociologique de la ville évolue
ça c'est vrai
on peut vous demander où vous habitez vous-même ?
alors moi j'habite à j'ai un cas particulier
car il se trouve que euh
je suis logé par le journal
le journal est propriétaire de de d'un immeuble qui est de l'autre côté de la rue
par rapport à l'immeuble où nous sommes actuellement et j'ai un appartement
là-bas
hm hm
euh
ça présente des inconvénients et des avantages c'est pas la peine de de vous le dire
m'enfin euh
c'est commode pour le journal euh
moi ma vie euh tellement fait tellement partie est tellement dépendante de celle du journal que
par exemple mon appartement est relié par le téléphone intérieur
à mon bureau on peut me joindre de jour et de nuit
ça c'est inhérent à mes fonctions c'est comme ça euh c'est très bien
alors je dois dire qu'en bon Français euh j'ai une euh
j'ai une résidence secondaire car euh
il faut de temps en temps se faire un petit peu d'oxygène et j'ai une petite
je suis locataire d'une petite ferme en Sologne
où on va de temps en temps passer le week-end euh et se reposer
en dehors ou enfin non y compris les les lectures que vous êtes obligé de faire dans l'exercice de vos fonctions euh
qu'est-ce que vous arrivez à faire comme ou qu'est-ce que vous aimez faire comme lecture ?
ah oui alors ça hum je crois qu'il faut dire euh ça doit être le cas de beaucoup de journalistes
il en est un peu des lectures comme du logement
c'est-à-dire que le
que la vie professionnelle
conditionne beaucoup le les habitudes dans ce domaine-là
vous comprenez bien qu'un journaliste doit lire euh tous les jours euh
son propre journal d'abord
chez le concurrent ensuite
ou les concurrents
plusieurs journaux de Paris
le soir il faut lire le Monde
car c'est bien connu on ne peut pas vivre sans lire le Monde
c'est la bible
faut lire aussi France soir pour voir euh ce qu'ils ont fait éventuellement ce qu'on ne veut pas faire
et puis il faut lire euh
euh je lis tous les matins je lis les échos qui est un quotidien d'économie
dont je suis d'ailleurs le correspondant
il faut lire euh
deux ou trois hebdomadaires il faut lire l'Express il faut lire le Nouvel observateur il faut lire
savoir en tout cas ce qu'il y a dans le Figaro littéraire
il faut lire euh
quelle distinction
il faut lire euh
bah quelques mensuels aussi il faut lire l'Expansion il faut lire euh
enfin euh tout ceci pour vous dire que quand on a lu tout ça ben il reste plus beaucoup de temps
pour lire ce qu'on a envie de lire
alors il faut quand même connaître les
les quelques prix littéraires qui sortent dans l'année
et puis alors quand il me reste un peu de temps ben je lis ce que j'ai envie de lire
alors moi je
je vais peut-être vous faire rire mais
en ce moment par exemple je suis en train de lire les problèmes du langage ou des plutôt des problèmes de langage par monsieur Grevisse
qui est un excellent linguiste un très grand grammairien
qui est un des meilleurs à mon avis un des meilleurs spécialistes de la langue française euh
on n'est pas très fier de le dire car il est belge
il en est d'autant plus conscient
hm ouais
nan alors moi euh je m'intéresse euh à ces questions-là au fond vous voyez je suis un petit peu
poursuivi toujours par par ce métier parce que pour un journaliste euh essayer de de se perfectionner toujours dans la langue française enfin
surtout auprès d'un auteur qui qui
qui suit beaucoup l'évolution de la langue et qui partisan d'un
d'un Français moderne au fond sinon révolutionnaire
vous voyez qui reste plus grand place alors si mais
j'aime bien lire euh
j'aime beaucoup Simenon par exemple je trouve que c'est un grand romancier
alors de temps en temps je me fais le petit cadeau de de de lire un
un Simenon ou
ou de ces romans modernes euh qui souvent déçoivent parce que je sais pas hein je sais pas
je suis pas tout à fait d'accord avec le nouveau roman
voilà alors vous savez quand j'ai consacré euh
deux heures par jour à la lecture ben c'est
c'est tout ce que je peux faire
alors je lis un peu en vacances
je lis l'hiver quand euh j-
je me réfugie à la montagne l'hiver je prends mes vacances l'hiver parce que je préfère ça
alors là je j'essaye d'emporter les les quatre ou cinq bouquins que je me suis promis de lire pendant l'année puis j'ai jamais pu arriver à les lire
je peux pas vous dire de
je peux même pas dire à quels genres ils appartiennent c'est difficile
quelques fois le
le hasard dans le journal euh dans le Monde j'ai vu qu'on disait du bien d'un d'un bouquin alors
je le lis quand même
par rapport à la lecture euh des autres distractions euh
ah bah y en a peu parce que moi je dois dire que j'en ai peu parce que je suis vraiment très pris
oui
je suis très pris par mon métier et j'ai peu d'autres distractions
je fais un peu je fais un peu de pêche à la ligne ou quelques fois
je fais un petit peu de bricolage j'aime beaucoup travailler de mes mains
ça me repose alors je fais
je fais de la menuiserie je fais des choses comme ça
j'ai restauré la petite ferme que nous avons en Sologne j'ai fait de la maçonnerie un peu de tout
hm
mais pas assez aller pour mon goût
non mais vraiment on est vraiment très pris par notre métier on a peu de loisirs
faut l'aimer alors
il faut l'aimer je crois
m'enfin moi je suis très heureux comme ça
bon enfin on vous a déjà retenu
euh largement au-delà de
l'heure que vous aviez prévu
non mais non parce que
une détail
oui
je vais est-ce que je pourrais vous demander l'orthographe du nom de cette nouvelle machine électronique euh qui est robotype ?
oui robotype je crois que s- robotype
robotype
je crois que c'est comme un robot
ROBO
et puis type ?
type
ah bon
il y a un T à robot en français mais je crois pas qu'il y soit
au fond si vous voulez je peux vous dire en deux mots de quoi il s'agit où c'est ou vous savez comment ce ce ça se passe sur une dans une linotype vous savez qu'on tape sur un clavier bien sûr
que ça décroche euh les matrices correspondantes euh dans un magasin
que les lignes sont composées
ligne par ligne
que on envoie une fou- une euh coulée de plomb
sur ces matrices et que la ligne sort
bon
le le robo- la robotype c'est une autre méthode
euh
on tape sur un clavier qui est comparable à celui d'une machine à écrire
et on perfore une bande
petite bande de papier
ce qui fait que les caractères se trouvent euh
euh représentés par euh des petits trous
et après on revient si vous voulez à l'ancienne formule au lieu d'avoir euh des linos
on a de grosses linos
qui ont un débit beaucoup plus rapide et qui sans l'intervention d'un opérateur
déchiffrent la bande perforée
et à ce moment-là on retombe dans l'ancienne technique
ce qui fait que la production est beaucoup plus rapide
mais ça n'est si vous voulez ça n'est qu'un stade car euh
on s'oriente euh
vers les lumitypes enfin c'est tout autre chose on f-
on va certainement dans deux ans
on va aborder une euh une formule qui fera complètement disparaître le plan
des imprimeries
c'est-à-dire que
par des procédés que je vous expliquerai pas parce que
d'abord je les connais pas bien
euh
on arrivera à impressionner des des films photographiques
directement
et on passera à ce moment-là avec l'offset ce sera très très facile car l'offset ça consiste vous savez à photographier une page
dans laquelle il y a
des textes imprimés et les photos ou des documents photo
alors au fond on va uniquement travailler sur du film
les caractères étant directement impressionnés sur le film
ça ça sera la seconde étape de nos transformations
grande étape où on verra enfin
disparaître ce plomb qui qui est depuis des siècles dans les imprimeries le piont le plomb ou le métal
de manière générale
on a commencé par le bois après ça a été le métal et là on est au plomb mais c'est c'est fini s- ça sera vraiment le grand virage
hm
alors j'aurais juste euh
une ou deux questions
mais je vous en prie
précises à faire pour compléter nos
fiches
hm hm
euh j'ai à peu près compris quel âge vous avez
j'ai je suis né en mille neuf cent vingt-six
mille neuf cent vingt-six
j'ai quarante deux ans
oui
et vous né à
Orléans ?
hum hum
je suis né à Orléans
vous avez vécu toute votre vie à Orléans ?
tout ma vie à Orléans
oui oui
et vous avez poursuivi vos études juqu'au
baccalauréat ?
baccalauréat oui
au lycée ?
au lycée à Orléans
au lycée
lycée
j'ai fait passer le baccalauréat philosophie lettres
ah oui
vous êtes marié ?
je suis marié je n'ai pas d'enfant
pas d'enfant hm
euh et vous habitez en face euh
oui
vous avez eu parlé déjà de vos habitudes de lecture
oui
euh vos croyances religieuses si
ça ne vous gêne pas
euh j- non ça ne me gêne pas
j'ai j'ai reçu une éducation catholique mais je ne pratique pas la religion catholique
bien
je pratique aucune religion
et comment vous définiriez-vous hum si on vous demandait à quelle classe euh vous appartenez ?
oh disons j'appartient aux cadres c'est l- c'est la formule je suis un cadre euh
je suis un cadre qui est entre euh
selon qu'on est pessimiste ou optimiste on peut dire que je suis un cadre moyen ou un cadre supérieur
et euh j'avais une autre question non mais de quoi vous y avez largement répondu euh
c'était de celle de savoir dans quelle mesure vous vous sentiez orienté
vers la localité où vous vivez ou bien euh
oui alors ça je dois dire que
bien sûr j'appartiens je suis orléanais j'aime j'aime cette ville euh j'y ai ma famille euh
bien sûr j'y ai mes amis
mais
et je suis très attaché à ce journal que je trouve intéressant qui qui qui va de l'avant par conséquent c'est intéressant de travailler dans une entreprise comme celle-là
mais si le le hasard avait voulu que que je j'aille travailler ailleurs ça ne m'aurait pas gêné
je crois que j'aurais fait le sacrifice très volontiers
si j'avais été sûr de trouver les satisfactions professionnelles car au fond je crois que
ce qui a toujours guidé mon
mon existence c'est le c'est le métier
et si j'avais été sûr de trouver un m-
un poste qui me convienne mieux où je fasse du travail plus intéressant je serais parti
oui hm
mais ça n'a pas été nécessaire
voilà
ça je crois que c'est de la sagesse
est-ce que euh est-ce que votre femme travaille ?
non ma femme ne travaille pas